Fyctia
Chapitre 3
Je laissais mes envies de m'évader de côté, réservant cette évasion pour plus tard. Je voulais profiter encore un peu de ce luxe avant ma prochaine tentative.
L'odeur de l'eau avait des notes semblables à celles d'une fleur que je ne saurais nommer. Elle imprégnait l'air autour de moi, apportant avec elle une douce tranquillité. Je me laissais aller, bercé par cette atmosphère apaisante, oubliant pour un moment les tourments qui m'avaient poussé à fuir.
Mon esprit commençait à s'engourdir, mes paupières se faisaient de plus en plus lourdes. Je me laissais aller à cette torpeur bienfaisante, laissant mon bras reposer sur le rebord du bassin carrelé, tandis que mes doigts caressaient distraitement l'eau qui scintillait à la lumière du soleil couchant.
Dans mon rêve, je me retrouvais à la maison, un refuge où les problèmes semblaient lointains. Je me voyais assis dans le salon, dégustant les petits macarons que maman avait préparés pour me réconforter. Le goût sucré des pâtisseries contrastait avec l'amertume de mes échecs scolaires, papa m'avait sévèrement disputé. Mais alors que j'étais penché sur mes cours avec ma maman, je ne pensais qu'à sortir rejoindre mon amie qui m'avait dit vouloir me conduire vers un lac magnifique qu'elle avait vu lorsqu'elle avait pris un train inter-cité. D'après elle, cela ressemblait à un havre de paix loin de l'agitation de la ville.
Puis soudain, je sentis une pression sur ma nuque. L'eau s'infiltrant dans mes voies respiratoires, la sensation d'étouffement me réveillèrent brutalement. Mes sens s'affolèrent, cherchant désespérément une issue. Mais une main me maintenait sous la surface, fermement, m'arrachant à mes rêves pour me plonger dans un cauchemar éveillé.
Soudain, un soulagement fugace m'envahit lorsque ma tête fut extraite de l'eau, mais cette illusion de salut fut de courte durée. Une force impitoyable me tirait en arrière, exposant mon regard à celui que je craignais le plus.
Le Renard.
— Ca, c'est pour avoir enfreint les règles.
Il replongea ma tête dans le bassin et la panique me submergea à nouveau, mes bras frappant énergiquement contre l'eau. Mes mains s'agitèrent désespérément, cherchant à saisir son bras, le rebord, n'importe quoi pour m'accrocher. Alors que le liquide envahissait ma bouche et mes poumons, il me sortit de l'eau. Epuisée, je toussais et sanglotais, tentant de reprendre mon souffle.
— Pff, tu ne sais même pas tenir ton souffle trente secondes.
Il me lâcha brusquement, mes bras retombèrent lourdement sur le bord du bassin et je me mis à tousser et à recracher toute l'eau. Mortifiée, je décidai de me hisser sur le rebord avec mes maigres forces.
Il me lança une serviette pour me couvrir. À cet instant, je me sentais vraiment misérable, la mettant rapidement autour de moi.
Aucun mot ne franchit mes lèvres.
Les yeux rivés sur le carrelage, je luttai pour contenir mes larmes.
Une fois couvert, je sentis le poids de son regard mais je n'osai pas croiser ses yeux.
— Tu m'as coûté un bras, tu ferais mieux de valoir le coup et de ne pas déserter avant les jeux. Demain, à l'entraînement, tu as intérêt à prouver que tu as un minimum de valeur. Personne ne s'amusera si tu te fais dévorer dès la première seconde.
Je resserrai la serviette autour de moi et je tremblai.
Ne pleure pas...
Je finis par lever les yeux vers lui, cherchant en vain un éclat de compassion, de remords, de pitié dans son regard de glace.
— Pourquoi ? osai-je prononcer, les larmes aux yeux, complètement dévastée.
Il organisait les jeux, mais j'étais persuadée qu'à cet instant, il rêvait d'être le prédateur de ces jeux, de me dévorer toute crue. Cependant, il me surprit en s'accroupissant devant moi pour me faire face.
— Pourquoi tu nous fais ça ? repris-je, tentant de comprendre.
Il saisit une mèche dorée de mes cheveux entre ses doigts, installant une proximité qui me paralysait.
— Quand tu me regardes comme ça, j'ai envie de te retirer toutes tes plumes et...
Il entrouvrit légèrement la bouche, laissant entrevoir ses canines acérés, sa langue effleurant ses dents.
— Et d'enfoncer mes crocs...
Il lâcha ma mèche et ses doigts glissèrent le long de mon cou, provoquant un frisson désagréable.
— Juste là...
On frappa à la porte alors que je m'apprêtais à répliquer que je ne suis pas un vulgaire poulet.
J'attendis qu'il se lève pour ouvrir ou qu'il parte, mais il resta là, me fixant du regard, un sourire en coin.
— Qui est-ce ? demanda-t-il suffisamment fort pour que son interlocuteur derrière la porte puisse entendre.
— Jason. Les loups sont arrivés, lui annonça-t-on.
Les loups ? Je suis la première à abandonner notre jeu de regards, me détournant vers la porte. Les prédateurs, l'autre camp censé nous traquer, nous tuer comme des bêtes, se trouvaient désormais, sous le même toit que nous.
Je pris conscience, plus que jamais, que l'homme devant moi avait signé mon arrêt de mort et qu'il allait s'en délecter. J'ancre de nouveau mes yeux dans les siens. Je me demande un instant si les renards savent nager et si le pousser dans l'eau pourrait le noyer.
Il dut voir mes envies d'assassinat dans mes yeux car malgré la nouvelle de l'arrivé des loups qui aurait dû le réjouir au plus haut point, son expression devint sévère.
— Hum... j'arrive, l'informa-t-il.
Il se leva et se dirigea vers la porte.
— Dépêche-toi de t'habiller et de rejoindre les autres. Et ne perds pas ton temps à chercher un moyen de t'échapper. De un, c'est impossible et, de deux, ce n'est pas en cela que consiste le jeu. Je suis le maître du jeu. Pas le loup.
— Mais tu es le renard, dis-je d'un ton ampli de rancœur.
— Justement.
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