Lénovie Le miroir du passé Chapitre 8 : "ça"

Chapitre 8 : "ça"

Nous restâmes immobiles pendant ce qui me semblait être une éternité. Je sentis la main tremblante d'Isla me tirer la manche et elle parla d'une voix presque inaudible.


- Je crois qu'on devrait partir...


Rien qu'à sa voix, je la sentais effrayée. Moi aussi je voulais m'en aller d'ici, mais pas sans réponse. Je me retourna vers elle d'un air désolé.


- Je ne peux pas partir d'ici sans savoir ce qu'est cet endroit. Je suis navré de t'entraîner là-dedans, mais si je pars maintenant, ça va m’obséder...


Elle me fixa un moment et finit par baisser la tête. Sa main agrippait toujours ma manche, ça se voyait, elle contenait sa peur.


- Je te suis. Je n'ai pas envie de te laisser seul dans cet endroit, et moi aussi je veux des réponses...


J’hochai la tête et sortis de la pièce. Je pris au passage le livre car je voulais à tout prix décoder ces symboles mystérieux.

Le reste du bâtiment était dans un état pitoyable, chaque salle était complètement en désordre. Les deux autres ailes aussi, celle de la politique et du scientifique étaient dans la même incohérence. Après quelques pas, un rayon lumineux attira mon regard. Je distingua au sol un badge argenté. Je le saisis et reconnus la lettre "K". En le retournant dans tous les sens, j'aperçus au dos une courte phrase :


Ne parle pas à celui qui t'a éveillé


Je fus confus, et tendis le badge à Isla. Elle ne sut m'en dire plus, car bien évidemment, le sens de la phrase était ambigu. Nous continuâmes notre chemin, découvrant notre lycée comme dans un autre univers.


- Jaiden... regarde...


Isla me mit sous le nez le badge en désignant quelque chose sous la lettre. Je plissa des yeux et lut avec difficulté : 1979.


- Attend, j'ai bien lu ? Ce badge date de 1979 ?

- Je crois que nous nous trouvons dans le lycée à cette période...

- C'est complètement insensé ! Ça voudrait dire qu'en traversant le miroir, on aurait remonté le temps ?


Elle réfléchit un instant tout en regardant autour d'elle.


- Je ne crois pas... c'est comme si cet endroit s'était figé dans le temps. J'ai comme l'impression que nous nous trouvons dans un souvenir...

- Tu dis ? Le souvenir du lycée en 1979 ? Enfermé dans un miroir ?

- C'est vrai que dit comme ça... en plus, ça n'explique pas toutes ces écritures étranges...

- J'ai une autre question, si nous nous trouvons bien dans un souvenir du lycée en 1979, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi tout est en ruine, délabré, saccagé... Il a bien dû se produire quelque chose.


Un blanc s'installa. Aucun de nous deux n'avait de réponses. Ce que nous venons de découvrir était bien plus grave que ce que je pensais.


- Criiii !


Nous nous retournâmes en même temps. Mon cœur faillit s'arrêter, l'une des portes du couloir s'ouvrait lentement, dans un grincement strident. Elle s'ouvrit entièrement et se stoppa. Je ne savais pas d'où me venait cette force mentale, mais j'attrapai le poignet d'Isla et couru dans la direction opposée. Je l'entraina jusque dans l'aile de la politique et ouvris une pièce au hasard. Je referma précipitamment la porte derrière moi et plaça une chaise sous la poignée.


Je restais là à fixer la porte. J'avais un mal fou à respirer, sûrement dû au fait que je n'avais pas un bon cardio, et que ce que je venais de voir m’effrayait. J'en avais presque oublié Isla, qui se tenait debout sans bouger, les yeux rivés dans le vide. Après de longues minutes de silence, j'avais enfin retrouvé mon calme. Je me tourna vers Isla et lui fis un signe de main.


- Hey ? Ça va, tu es livide...


Elle gloussa et secoua légèrement la tête de haut en bas. Évidemment que non ça n'allait pas...


- Écoute, on va attendre un peu ici, le temps que ça passe et après on sortira.

- C'était quoi...

- De quoi tu parles ?

- La chose qui est sortie de la pièce...


Je la regarda avec de grands yeux. Non... il n'y aurait quand même pas quelqu'un, ou quelque chose ici...


- Comment ça ? Isla parle-moi, dis-moi ce que tu as vu ? Lui dis-je en l'attrapant par les épaules.

- Une... une silhouette sombre et humaine... mais, ça n'avait rien d'humain...


Mon expression changea. Qu'a-t-elle vu exactement ?

Je pris en main le livre que j'avais emprunté et fis de nouveau défiler les pages, jusqu'à tomber sur la bonne. Un dessin peu rassurant d'une forme humanoïde. Je le montra à Isla et ses yeux s'écarquillèrent. C'est "ça" qu'elle a vu ?...


Ses mains commencèrent à trembler, et elle ne respirait plus correctement. Je la fis asseoir et tenta tant bien que mal de la rassurer. Je n'étais pas moins paniqué qu'elle, mais je m'efforçai de le cacher, car c'était entièrement de ma faute si on se retrouve dans cette situation...


- Isla, regarde-moi, tout va bien se passer, tout va s'arr-

- Toc, toc...


Je fus stoppé par des tapotements à la porte. Je ne trouverai pas les mots pour décrire ma peur à cet instant. Je fis signe à Isla de se taire, et ne bougea plus d'un millimètre, quitte à couper mon souffle.

Aucun bruit ne venait de l’extérieur, pas le moindre souffle ou craquement. Il y avait bien des fenêtres en hauteur. Je monta sur une table dans le silence le plus total et passa ma tête par-dessus le cadre...


Rien.


Le couloir était vide, pas la moindre trace d'humain ou d'entité. Pourtant, je n'avais pas la moindre envie de sortir. Désormais, chaque bruit ou sifflement du vent à travers les murs m'était suspect.

Je parcourue du regard la pièce. Des débris de table cassés sur le sol, ça devrait suffire. Je descendis de la table et saisis quelques éclats de bois. Ils étaient suffisamment pointus pour pouvoir potentiellement se défendre. J'en tendis un à Isla, et elle me regarda comme si j'étais fou.


- On ne peut pas rester éternellement ici. Me justifiais-je.

- Et tu comptes te défendre avec un morceau de bois contre quelque chose de pas humain ?


Sa réflexion n'était pas fausse, mais c'était ça ou rien. Je retira délicatement la chaise de devant la porte et lança un dernier regard à Isla. Même morte de peur, elle a réussi à sourire, ou plutôt à grimacer. J'ai pris ça pour un "je suis prêt" et j'ouvris doucement la porte.


De l'autre côté, le couloir était englouti dans le silence. Nous sortîmes tous les deux de la pièce, alertés du moindre bruit et nous commençâmes à nous diriger vers l'aile centrale.

Nous étions arrivés à quelques pas de la fameuse porte, et il ne s'était rien passé. À peine eus-je touché la poignet qu'un bruit sourd se fit entendre derrière nous. Je pivota de côté pour regarder.


- Isla, cours.


J'ouvris la porte à la volée, attrapa le poignet d'Isla et courus jusqu'au miroir. Mon corps commençait à traverser celui-ci, quand je sentis une pression sur mon dos...



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