Fyctia
Chapitre 19 partie 1
Qahir était installé sur le trône doré, le corps de l’ancien empereur encore chaud gisant à ses pieds, une longue coulée de sang s’étalant sur les marches de pierres. Sa femme, Nora, était assise sur le second siège à côté de lui le visage froid, fixant les femmes agenouillées devant eux.
Elles étaient séparées en deux groupes distincts. Certaines, habillées de beaux voilages colorés, apprêtées et maquillées, étaient serrées entre elles, terrifiées. Les autres, toutes vêtues de pantalons et hauts blancs identiques, arborant une flamboyante chevelure rousse, étaient agenouillées en ordre, la tête docilement baissée vers le sol.
Leur cheffe se tenait en avant de leur groupe, son genou posé à même le sang du défunt empereur colorant son pantalon blanc de rouge rubis. Sa tête était dirigée vers le sol, laissant tomber sa longue tresse rousse sur son épaule, elle tenait dans ses mains tendues un fin collier d’or entrouvert.
— Quel est-ce cirque, Shaïa ? Demanda Qahir, le menton posé sur son poing.
La femme releva la tête, fixant ses yeux bruns dans ceux de l’homme. Ses lèvres charnues étaient complètement cicatrisées, ne laissant nullement deviner l’état dans lequel elles étaient lors de leur précédent entretien, quelques semaines plus tôt.
— Ce que tu m’as demandé, empereur.
— Tu m’as supplié de sauver ton peuple, c’est chose faite, dit-il entre ses dents serrées en pointant de la main les femmes rousses agenouillées derrière elle. En échange, tu m’as promis de partager le secret de ces colliers avec moi, pas de m’en offrir un pour que je te le mette au cou.
L’agacement commençait à le titiller, se tournant vers sa gauche, il jeta un coup d’œil à Aamal qui se tenait debout à coté de Nora. La grande prêtresse fixait calmement la reine des guerrières Suhari, sans laisser transparaître la moindre émotion.
— En effet, et je t’en remercie mon empereur. Mes guerrières sont maintenant libérées du joug de ton prédécesseur, répondit Shaïa en jetant un bref coup d’œil au corps qui continuait de se vider de son sang. Je t’offre donc comme convenu, le savoir secret des colliers de notre peuple.
» Mais celui-ci est transmis de génération en génération à la famille royale des guerrières Suhari. Je ne peux pas te le donner sans faire de toi le roi de notre tribu. Si tu veux partager ce secret qui est le mien, tu dois faire de moi ta femme et devenir mon époux.
Qahir jeta un regard noir à la femme, lui faisant baisser à nouveau la tête. La colère qui était enfouie en lui se libéra alors tout autour de lui, englobant entièrement la salle du trône. Les gardes postés aux portes blêmirent, les autres concubines de l’ancien harem s’enfoncèrent dans le sol, certaines s’évanouissant presque tandis que les guerrières rousses continuaient de baisser la tête docilement
Il vit du coin de l’œil, Nora serrer son accoudoir, son visage toujours figé dans une expression glaciale. Aamal elle, ne bougea pas d’un pouce, semblant tout à fait à l’aise comme si elle ignorait ce qu’il était en train de se passer.
Savais-tu que cela se passerai ainsi ? Questionna-t-il intérieurement la voyante en serrant les mâchoires, tout en l’observant discrètement. Il se demanda quelle expression elle aurait s’il laissait son aura de colère gonfler encore et prendre en puissance.
Mais il s’abstint finalement, apercevant le visage pâle de son épouse. Sa longue chevelure brune cascadait librement sur ses épaules dénudées se fondant presque avec sa peau halée, le tissu vaporeux de sa robe dorée brillant doucement de fils argentés. Elle était assise juste au-dessus du corps sans vie de son père, pourtant ses grands yeux noisette ne laissaient rien paraître des émotions qui devaient l’habiter.
Peut-être Aamal l’avait-elle prévenue de ce qu’il allait se passer, la préparant à cette situation, se dit-il. Tant que la voyante ne l’autoriserait pas à exprimer de la tristesse, la femme de Qahir n’exprimerait aucune émotion. La parfaite suivante de sa maîtresse, pensa-t-il une expression de dégoût se formant sur visage.
Il finit par se retourner vers la reine des guerrières. Cette dernière avait toujours la tête baissée, mais ne semblait pas plus atteinte par son aura de colère que ne l’était Aamal.
— Et donc pour ce faire, tu me demandes de te mettre autour du cou ce même collier qui a entravé tes guerrières, ainsi que toutes les concubines de l’ancien empereur. Tu ne seras donc ni plus ni moins que mon esclave si je fais cela.
— Dans notre tribu, ce collier est un lien qui unit les couples mariés. Normalement, la guerrière choisit un époux et le lui passe autour du cou, il lui doit alors une entière dévotion et une totale transparence. Je ne saurais passer ce collier autour de ton cou, empereur. De ce fait, j’accepte que tu le passe autour du mien.
— J’ai déjà une femme, comme tu le vois, Shaïa, dit-il en désignant Nora.
La guerrière leva un œil interrogateur vers cette dernière, puis le tourna vers Aamal déconcertée. Se retournant finalement vers Qahir, elle continua :
— Tous les précédents empereurs ont toujours eu plusieurs concubines. Cela n’a jamais posé de soucis.
Le coin de la bouche de Nora tressaillit légèrement, mais elle n’intervint pas. Aamal continuait de fixer paisiblement la guerrière, comme si cette situation lui semblait tout à fait normale. Peut-être est-ce vraiment le cas.
Qahir grogna en se relevant, descendit les marches en évitant soigneusement la flaque de sang qui s’était formée pour rejoindre la femme toujours agenouillée.
— Comment dois-je procéder ?
— Il te suffit de mettre une goutte de ton sang sur le collier, puis de le placer autour de mon cou. Il se refermera de lui-même et ne s’ouvrira qu’à ton décès.
Qahir passa son pouce contre la dague qui pendait à sa ceinture, faisant perler une goutte de son sang qu’il écrasa ensuite sur le cercle d’or que la femme tenait toujours. Puis il le saisit pour le placer autour de cou de la guerrière, ce dernier se refermant dans un petit cliquetis métallique.
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