Fyctia
Chapitre 1 : Déjà Noël ?!
Deux mois plus tôt,
7 novembre 2022, Rennes.
— Lucas attention, tu viens de bousculer la jeune dame ! Excusez-le. Joyeux Noël à vous ! s’exclame la mère de famille.
Joyeux Noël ? Un dix novembre ? Clara manque de s’étrangler. Depuis quand les gens sont devenus assez fous pour vous souhaiter un joyeux Noël alors qu’Halloween vient à peine de se terminer ! Jusqu’à preuve du contraire, un mois et vingt-deux jours séparent ces deux événements. Mais du jour au lendemain, les fantômes et les squelettes laissent place aux guirlandes dorées dans les vitrines des magasins. Fini le temps des horreurs et bonjour la guimauve !
La mine renfrognée, elle enfonce davantage son bonnet sur sa tête. Une vaine tentative pour ne plus entendre les chansons de Noël qui passent en boucle dans les haut-parleurs.
Soudain, son téléphone vibre dans la poche de sa parka. D’un geste maladroit, elle enlève son gant et sort l’appareil. Le visage souriant d’Henriette s’affiche à l’écran, radoucissant instantanément Clara.
— Bonsoir ma chérie ! Où es-tu ?
— Je sors du boulot. Je vais prendre le métro finalement. Tous ces chants de Noël me filent la nausée. Tout va bien ? demande Clara, soudain inquiète.
— Oh non non, je ne voulais pas t’inquiéter. Mais j’ai un service à te demander. Au club de bridge, on organise un grand tournoi ce week-end. Pourrais-tu m’acheter un bonnet de père Noël s’il te plaît ? Je veux être dans le thème ! s’esclaffe Henriette. Je sais, tu détestes ça mais je suis certaine que tu pourras faire une exception pour ta vieille grand-mère qui ne peut pas affronter ce froid, poursuit-elle avec une pointe de malice dans la voix.
A l’autre bout du fil, Clara se pince les lèvres. C’est clairement le pire service que sa grand-mère pouvait lui demander. Elle aurait encore préféré vider la litière d’Henri Cat, le vieux chat d’Henriette aux problèmes digestifs. A contre cœur, elle accepte sa mission et se met en quête d’une boutique qui vend des articles de Noël.
Elle croise de nombreuses personnes en pleine lutte physique avec eux-mêmes. Ils tentent de défier le gel qui s’accroche au pavé tout en essayant de maintenir en équilibre une montagne de cadeaux, qu’ils serrent contre eux tel un trésor. Ridicule. Elle s’arrête devant une enseigne clignotante, où s’engouffre un flot d’acheteurs.
Dans la large vitrine se déroule un véritable spectacle. Des dizaines de marionnettes à l’effigie de lutins s’affairent à souffler, colorer puis décorer des boules en verre qui sont ensuite accrochées dans un sapin vêtu de guirlandes rouges et dorées. Ok, y'a de l’idée, admet la jeune fille. Soudain, un bruit de grelots se fait entendre. En se retournant, elle voit s’approcher un jeune homme déguisé en elfe de la tête aux pieds.
— Bonjour Mademoiselle, un petit sucre d’orge offert par la caverne du père Noël ? propose-t-il avec un regard charmeur et pétillant.
Clairement la caution séduction pour appâter les clients, ne peut-elle s’empêcher de penser.
— Merci beaucoup, répond-elle en prenant des mains du jeune homme le bonbon rouge en forme de canne.
Il lui fait un clin d’œil et elle sent le rose lui monter aux joues. Penaude, elle baisse la tête et ajuste son épaisse écharpe pour dissimuler au maximum son visage.
— Et n’oublie pas d’entrer dans la caverne, tout est à - 20 % profites-en ! Joyeux Noël ! Déclare-t-il en tournant les talons, les grelots tintant à chacun de ses pas.
Elle secoue la tête et s’engouffre dans le magasin. Le souffle chaud de la ventilation la fait presque suffoquer. Elle prend une grande inspiration, qui, au lieu de l’apaiser, lui donne le tournis. Quelle fournaise ! Un miroir en face d’elle lui rend le reflet d’une jeune fille au teint rougi, à la chevelure brune frisottante et à la mine maussade. Une vendeuse prénommée Stessy, affublée d’un bonnet rouge, l’alpague.
