Fyctia
Chapitre 7 (1)
Nous mettons un certain temps avant de comprendre où se trouve la sonnette. Morgane finit par percuter qu'il s'agit de cette grosse chaîne qui pendouille sur la droite, à moitié dissimulée par les feuillages épais qui encadrent l'entrée. Ma jumelle lâche un instant sa valise pour la tirer fermement, déclenchant un bruit de carillon qui résonne dans l'air. Nous attendons, seuls face à ce portail imposant. Voyant que rien ne se produit, Morgane lève la main pour sonner un nouveau coup lorsque le portail se met à pivoter lentement, créant un passage étroit à peine suffisant pour qu'une personne puisse s'y glisser.
Morgane s'avance la première sans marquer aucune hésitation. Je la regarde disparaître derrière le portail. Je lui emboîte le pas dès que sa malle est passée.
En franchissant le seuil, je sens le sort de protection engloutir mon corps à la manière d'une membrane élastique. Un instant, je me sens pris au piège, comme si mes mouvements étaient ralentis par une matière invisible et collante. L'effet cesse lorsque je parviens à faire un pas de plus. Ma jumelle, quant à elle, ne semble pas avoir été affectée et s'éloigne d'un pas rapide, malgré ses talons et sa valise imposante. Je presse le pas pour la rattraper. La porte se referme derrière nous avec un claquement sec qui me fait sursauter.
À l'intérieur des murs, le contraste avec l'extérieur est saisissant. Le bruit de la circulation parisienne a disparu, remplacé par le chant des oiseaux et les conversations étouffées des lycéens éparpillés dans le parc pour profiter des derniers jours de l'été. Le paysage révèle un coin de nature soigneusement préservé, avec des arbres majestueux et des pelouses parfaitement entretenues.
Nous voyons au loin un groupe de fées en train de bavarder sous un platane, leurs ailes de papillon ouvertement déployées. L'une d'entre elles se retourne sur notre passage pour nous adresser un bref regard hautain. Elle est magnifique, avec sa longue chevelure d'un roux flamboyant qui tombe en cascade autour d'elle.
Morgane se redresse, l'air un peu pincé.
— Quelle poseuse, celle-là, marmonne-t-elle. Tu as vu les grands airs qu'elle prend ?
Je juge stratégique de ne rien répondre. La fée rousse ne s'intéresse déjà plus à nous et rit à une remarque que vient de lui faire l'une de ses camarades. J'espère que ce n'est pas à propos de nous. À chaque fois que quelqu'un ricane, j'ai toujours l'impression d'être visé (sans doute parce que c'est souvent effectivement le cas).
D'autres personnes, çà et là, m'intriguent davantage. Vivant au bord de la mer, je suis relativement familier des sirènes et des tritons qu'il nous arrive de croiser et même de fréquenter. En revanche, je n'ai jamais vu de loup ou de vampire. Ni de magicien, d'ailleurs. Je tourne ma tête dans tous les sens, passant en revue les élèves, cherchant à deviner de quelles espèces ils relèvent.
Mes yeux tombent sur deux jeunes hommes bien bâtis en compagnie d'une grande blonde en train de se chamailler. Tous les trois dégagent une expression d'assurance accompagnée d'une certaine sauvagerie. Aucun d'entre eux ne porte son uniforme. Le plus grand a même retiré son t-shirt et expose son torse musclé au soleil sans faire preuve d'une once de pudeur.
— Ce sont des loups-garous, tu crois ? je chuchote à Morgane.
Ma jumelle suit mon regard, s'attardant un peu trop longtemps sur le torse dénudé qui est effectivement plutôt pas mal à admirer, si vous voulez mon avis.
— Oui, je pense. Les deux gars sont sexy ! Surtout celui qui est à moitié à poil.
Je hoche la tête sans réfléchir.
— Oh oui ! Euh… Je veux dire… oui, j'imagine… Pour les personnes qui s'intéressent aux mâles, du moins. Ce qui n'est pas mon cas, bien sûr.
Je me sens rougir et je m'empresse de détourner l'attention sur un autre élève, un type au visage couvert d'acné qui lit un gros bouquin sur un banc.
— Et lui ? Qu'est-ce qu'il est ?
Morgane fait la grimace.
— Il ressemble à un humain, avec tous ses horribles boutons. Je suppose que c'est un magicien. Aucune créature surnaturelle ne serait aussi moche.
Je l'observe avec plus d'attention.
— Mais oui, tu as raison ! Il y a une veste jaune posée à côté de lui.
— Une veste or, me corrige Morgane.
Je lui jette un regard surpris.
— Comment ça"or" ? Pour moi, c'est jaune.
Ma jumelle hausse les épaules.
— Les magiciens disent que leur veste est de couleur or. Tu n'as pas lu la brochure de présentation qui nous a été envoyée cet été ?
— Euh… J'ai regardé les photos…, j'admets avec un petit sourire penaud.
Morgane soupire pour tout commentaire.
— Allez, viens, il faut encore que l'on passe au bureau des inscriptions.
L'ancien hôtel particulier qui abrite notre lycée se dresse devant nous, ses murs blancs ornés de colonnades et de rotondes. Un gymnase plus moderne a été bâti sur sa gauche.
Plus nous avançons vers le bâtiment principal et moins je ne me sens à ma place, écrasé par la solennité de l'ensemble. La construction majestueuse ne ressemble en rien à mon ancien collège, un bâtiment banal en béton. Ici, tout est imposant et solennel.
Morgane pousse une porte et nous pénétrons dans une vaste entrée en demi-cercle pavée de carreaux noirs et blancs en marbre. Des statues grandeur nature de créatures magiques célèbres sont disposées tout au long dans des niches. J'ai l'impression qu'ils me toisent avec sévérité, me demandant ce que je fais là, et je me sens encore plus petit et insignifiant. Ma jumelle paraît en revanche très son aise, comme si cet endroit lui appartenait.
— C'est stylé, ici, commente-t-elle, le nez en l'air pour observer le plafond orné.
Toujours encombrés par nos valises, nous suivons un panneau indiquant l'endroit où se rendre pour les inscriptions et qui nous amène à nous engager dans un couloir qui semble s'étirer à l'infini. Nous finissons par tomber sur ce qui semble être le bon bureau.
Morgane donne un petit coup sur la porte.
— Entrez, nous répond une voix blasée.
C'est celle d'une sirène d'un certain âge, très occupée à taper quelque chose sur le clavier de son ordinateur. Les écailles éparses de son visage scintillent faiblement sous la lumière artificielle. Quand elles sont hors de l'eau, les sirènes ont presque un aspect humain, à un ou deux détails près.
Ma jumelle se racle la gorge.
— Nous sommes Morgane et Vivien Guyonvarc'h, annonce-t-elle, non sans une certaine pompe.
La sirène lève des yeux fatigués, nous observe un instant et désigne deux chaises en bois doré en face d'elle.
— Installez-vous.
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cedemro
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Herrade_Riard
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