Herrade_Riard Le lycée des Surnaturels Chapitre 12 (1)

Chapitre 12 (1)

Je regrette immédiatement d'avoir insisté pour suivre les cours de magie féerique dès que je franchis le seuil de la salle en début d’après-midi. Un poids invisible s’abat sur mes épaules. Qu’est-ce qui m’a pris ?


La salle, pourtant, vaut le détour. C’est une vaste pièce ovale, presque solennelle. Les immenses fenêtres laissent entrer une lumière dorée qui fait briller les plantes exotiques accrochées aux murs. Leur parfum doux et terreux emplit l’air. Les pupitres en bois fraîchement cirés sont disposés en cercle sur plusieurs hauteurs de gradins, à la manière d’une arène. Un cercle vide au centre s’étend devant le bureau encore désert de la professeure. Une certitude m’envahit : cet endroit n’est pas fait pour quelqu’un comme moi.


"Ce que tu peux être idiot, Vivien", je me gronde tout seul, "Pourquoi t'obstiner à vouloir apprendre la magie alors que tu n'auras jamais que ton médiocre don ?".


Je ne me réponds pas à moi-même, pour ne pas me vexer, et commence à gravir péniblement les marches pour monter le plus loin possible du cercle central. Je m'assieds timidement sur le tout dernier rang, non loin d'un ficus en pot. Bien sûr, Morgane s'est mise tout devant et papote avec animation avec les deux fées avec qui elle dînait hier. Elle ne semble ressentir aucune appréhension. Pourquoi en aurait-elle, de toute façon ? Contrairement à moi, elle est une vraie fée et ce cours de magie féerique est destiné aux personnes comme elle, qui pourront en tirer quelque chose.


Je me lève à moitié. Je devrais partir. Il n'est pas trop tard pour le faire. Je dirais à la sirène qui se chargeait des inscriptions que je m'étais trompé, et…


La prof, Mme Bihan, entre, à ce moment-là, me faisant renoncer à mon projet de fuite. C'est une fée d'un certain âge à l'air sévère, ses cheveux gris réunis dans un immense chignon. Elle me fait aussitôt penser à Grand-mère, ce qui est loin de me rassurer.


— Bonjour mesdemoiselles, nous dit-elle en posant son sac sur l'estrade qui lui est réservée.


— Bonjour Madame, répondent toutes les fées d'une même voix pendant que je réprime un grognement d'agacement.


Bon, ce n'est pas la première fois que cela m'arrive. N'oublions pas, après tout, que le nom de mon espèce est exclusivement féminin à une bizarrerie près (moi). Mais tout de même !


Je sors un cahier neuf et un stylo en essayant de me calmer. Je suppose que le premier cours sera surtout théorique, ce qui me convient très bien. En maths, nous avons perdu les vingt premières minutes à remplir une fiche de renseignements et les trente suivantes à écouter le professeur nous expliquer avec conviction l'importance de l'algèbre et de la géométrie. Le fait que tout le monde paraissait se barber ne l'a pas découragé.


Madame Bihan paraît cependant ne pas être le genre de prof à perdre son temps, car elle frappe des mains et nous dit :


— Très bien. Commençons tout de suite par déterminer votre niveau. Je vais vous demander de venir tour à tour vous placer au centre de la salle, de me dire quel est votre élément et de me faire une démonstration de vos capacités.


J'ai l'impression que je vais rendre le contenu de mon estomac. Je vais me ridiculiser devant toutes les fées de ma classe dès le premier jour en montrant à tout le monde mon absence quasi-totale de pouvoir. Comme si cela ne suffisait pas d'être le seul garçon présent ! Je ne sais même pas à quel élément je suis lié. Maman pense que ma faculté de changer les couleurs pourrait peut-être venir de l'eau. Mais ce n'est qu'une hypothèse !


Les autres élèves échangent des regards excités. Les fées adorent se montrer en spectacle et rivaliser entre elles. J'aurais peut-être pu être comme elles, moi aussi, si j'avais bénéficié d'un don un peu plus impressionnant. Au lieu de cela, je me tasse sur moi-même, regrettant plus que jamais de ne pas pouvoir me rendre invisible. Ça serait tellement plus utile que de teindre en rose des peluches !


Mme Bihan prend la liste des élèves et pointe sur le premier nom.


— Madeleine Allard, appelle-t-elle.


Une fille blonde à l'air un peu timide s'avance. Elle trouve un peu d'assurance en arrivant au milieu de l'arène.


— Je suis une fée des plantes, annonce-t-elle.


Elle claque alors des doigts et la plante devant le tableau noir se met à onduler comme si elle dansait la Macarena.


Nous nous mettons tous à applaudir. Pas mal. Pas aussi bien que ce que ferait Maman, bien sûr. Mais Maman est particulièrement douée et je sens une bouffée de fierté me réchauffer. Ladite bouffée disparaît lorsque je me rappelle que je vais moi aussi devoir effectuer une démonstration.


La prof, qui n'a daigné ni applaudir ni prodiguer la moindre parole de félicitations appelle la fée suivante dans l'ordre alphabétique. Les prestations s'enchaînent, toutes impressionnantes, et mon moral s'écroule un peu plus à chaque fois. Chaque seconde passée dans cette salle m’écrase un peu plus sous le poids de ma propre insignifiance.


— Morgane Guyonvarc'h, appelle soudain Mme Bihan.


Morgane se lève d'un bond. La connaissant, elle brûle d'impatience de briller devant tout le monde. Si je n'étais pas aussi angoissé, je prendrais certainement plaisir à observer la façon dont elle lève les bras avec grâce. Le pupitre de la prof et même la chaise sur laquelle elle est assise se soulève en suivant son mouvement jusqu'à un mètre du sol. Puis Morgane tourne la tête et le banc du premier rang s'élève à son tour avec toutes les fées posées dessus. Ces dernières se mettent à pousser des petits couinements tandis qu'un murmure admiratif traverse toute la salle. Ma jumelle s'est surpassée. Je suis fier d’elle, n’est-ce pas ? C’est ma sœur, après tout. Mais une petite voix me chuchote que je ne serai jamais capable de l’égaler. Elle est née pour briller, alors que moi… Je suis là pour observer.


Son teint est verdâtre lorsqu'elle retourne à sa place sous les applaudissements nourris. Trop forcer sur nos pouvoirs a un prix. Maman se met à saigner du nez. Morgane vomit et moi j'ai des maux de tête (même s'il m'arrive rarement de trop forcer sur mon pouvoir, vu son peu d'utilité).


— Vivien Guyonvarc'h, lance alors la prof.

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24 commentaires

cedemro

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Il y a 4 mois

Le moment serait bien choisi pour faire sortir ses ailes de ses omoplates douloureuses... J'imagine bien Vivien pouvoir manipuler les esprits avec l'effet qu'il a eu lors de l'incident de la douche.

Herrade_Riard

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Il y a 4 mois

😉

Andrée Martin

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Il y a 5 mois

;-)

M.B.Auzil

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Il y a 5 mois

Like de soutien 😉

Herrade_Riard

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Il y a 5 mois

Merci ^^

Emmy Jolly

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Il y a 5 mois

Oh mais je veux la suite! Comment va se débrouiller Vivien dans cette classe pour démontrer son pouvoir qu'il juge inutile.

Herrade_Riard

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Il y a 5 mois

Pour le moment, il va stresser jusqu'au déblocage du prochain chapitre 😅
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