Fyctia
Chapitre 6 (2)
Le taxi démarre. Morgane se colle contre la vitre, dévorant du regard les rues de Paris. Elle ne cesse de me donner des coups de coude pour me dire des choses comme :
— Regarde Vivien, on voit la tour Montparnasse ! Regarde Vivien, on voit l'Arc de triomphe ! Mais regarde donc !
Ce à quoi je réponds, plus modéré :
— Hum... Ah oui...
Je prends à nouveau de grandes inspirations pour chasser mon début de nausée. Je ne me sens pas très en forme et la chaleur qui règne encore sur Paris n'arrange pas les choses. J'ouvre la fenêtre pour laisser passer un peu d'air frais. Les rues se font plus larges et aérées, ici, et les passants sont moins nombreux.
Morgane me gratifie d'un nouveau coup de coude encore plus fort que les autres et qui risque bien de me faire un bleu.
— On arrive, Vivien ! Regarde ! C'est la rue du lycée !
Cette fois-ci, je fais un effort pour tourner la tête. Je distingue d'abord un très haut mur en pierre blanche duquel dépasse la cime de quelques arbres. Puis je vois le bâtiment situé en arrière. Le dernier étage et le toit en ardoise, du moins, car le reste n'est pas visible de la rue.
L'institut Excalibur est situé dans un hôtel particulier du XVIe arrondissement datant du XIXe siècle. Il appartenait à un célèbre magicien qui l'a légué à sa mort à l'Assemblée des mages, qui est l'équivalent des Cercles des fées, pour que ces derniers se servent du lieu pour former leurs apprentis. Cela a été le cas pendant les premières années.
Or, les magiciens sont très rares et sont en train de le devenir de plus en plus au fur et à mesure que le temps passe. Maman dit souvent que le monde est en plein désenchantement. Les magiciens ne sont pas les seuls à être touchés par ce phénomène. C'est également le cas des fées, car nos pouvoirs sont beaucoup moins puissants que ceux de nos ancêtres. Personne ne sait très bien pourquoi. Certains disent que c'est à cause de la pollution. D'autres accusent les technologies modernes qui rendent nos dons moins utiles. Quelques-uns affirment que notre déclin à commencer à partir du moment où les humains ont cessé de croire à notre existence. Peut-être qu'un jour toutes les fées seront aussi nulles que moi.
Bref. Au départ, l'école n'enseignait donc qu'aux magiciens. Puis, suite à de complexes accords et pour éviter de ne fonctionner que pour une poignée d'élèves, elle s'est ouverte aux fées et aux sirènes et tritons. Puis aux loups-garous. Puis finalement aux vampires, qui sont les créatures surnaturelles les plus récentes et dont tout le monde se méfiait au départ. Techniquement, seuls les magiciens et les fées ont besoin d'un enseignement magique. Les loups-garous, sirènes et vampires sont tout de même contents de pouvoir étudier dans un lieu réservé. Nous autres, créatures surnaturelles, sommes après tout supposées nous serrer les coudes face aux humains.
— Et voilà ! s'exclame le chauffeur en arrêtant son véhicule le long du trottoir. Eh ben ! C'est une vraie forteresse !
Il observe l'enceinte du lycée avec la même curiosité que nous cependant que nous sortons de la voiture. Morgane règle notre course avec le billet de vingt euros en faisant la grimace et le chauffeur nous aide à descendre nos valises avant de repartir en nous saluant de la main.
L'institut est entouré d'un mur immense qui doit bien faire cinq ou six mètres de haut et qui rend impossible de voir ce qu'il se passe derrière. À cela s'ajoute un sort puissant et invisible qui recouvre l'enceinte du lycée d'une sorte de dôme magique qui nous cache du regard des humains et nous permet d'être nous-mêmes sans crainte.
Le domaine, aussi vaste que possible au cœur d'une capitale, comporte un petit lac destiné aux sirènes et tritons et une minuscule forêt pour que les loups-garous puissent se dégourdir les pattes et que les fées se ressourcent. Certes, nous aurions plus de place si le lycée s'était installé au beau milieu de la Creuse. Mais nous passerions moins inaperçus. L'avantage de s'installer dans une ville de plus de deux millions d'habitants est qu'on y rencontre sans arrêt des gens bizarres. Les fées, loups-garous et autres créatures s'y fondent donc sans trop de difficulté à condition de respecter certaines règles. Et puis Paris est l'une des villes les plus imbibées de magie du monde, quoique loin derrière Édimbourg.
Morgane contemple la porte avec un grand sourire.
— Nous y voilà enfin ! s'exclame-t-elle, des étoiles plein les yeux.
— Hum hum, oui, je dis pour ma part d'un ton que je veux blasé.
En réalité, je me sens moi aussi plutôt excité. C'est l'effet de la rentrée scolaire, pendant le bref temps où l'on s'imagine que cette année se révélera peut-être extraordinaire. Puis l'enthousiasme retombe généralement très vite dès le premier devoir sur table. Qui sait ? Les choses seront peut-être différentes à Excalibur ?
18 commentaires
cedemro
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Il y a 5 mois
Herrade_Riard
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Il y a 4 mois
Anthony Dabsal
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Il y a 5 mois
Herrade_Riard
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Il y a 5 mois
Fanny Nohal
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Il y a 5 mois
Herrade_Riard
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Il y a 5 mois
Emmy Jolly
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Il y a 5 mois
Herrade_Riard
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Il y a 5 mois
Origami
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Il y a 6 mois