Fyctia
Chapitre 7
Je laissai échapper le bout de bois sur le sol. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, j'étais comme paralysée, figée par la peur alors qu'une question lancinante martelait mon esprit : allait-il vraiment me tuer ici, maintenant, dans ces bois ?
— Tu as choisi la mauvaise personne pour jouer. Et je déteste courir qui plus est.
Son regard perçant semblait transpercer mon âme, sondant les profondeurs de ma peur avec une intensité dérangeante.
Je déglutis difficilement et rassemblai les dernières forces mentales que je possédais.
— Pourquoi ne pas demander à tes gardes de le faire alors ?
— Ces incapables seraient capables de te laisser filer.
Je relevai la tête et affichai un petit rictus malgré moi.
— Donc, je ne fuis pas trop mal ? J'ai des chances ?
Il se tenait dangereusement près de moi, tandis que les battements de mon cœur trahissaient la confiance feinte de ma posture.
— Je menace de te tuer et tout ce qui t'intéresse, c'est de savoir si tu t'améliores à fuir ?
— À te fuir, le corrigeai-je sans vraiment savoir pourquoi.
— Et ce détail que tu trouves important de souligner est la raison pour laquelle c'est moi qui te cours après et pas un autre.
Son geste était lent, mais je ne reculai pas alors que son bras effleurait presque le mien, s'élevant doucement au-dessus de ma tête pour saisir une feuille sur une branche.
Je n'eus pas le temps de réagir qu'il la claqua entre ses mains et me la colla contre la bouche. J'attrapai machinalement son bras pour le forcer à retirer la feuille, mais avec sa force, il se plaça derrière moi et me poussa contre lui pour me maintenir et me contraindre de tout mouvement. J'aspirai l'odeur étouffante de cette feuille en essayant de reprendre ma respiration, mais dès la première bouffée, je ressentis des fourmillements dans tout mon corps et la tête me tournait.
— Ta course était aussi pitoyable que la dernière fois. Sauf que la dernière fois, c'est l'arbre qui t'a arrêté.
J'avais soudainement chaud, je n'arrivais plus à bouger, et je commençais à fermer les yeux, mon corps ne me répondait plus.
— N'essaie plus de m'échapper, petite souris, me souffla-t-il, parce que je commence dangereusement à aimer ça.
Mes jambes se dérobèrent sous moi, mes paupières se fermèrent irrémédiablement, et je sentis lentement la conscience m'échapper dans ses bras, tandis qu'il resserrait son étreinte pour m'empêcher de chuter au sol.
***
Comme un jour sans fin, je me retrouvai sur ma chaise devant ma table avec la fleur posée dessus.
Mon regard se baladait sur le même décor, jusqu'au décompte.
Six jours et deux heures.
D'un geste empli de rage, je fis basculer le vase de toute ma force, le voyant éclater violemment contre le sol, son fracas résonnant en écho à ma frustration. Pourtant, cela ne me satisfaisait pas, car je ressentais l'envie de détruire chaque chose autour de moi.
— Eh, calmos là-dessous, me sermonna Jean qui était juste au-dessus de ma cellule.
Je lâchai un rire nerveux, exaspérée.
— Sinon quoi ? Tu vas faire quoi depuis ta putain de cellule ?! Personne ne peut sortir, on est bloquées là les trois quarts du temps !
— Ce qui me laisse un quart pour te faire la tête au carré, frangine.
Je fis quelques pas dans ma cellule, les bras croisés, agacée, je levai les yeux au ciel comme si je pouvais l'apercevoir à travers la dalle qui nous séparait.
— Ah ouais et quelle règle t'autorise à faire ça ?
— Aucune, mais visiblement toi, tu ne gênes pas pour les enfreindre.
— Et regarde où ça nous a menés, on a été privés de dîner, grogna une des filles un peu plus loin dans sa cellule.
— Un bout de pain et une pomme, ce n'est pas un dîner. Harper a vu une occasion, elle l'a saisie, ce qui est décevant, c'est que le renard soit revenu tout entier de leur petite escapade.
— Sharlène a raison, ce n'est pas si grave, appuya Marie.
Je fus étonnée que les autres prennent part au débat, et qu'elle soit même en ma faveur.
— N'empêche qu'une pomme, c'est mieux que rien, renchérit Jean, mais à cause de toi... Si ça se trouve, ils vont inventer de nouvelles façons de nous torturer juste pour te punir de ce que tu fais.
Je soupirai, mais je me rendis compte qu'elle avait raison et que ça pourrait avoir des répercussions sur elles.
— Je... je m'entraînais juste...
— À fuir ? C'est comme ça que tu t'entraînes ? se moqua méchamment Jean.
— Et bien oui, car figure-toi que c'est exactement le but de ce putain de jeu, dis-je énervée en élevant le ton.
— Tu devrais rester calme, tu sais ce qui se passe si on attire trop l'attention, m'avertit Lyse qui n'avait rien dit jusqu'à là.
Je lui lançai un regard, elle avait l'air inquiète. Je m'assis sur le bord de mon lit et tentai de calmer mes nerfs, car elle avait raison. Dès que ça commençait à s'exciter, qu'une proie élevait trop la voix, ou qu'il y avait dispute, bagarre, cri, la cavalerie débarquait et deux minutes après, c'était un de leur sédatif qui nous calmait immédiatement.
Comme la veille, nous fûmes appelées pour l'entraînement. Nous revêtîmes nos tenues de combat, une fois arrivés dans la salle, nous vîmes en premier lieu les caméras qui étaient braquées sur nous, témoignant de la médiatisation du jeu. Cette exposition sert l'économie, chacun pariant sur la proie qu'il pense voir triompher. C'est bon pour les affaires, car il n'y a un gagnant qu'une fois sur trois environ, car même s'il y a un dernier survivant, la proie doit survivre jusqu'à ce que le temps des jeux soit écoulé.
La dernière qui a survécu et gagné aux jeux se nomme Felicia. Grande aux cheveux rouge, elle débordait de fougue et possédait la carrure nécessaire. Rapide, agile, forte, elle excellait dans l'art des pièges et de la survie. Originaire de la cité de la connaissance, elle jouissait d'un réel avantage.
Elle a gagné en utilisant de vieilles ruses pour tromper les loups, sacrifiant d'autres proies pour sauver sa peau. Au final, la proie a gagné en étant plus cruelle que les prédateurs. Elle a ensuite eu de l'influence dans toutes les cités.
Ces jeux avaient pour dessein de dénicher une femme assez forte d'esprit pour accompagner les puissants, une personne responsable et loin d'être une petite chouineuse fragile. Contrairement à moi.
Felicia avait été promise par la suite au seigneur de la cité de la connaissance. Son influence était indéniable. J'avais pensé qu'en gagnant miraculeusement, je pourrais faire changer les choses mais si Felicia aurait pu avoir ce genre d'influence, je suppose que ça aurait déjà été fait. Si je la rencontrais un jour, j'aurais une multitude de questions à lui poser. Je savais que ce moment ne tarderait pas, car le programme annonçait sa visite dans les derniers jours avant les jeux, avec la possibilité d'un entretien pour des conseils et bien plus encore...
10 commentaires
Lys de Suys
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Il y a un an
Nawel M
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Il y a un an
Dixy
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Il y a un an