Fyctia
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« Vous devez accepter la vie comme elle se présente, mais vous devriez essayer de faire en sorte qu'elle se présente comme vous aimeriez qu'elle soit. »
Ancien proverbe Allemand.
Assise sur un banc à l'hygiène douteuse, la tête penchée sur le côté, je regarde d'un air absent le graff tagué sur le mur. Je déteste ce genre de phrase tout faite, comme si il était facile de faire en sorte que notre vie soit celle que l'on aimerait qu'elle soit. J'aimerai que ce soit le cas. Tellement. Il faut croire que je ne mérite pas à ce que mon existence soit celle que je désire. Je ne suis pas capable d'accepter ce qu'il m'arrive, j'ai l'impression que le mauvais sort s'acharne sur moi avec hargne. On dit qu'une bonne nouvelle ne vient jamais seule, le contraire est aussi vrai. Je n'ai pas assez de doigts pour compter toutes les galères que j'ai eu au cours des mois qui ont suivi. Sans rien avoir vu passer, tout s'est enchaînée. En un temps court, ma misérable petite vie routinière s'est transformé en véritable enfer. Le petit caillou sur mon chemin est devenu une gigantesque montagne qui m'a semblé infranchissable, seulement contre toute attente, j'ai réussi à la traverser. Et me voilà prête à prendre un nouveau départ, dans un nouveau lieu.
Ce n'est pas dans mes habitudes de changer mon train de vie. J'ai à la fois peur et je me sens aussi excitée à l'idée à ce que mon destin prenne une autre dimension. Je prends ma vie en main, j'espère juste que j'en serais récompensé. Encore faut-il que mon train arrive à destination. Ce n'est pas forcément gagné.
Voilà près de quatre heure que j'attends sur ce banc proche d'un sans domicile fixe qui sent l'alcool à plein nez. Ajouté à ça le fait qu'il chante la marseillaise depuis bien trop longtemps pour mes pauvres oreilles. Super. « On est les champions ». Merci la France. Je devrais m'estimer heureuse, il ne vient pas s'installer à mes côtés dans le but de me draguer. Pas comme l'autre lourdaud qui semblait bien beurrer et qui m'a proposé de faire des choses peu catholiques avec lui. Merci, mais sans façon. Je passe mon tour. Toujours est-il qu'il est resté à mes côtés même après lui avoir fait comprendre par X et Y que non, je ne suis pas intéressée. Par chance, il est parti après avoir reçu un appel téléphonique. À partir de là, pour mon plus grand bonheur, il m'a vite oublié et j'ai pu de nouveau respirer à plein nez. Ou du moins essayer. L'odeur d'urine et de transpiration n'aide en rien ma nausée à disparaître.
Mon ventre est noué. On y est. D'après le tableau d'affichage, le train va arriver d'un instant à l'autre. J'espère. Ma patience commence à s'en aller. Définitivement.
Enfin, j'entends le bruit inespéré des vibrations des roues contre les rails. J'attrape mes maigres bagages et me dirige sur le quai afin de monter dans le train. C'est parti pour le grand voyage.
*Putain, elle est où ma valise ?!*
Mon cou se tord à sa recherche, d'un côté et de l'autre sans que je ne parvienne à la trouver.
*Bordel, pas encore.*
Je passe ma main dans mes cheveux et respire un bon coup. C'est très certainement le mec alcoolisé qui m'a subtilisé mon bagage. Je n'avais déjà que très peu d'affaires en ma possession, me voilà maintenant avec en tout et pour tout mon sac à main que je gardais serrée contre ma poitrine comme un nouveau né. Dans mon malheur, j'ai de la chance, mon ordinateur ainsi que d'autres objets tout aussi importants se trouvent à l'intérieur. Le voleur va être bien déçu, je me demande ce qu'il fera de mes vêtements. À bien y penser, je ne préfère pas savoir.
