Fyctia
Chapitre 11 (2)
— Eh bien, montre-moi le chemin, puisque tu es si sûr de toi, je marmonne, sans grand espoir de me débarrasser de lui.
Le jeune homme m'adresse un signe de tête courtois et tourne les talons, empruntant une direction totalement opposée à celle que je suivais. Je soupire en silence et me mets à le suivre à une distance respectable. Heureusement, il ne tente plus de relancer la conversation. Après tout, nous n'avons pas le temps. La cloche est sur le point de sonner à cause de mes pérégrinations du côté des dortoirs des filles.
Geralt bis a des jambes plus longues que moi. Je dois presque courir quand lui se contente de marcher. Nous dévalons un couloir baigné dans une lumière pâle filtrant à travers les fenêtres ogivales. Le marbre noir sous mes pieds renvoie un reflet glacé à chaque pas. Les statues des créatures surnaturelles célèbres nous observent avec leurs yeux de pierre. J'évite leurs regards avec soin.
Je suis tout essoufflé lorsque nous arrivons à proximité d'une salle devant laquelle patientent quelques élèves de seconde en discutant à voix basse.
Je plaque mon dos contre le mur et pose mon sac au sol, déjà fatigué. Le loup en profite pour se planter à côté de moi. Apparemment, il ne s'est pas encore décidé à me laisser tranquille.
— J'ai vu ce qui s'est passé avec le type à la veste jaune de tout à l'heure, me dit-il, brisant mon semblant de répit. J'avais gardé ça pour la pause de dix heures. Tu en veux un bout, garçon fée ?
Il me tend une feuille de sopalin renfermant un croissant à moitié écrasé.
Mon ventre pourtant plein de faisselle se met à gargouiller.
— Non merci. Et ce magicien avait une veste or, pas jaune.
Geralt bis hausse les épaules.
— Moi, je l'ai trouvée jaune.
Il engloutit le croissant de deux grandes bouchées, renonçant apparemment à le garder pour plus tard. Nous sortons pourtant du petit-déjeuner. J'imagine qu'il faut beaucoup manger pour entretenir une musculature pareille.
Mes yeux glissent du côté de sa poitrine. Le fait d'être cachée sous des vêtements ne la rend pas moins attrayante que la veille, et…
Je me mords la langue pour me concentrer. Me voilà encore en train de divaguer ! Je ne suis pas venu au lycée pour admirer des torses de loups-garous. Je suis là pour apprendre, passer mon bac et mettre toutes les chances de mon côté pour trouver le futur métier qui me plairait (pas comptable, par pitié…).
Un groupe de fées arrive en papotant. Morgane est parmi elles. Je suis si soulagé de la voir que je me précipite vers elle pour me jeter dans ses bras.
— Te voilà enfin !
Ma jumelle me rend mon étreinte, l'air un peu surprise.
— Qu'est-ce qui te prend, Vivien ? Je te laisse quelques heures et tu te fourres déjà dans les ennuis ?
J'espère de tout mon cœur que le loup n'a rien entendu. Avec un peu de chance, il va s'imaginer que Morgane est ma petite amie et me lâchera la grappe. J'ai l'impression que cela fonctionne, car le jeune homme s'est éloigné, la mâchoire contractée. Il paraît mécontent.
Parfait.
— Je n'ai pas d'ennuis, je réponds donc. Je suis juste… euh… content de te voir.
Morgane me tapote le dos.
— Moi aussi, p'tit frère. Moi aussi.
La porte de la salle s'ouvre à ce moment-là et M. Markovitch, le professeur vampire que j'avais entraperçu la veille, nous fait signe de rentrer. Vêtu d'un costume noir, il est grand, presque autant que Geralt bis, avec une silhouette mince et droite. Ses cheveux gris anthracite sont lissés en arrière.
La salle de cours se révèle à l'image du professeur : austère et rigide. Les murs sont d'un gris terne et dépourvus de la moindre décoration. De longues fenêtres aux vitraux colorés projettent une lumière tamisée. Les bureaux sont alignés avec une précision militaire.
Morgane s'installe au troisième rang, derrière deux sirènes, et je me laisse tomber à côté d'elle. D'habitude, nous ne passons pas notre temps collés l'un à l'autre, mais je crains que l'alpha ne cherche à s'asseoir à côté de moi si je laisse un siège vide. Cette précaution paraît cependant vaine, car le loup ne m'accorde plus aucune attention. Il passe à côté de moi en bavardant avec une louve sans me remarquer.
Je pose un cahier à spirales sur la table un peu trop bruyamment, soudain contrarié.
Bah, qu'est-ce que cela peut me faire ? Geralt bis me laisse enfin tranquille. Je devrais m'en réjouir.
Morgane me flanque soudain un coup de coude.
— Hum ? je lui demande distraitement.
Elle me frappe à nouveau.
— Quoi ? j'insiste.
Puis je remarque alors que le prof est en train de faire l'appel, une feuille de papier entre les mains.
— Vivien Guyonvarc'h ? est-il en train de dire pour ce qui ne doit pas être la première fois.
Je lève aussitôt la main en l'air.
— Euh… présent !
Le professeur me lance un regard glacial qui me transperce de part et d'autre. Je crois même voir un bout de canine dépasser de sa bouche.
— Vous êtes prié d'éviter de dormir en cours, M. Guyonvarc'h, me réprimande-t-il.
Je baisse la tête, les joues cramoisies. Morgane me fixe d'une façon interrogatrice, me demandant silencieusement ce qui ne va pas. Je préfère ne rien lui répondre du tout pour ne pas m'attirer une nouvelle fois les foudres du professeur. Je me suis fait déjà assez remarquer comme cela.
— Auguste Koch, est pendant ce temps-là en train de dire M. Markovitch.
— Présent, répond une voix grave que je sais être celle de Geralt bis.
Auguste. Il se nomme donc Auguste. Je note cette information dans un coin de ma tête. Non que cela m'intéresse. Simplement, je ne peux pas continuer à l'appeler Geralt de Riv, n'est-ce pas ? Bien sûr, j'ai l'intention de tout faire pour ne plus jamais avoir besoin de lui adresser la parole, après ce qui s'est passé dans la salle de bain. Dire qu'il a cru que je… que je… Que je voulais…
Je suis si gêné que je voudrais pouvoir cacher mon visage derrière mes mains.
18 commentaires
Anthony Dabsal
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Il y a 5 mois
Herrade_Riard
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Il y a 5 mois
Emmy Jolly
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Il y a 5 mois
Herrade_Riard
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Il y a 5 mois
Emmy Jolly
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Il y a 5 mois
Oswine
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Il y a 5 mois