Fyctia

e suis restée plusieurs minutes devant la porte de l'immeuble, à attendre que quelqu'un arrive. Je ne me rappelle plus du digicode et j'hésitais vraiment à débarquer à l'improviste. Finalement,une nana est entrée avec son gamin sous le bras et je me suis engouffrée dans le sas. Elle m'a tenu la porte et je l'ai remerciée d'un demi-sourire. Arrivée au premier étage, j'en mène pas large… Maintenant que je suis là, autant sonner…

— Johanna ?! Qu'est-ce que tu fais là ? Je… Je ne t'attendais pas là, tu tombes mal !

Ha mon frangin, quel sens de l'accueil… Bon, je tente le coup de poker, j'ai rien à perdre et je ne sais pas trop où me réfugier ailleurs qu'ici.

— Maman t'as pas appelé ? Pourtant elle devait le faire ! Elle et papa vont chez Tatie ce week-end, j'avais vraiment pas envie… Alors j'ai demandé à venir te voir ! Ils sont partis il y a une heure…

— Si, j'ai bien vu, mais j'ai pas eu le temps de la rappeler, t'as de la chance de me trouver ! Bon, vas-y, rentre, puisque t'es là !

Ouf ! Il faut le dire, les relations avec ma mère ne sont pas au beau fixe, elle appelle Romaric toutes les semaines, mais il répond uniquement quand ça le chante… Elle peste suffisamment à ce sujet. Depuis qu'il s'est installé en plein Paris, les nouvelles se font de plus en plus rares, donc je ne prenais pas trop de risques à lui servir mes salades.

Me voilà dans le salon de son deux pièces, mon sac de sport plein à craquer dans la main, face à face avec une grande blonde, qui, apparemment, est bien plus à l'aise que moi, un verre de blanc à la main. Je n'ai pas encore eu l'honneur de lui être présentée… Effectivement, je tombe mal, mon frère avait d'autres plans ce week-end.

— Johanna, je te présente Lise. Lise, ma petite soeur sans-gêne ! Du coup, ben, j'suis désolé, mais c'est râpé pour le ciné…

— Nan, mais n'annulez pas pour moi, je vais rester ici, c'est bon, je peux me garder toute seule, j'ai pas cinq ans… J'vais bien trouver un truc pour m'occuper. Je suis désolée, j'aurais du vérifier que maman t'avait prévenu.

— T'es sûre ? Elle va me taper un scandale si elle l'apprend, tu la connais…

— Promis, elle en saura rien tant que tu me laisses l'accès au frigo et à Netflix, rétorqué-je l'air narquois.

Romy semble soulagé. Romy, c'est le petit nom que je lui donne depuis que j'ai l'âge de parler. Ca fait fille mais c'était bien plus facile à prononcer, et c'est resté, finalement.

Après un apéro rapide, Romy et Lise enfilent leurs manteaux et s'empressent de partir voir le dernier Tarantino, sorti mercredi.

Me voilà seule, soulagée de ne pas m'être fait jeter. Je range mon sac dans le couloir, à côté du porte manteau, j'ôte mes converses et je les mets sur le balcon, manquerait plus que l'odeur de mes pieds embaume l'appartement pour que mon frère maniaque pète un cable. Me voilà face à moi-même, le coeur gros. Le frigo est plein mais franchement, je ne peux rien avaler. La télé me saoule d'avance. J'éteins les lumières, et je m'allonge par terre, le long de la fenêtre. Je sens l'air frais s'engouffrer sous la fenêtre et glisser doucement sur ma peau. le parquet vitré est froid et patiné, malgré tout j'arrive à sentir ses déformations à travers mon jean. J'entends la circulation du boulevard, en dessous. Les lumières de la ville se reflètent sur le plafond, telle une danse rythmée mais irrégulière. Les phares défilent, j'aperçois même les warning d'un véhicule qui clignotent en continu. Je suis lasse. J'ai envie de dormir mais tout tourne en boucle dans ma tête. Au moins, ce week-end, au moins, je suis tranquille, je vais pouvoir mettre mon cerveau sur pause, enfin, s'il accepte…

Je suis réveillée en sursaut par un klaxon. Putain, les parisiens ! Je regarde l'heure : 23h. Il n'est pas si tard. Romy n'est pas rentré. Je décide d'aller prendre une douche avant de me coucher. La salle de bain est minuscule. Je cherche une place pour ma trousse de toilette et je la pose finalement sur l'abattant des toilettes, encastrés sous le petit ballon d'eau chaude, fixé au seul mur disponible, à gauche. Mon frère ne va pas accepter la cohabitation longtemps… Une seule brosse à dents sur la tablette. Lise est un premier rendez-vous ? La loose… je me sens encore plus maladroite, d'un coup.

La douche est vite écourtée, je me rince à l'eau froide. J'attrape la serviette qui est accrochée à la porte, j'ai oublié d'en prendre une en faisant mon sac tout à l'heure. Je sèche comme je peux mes cheveux, je les tresse lâchement et je vais me coucher. Romaric m'a posé un oreiller et une couverture sur le clic-clac. j'ai la flemme de l'ouvrir, je me couche dessus, les écouteurs dans les oreilles, la radio en continu pour étouffer le bruit urbain. J'essaye de chasser les pensées, demain sera un autre jour.