Fyctia
Chapitre 1 | Halazia
La journée était déjà bien entamée quand je suis entrée dans le café du coin, mon manteau noir serré autour de moi pour me protéger du vent glacial. L’odeur de café fraîchement moulu m’envahit immédiatement, et, pendant un instant, je fermai les yeux, appréciant la chaleur du lieu. C’était l’une des rares choses qui me réconfortaient encore un peu en cette période de l’année, surtout avec Noël qui approchait.
Je m’installai dans un coin, loin de la porte battante. Je tenais une petite librairie en centre-ville. Rien de bien extravagant, mais c’était mon monde. Le problème, c’était qu’il ne rapportait pas assez, et les factures de fin d’année arrivaient à toute vitesse. Ma grand-mère était malade, et chaque jour, le poids des soins devenait plus lourd. Les dettes hospitalières s’amoncelaient, et je n’avais pas la solution pour tout remettre à flot.
Un coup d’œil à mon téléphone me fit serrer les dents. Un message de mon banquier, une autre menace de saisie de la boutique. J’avais beau y mettre tout mon cœur, je ne voyais pas de sortie à ce cercle vicieux.
Je ne pouvais pas tout perdre. Pas maintenant. Pas après tout ce que j’avais investi dans cette librairie. C’était plus qu’un travail pour moi. C’était mon rêve, celui que j’avais voulu réaliser depuis que j’étais adolescente.
Mon regard se perdit sur la neige qui tombait doucement à l’extérieur, recouvrant les rues de Chicago d’un manteau d’apparence douce et pure. Tout semblait figé dans l’attente, comme si la ville elle-même retenait son souffle avant les festivités de Noël. Mais pour moi, les fêtes de fin d’année étaient synonymes de stress, de comptes à régler, de décisions difficiles à prendre. Noël, avec sa magie et ses lumières, n’était plus qu’un lointain souvenir d’une époque où la vie semblait plus simple.
Je soupirai profondément, mon regard se posant une dernière fois sur mon téléphone. Pas de solution à l’horizon. Mais je savais qu’il me restait peu de temps. Je n’avais pas le luxe de perdre espoir. Pas maintenant. Pas après tout ce que j’avais perdu.
Je me levai lentement de ma table. Le café n’était qu’une courte pause avant le retour à la réalité. Je laissai quelques pièces sur la table et sortis dans le froid. L’air piquait mes joues, mais je savais que je n’avais pas le choix. Ma librairie m’attendait.
En arrivant devant la vitrine, je m’arrêtai un instant. La neige recouvrait les étagères en bois qui bordaient le trottoir, et l’éclairage tamisé à l’intérieur me rappela à quel point cet endroit signifiait pour moi. C’était bien plus qu’un simple commerce. C’était mon projet de vie. Mais parfois, à regarder les factures et les défis quotidiens, j’avais du mal à voir comment j’allais pouvoir le maintenir à flot.
Je poussai la porte, et la clochette au-dessus de la porte tinta, me signalant que j’étais à l’intérieur. L’odeur des livres, du papier, de l’encre, et de l’air un peu trop sec me frappa immédiatement. L’endroit était calme, presque trop calme. Je déposai mon manteau sur le porte-manteau et m’approchai de la caisse, où une pile de papiers m’attendait.
Encore des factures.
- Halazia, tu n’as pas le droit de laisser tomber, murmurais-je pour moi-même en feuilletant les papiers, la voix de ma mère résonnant dans ma tête. Tu as toujours trouvé un moyen, tu trouveras encore une solution.
Je m’installai derrière le comptoir, prenant une profonde inspiration avant de commencer à trier les nouveaux arrivages de livres. Le bruit de mes doigts feuilletant les pages des volumes me donnait l’impression de reprendre le contrôle, même si, au fond, je savais que les problèmes restaient. Mais pour un instant, je pouvais me perdre dans cet univers, dans l’odeur du papier et le calme relatif de la librairie.
La porte tintinnabula soudainement, brisant le silence, et une petite voix s’éleva dans l’air.
- Maman, maman, je peux avoir des livres de princesse s’il te plaît ?!
Je souris sans pouvoir m’en empêcher. Une voix de petite fille, pleine de joie et d’impatience.
- Oui, ma puce, mais calme-toi un peu, on va trouver ça. répondit une voix plus âgée, douce, mais légèrement fatiguée.
Je levai les yeux et vis une mère et sa fille, la petite sautillant d’impatience près de l’étagère des livres jeunesse. La mère, les traits tirés, mais les yeux toujours pleins de tendresse, se baissait pour fouiller les rayons.
Je continuai à trier les livres, mais mes yeux revenaient constamment sur la mère et sa fille, qui étaient plongées dans leurs recherches. La petite avait les yeux brillants, en quête du livre parfait, tandis que la mère semblait un peu perdue dans l’immensité des rayons.
Après un moment, je me levai de derrière le comptoir et m’approchai doucement d’elles.
- Vous avez trouvé ce que vous cherchez ? demandai-je en souriant, essayant de dissimuler la fatigue derrière ma voix.
La mère me regarda avec un air un peu gêné, ses yeux fuyant les étagères comme si elles l’avaient engloutie. La petite, elle, me regarda avec des yeux écarquillés.
- Pas encore, ma puce n’arrive pas à se décider, répondit la mère en souriant légèrement, épuisée mais chaleureuse.
Je m’accroupis à leur niveau, feignant d’examiner les livres avec elles.
- Peut-être un conte de fées classique ? Il y a des trésors cachés ici, vous savez, dis-je, en pointant une étagère particulièrement remplie de livres illustrés. C’est souvent un bon choix pour les petites rêveuses.
La mère sourit, un peu plus détendue.
- Oh, merci. On cherche justement quelque chose de magique. Elle adore les histoires de princesses, répondit-elle, caressant les cheveux de sa fille.
Quelques instants plus tard, la mère et sa fille se dirigèrent vers le comptoir, le livre de princesse serré contre la poitrine de la petite. La mère posa le livre sur le comptoir, et je commençai à le scanner. La petite regardait autour d’elle, les yeux toujours aussi brillants d’excitation.
Je remarquai que la petite semblait encore un peu nerveuse, comme si elle avait peur d’avoir oublié quelque chose. Une idée me vint alors à l’esprit, et je plongeai dans un tiroir sous le comptoir.
- Tiens, pour toi, dis-je en tendant un petit marque-page à la petite fille. Il était décoré d’illustrations de la Reine des Neiges, un petit rappel de la neige qui tombait doucement dehors.
Les yeux de la petite fille s’écarquillèrent, et elle le prit délicatement dans ses mains. Elle leva les yeux vers sa mère.
- Maman, regarde ! C’est Elsa ! Ma princesse préférée ! s’écria-t-elle, sautillant de joie.
Elle leva le marque-page au-dessus de sa tête, et avec une voix de plus en plus enthousiaste, elle se mit à chanter.
- Libérée, délivrée ! chantonna-t-elle, sa petite voix s’élevant joyeusement dans la librairie.
Je souris, un petit sourire mélancolique qui se perdit un instant en observant cette scène simple mais pleine de lumière. La petite fille semblait, pour un moment, totalement libre de ses soucis, un peu comme moi j’aurais aimé l’être.
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