Dans un souffle, je capitule et monte dans le train billet en main. Je ne peux qu'accepter le mauvais sort qui s'attaque à moi. De toute façon, je ne suis plus à ça près et c'est minime par rapport à ce que j'ai déjà subi les semaines passés. Et puis je pourrais toujours acheter des habits avec le peu d'argent que j'ai sur mon compte. Dans tous les cas, il y a toujours une solution à chaque problème, même le plus gros. J'en suis la preuve vivante. Cette seule phrase m'aide à avancer, bien que ce soit un travail au quotidien. Seule mon optimisme à toute épreuve commence à disparaître. Il n'y a plus qu'à espérer que je ne devienne pas la rabat-joie de service, celle qui pense toujours au pire et dont l'humeur est constamment morose.
Arrivée dans le wagon, je me place sur le siège qui m'est destinée et m'installe avec mon sac bien fermé, coincé dans mes bras de sorte à ce qu'il soit compliqué de me le piquer. Une fois, mais pas deux. Maintenant, il n'y a plus qu'à patienter le temps que le train arrive à destination. Il y a quatre heure de trajet ce qui me semble être une éternité pour moi. J'en ai assez d'attendre, je veux juste rentrer et retrouver le confort de ma chambre d'enfance, mais aussi et surtout, les bras de ma mère qui m'apporte une sensation de paix et de sérénité bienvenue.
J'ai hâte de la revoir. Bien que l'on soit très proche et que l'on parle deux à trois fois par semaine, je ne la vois qu'en de très rares occasions. Désormais que j'emménage chez elle, nous allons pouvoir rattraper le temps perdu. Tous les problèmes que j'ai auront au moins eu un côté positif, celle des retrouvailles mère/fille. Il n'y a plus qu'à espérer que tout se passe bien entre nous. Nos caractères enflammés pourraient être sources de conflits jusqu'à provoquer de grosses disputes. Mieux vaut ne pas penser au pire, être un aimant à ennuis me suffit, je ne veux pas donner d'idée à l'entité qui tient mon fil de vie dans ses mains.
La seule chose qu'il me reste à faire, c'est de trouver une occupation qui me fasse patienter quatre heure. Je ne devrais pas avoir trop de mal à trouver.
*
Cela fait trois quarts d'heures que j'attends ma mère assise à l'extérieur sur le banc de parking. Il ne manquait plus que ça. J'ai l'habitude qu'elle soit en retard, moi même j'ai ce défaut, mais jamais cela n'a excédé les vingt minutes. Avant de rentrer en gare, je lui ai envoyé un message afin qu'elle parte de chez elle pour arriver ici à temps et depuis, je la harcèle d'appels et de SMS qui n'ont pas l'effet escompté de la faire venir plus-vite. Elle ne répond à rien. Je sais qu'elle n'est pas doué pour utiliser le clavier de son portable, seulement elle n'a aucune excuse pour les appels que je fais à son encontre. Mes nerfs commencent à lâcher peu à peu. Je rêve de m'allonger sur un lit afin de me reposer et peut-être même pleurer sur mon sort.
Je respire un bon coup pour tenter de me calmer tandis que la sonnerie de mon mobile m'interrompt au même moment.
Enfin.
- Maman, tu es où là ? Je t'attends depuis toute à l'heure ! je commence sans lui laisser le temps de parler.
- Pardon ma chérie, j'avais oublié que tu venais aujourd'hui ! Je croyais que c'était demain. Un client m'a appelé exceptionnellement et j'ai du mettre l'appareil en silencieux pour ne pas être dérangé.
- Ok, d'accord. Du coup tu arrives dans combien de temps ?
- Hum... dans trente minutes...
*Putain.*
-
*En italique dans le texte.*
11 commentaires
kleo
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Il y a 6 ans
EvyCharly
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Il y a 6 ans
x-zanita
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Il y a 6 ans
maioral
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Il y a 6 ans
Caro Handon
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Il y a 6 ans
x-zanita
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paul geister
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Il y a 6 ans