S’il y a bien une chose que Clara déteste, c’est d’être abordée ainsi, à peine les deux pieds à l'intérieur du magasin. Mais pour une fois, cela l'arrange. Plus vite je sortirais de cette boutique, mieux ce sera, pense-t-elle.
— En fait, oui. Je recherche un bonnet de Noël exactement comme le vôtre ! Ce n'est pas pour moi, mais pour ma grand-mère, s'empresse-t-elle de préciser.
La jeune femme lui lance un regard complice et tourne les talons. Lui emboîtant le pas, Clara se sent défaillir à mesure qu'elle longe les allées. Tout n'est que rouge, or, vert, argent. Une cacophonie de couleurs vives qui s'impriment sur sa rétine. Des montagnes de jouets attendent sagement leurs futurs propriétaires, qui se lasseront d'eux dès le lendemain de Noël.
Justement, des tornades hautes comme trois pommes se glissent entre les jambes des clients en piaillant le plus fort possible pour se faire entendre de leurs parents qui n'arrivent pas à suivre le rythme. Clara ne peut retenir un juron lorsque pour la troisième fois, un bambin lui rentre dedans. Elle a dû mal à suivre la vendeuse, qui déambule avec grâce en évitant soigneusement les enfants. Mais comment fait-elle ? Presque hors d’haleine, Clara arrive enfin au rayon des bonnets de Noël.
— Le voilà ! annonce triomphalement Stessy en brandissant l’objet. Vous avez de la chance, il est à – 20 % et il n’en reste plus que trois. Mais nous en avons dix sortes différentes. Certains font de la musique, d’autres clignotent, vous avez l’embarras du choix !
Clara balaye sa proposition d’un geste de la main, mais la vendeuse n’en a visiblement pas terminé avec elle.
— Avez-vous besoin d’autre chose ? Des guirlandes lumineuses pour le sapin ? Nous vendons même des corbeilles de Noël déjà emballées, vous n’avez plus rien à faire, c’est très pratique quand on veut gagner du temps !
Stessy commence à lui taper sur le système. Comment peut-on encore croire en la magie de Noël ? Ce n’est devenu rien d’autre que du marketing pour nous faire acheter, acheter et encore acheter. Nous forcer à offrir des cadeaux pour toute la famille, y compris le tonton lourdingue qu’on a pas vu depuis cinq ans et toute la marmaille qui s’accroît au fil des ans.
La quête des cadeaux devient une opération commando qu’on prépare des mois à l’avance. On veut être sûr d’avoir les articles au meilleur prix sans avoir besoin de faire des queues monumentales, tout en étant quand même obligé de se farcir Mariah Carey un 10 novembre. Clara trouve ça grotesque. Où est passée la spontanéité ?
Lorsqu’elle était petite, jamais elle n’entrait dans un magasin de jouets avec ses parents pour faire son choix. Elle se contentait d’éplucher tous les prospectus, d’y découper les cadeaux qu’elle voulait pour Noël et de les coller sur une feuille de papier. Ensuite, elle allait poster sa lettre. L’année de ses sept ans, lorsque la supercherie lui avait été révélée, elle avait pleuré toute la matinée de Noël en criant au complot.
Ce souvenir la fait sourire.
Après avoir remercié Stessy, elle se dirige vers la caisse, bien décidée à sortir au plus vite de cet enfer.
Hâte d'avoir vos retours ! :)
51 commentaires
Beryl L
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Il y a 3 jours
Emilie Hamler
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Il y a 3 jours
Soäl
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Il y a 11 jours
Emilie Hamler
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Il y a 11 jours
Aline Puricelli
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Il y a 12 jours
Emilie Hamler
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Il y a 12 jours
petites.plumes
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Il y a 20 jours
Emilie Hamler
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Il y a 20 jours
Beryl L
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Il y a 3 jours
Mapetiteplume
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Il y a 25 jours