R W Le fil du destin Chapitre 19 partie 2

Chapitre 19 partie 2

Aussitôt, il ressentit le soulagement qui émana de Shaïa, ainsi que celui des quinze guerrières qui se trouvaient derrière elle. Il remarqua alors que ces dernières, contrairement aux autres anciennes concubines, portaient toujours leur fin collier doré brillant sur leur peau bronzée.

Il jeta un bref coup d’œil à l’empereur gisant toujours sur le sol avant de fixer sévèrement Shaïa.


— Pourquoi tes guerrières portent-elles toujours leur collier ?


Il ressentit alors la jubilation de cette dernière lorsqu'elle lui sourit fièrement.


— Je n’allais certainement pas laisser l’empereur dominer ainsi mes guerrières à travers nos colliers. C’est mon sang qui a actionné leurs colliers, ce qui fait de moi leur maîtresse et ce, depuis qu’elles sont arrivées au harem de l’ancien empereur, continua-t-elle en posant une main sur sa poitrine.


Qahir songea à la force d’esprit qu’il avait fallu à la reine des guerrières durant ses longs mois de captivité. Sa tribu avait été décimée il y avait plusieurs mois de cela par l’empereur et ses Garandïs qui avaient enfermé les dernières survivantes dans son harem.

Depuis lors, il s’était approprié l’utilisation de leurs fameux colliers, qui attribuait à celui qui le fixait sur le cou de l’autre le savoir total de ses émotions, ainsi que le pouvoir de lui infliger des souffrances physiques et psychiques.

L’ancien empereur avait utilisé ces terrifiants colliers sur toutes ses concubines, y compris les guerrières Suhari, Shaïa ne faisant pas exception.


Cela signifiait que durant tous ces longs mois où l’empereur pensait être le maître des guerrières, les émotions qu’il croyait percevoir par leurs colliers étaient des fausses, créées de toute pièce par Shaïa à travers son propre collier de soumission.

Le nouvel empereur recula, déboussolé par la concentration qu’avait dû exiger un tel exercice.


— Néanmoins, et pour te prouver ma loyauté, je te laisse apposer ton propre sang sur leurs colliers, cela faisant de toi leur nouveau maître. Tu es aujourd'hui mon légitime époux que je reconnais en tant que tel et ma tribu et désormais la tienne. Je n’ai rien à te cacher, et mes guerrières sont prêtes à te jurer une entière dévotion.


La colère qui animait Qahir grandit encore, lorsqu’il aperçut le discret coup d’œil que Shaïa adressa à Aamal. Cela faisait partie du plan de la voyante depuis le début, pensa-t-il. Pourtant, à son grand étonnement, quand il se tourna vers cette dernière, il perçut dans son expression une certaine nervosité. Ce fut cette fugace expression qui le décida. À mon tour d’avoir des espions. Regarde ce que cela fait lorsque tu ne contrôle pas tout.

Il s’avança vers le groupe de guerrières dont les colliers s’ouvrirent comme par magie et releva le visage de chacune d’entre elles, avant de poser son pouce entaillé sur les fins cercles d’or et de les refermer à nouveau autour de leur cou. Une fois qu’il eut fini, il ressentit les différentes émotions des femmes se mélanger aux siennes. Ne laissant rien paraître, il se redressa et se dirigea vers les marches du trône avant de faire face aux guerrières.


— Maintenant, dehors. Tout le monde ! Continua-t-il après avoir dévisagé les femmes agenouillées devant lui et en adressant un regard aux gardes et à Nora.


Les anciennes concubines se relevèrent difficilement, souffrant encore de l’aura de colère du guerrier, avant de se précipiter vers les portes, suivit des guerrières Suharis et de Shaïa.

Nora se redressa lentement de son siège, adressa un signe de tête respectueux à son époux qui l’ignora, et sortit également de la salle, Aamal la suivant comme son ombre.


— Pas toi, l’interrompit Qahir, lorsqu’elle eut presque atteint la porte.


La prêtresse s’arrêta, Nora continuant son chemin seule dans le sombre couloir. Qahir s’approcha et referma la porte, restant seul avec la voyante.

Il libéra alors toute sa colère, laissant cette dernière explorer et remplir tout l’espace de la pièce. Respirant difficilement, il se retourna vers Aamal pour la dominer de sa hauteur. Le visage de cette dernière, bien que pâle, n’exprima pourtant aucune peur, ses yeux se plantant sans crainte dans ceux de l’homme. Au contraire, elle paraissait presque en colère, comme si elle se sentait insultée d’être traitée ainsi.


Qahir s’approcha encore, jusqu’à devoir baisser la tête pour pouvoir la regarder.


— Était-ce là ton plan prêtresse ? Faire de moi l’empereur pour me marier, non pas à une seconde femme, mais seize en tout. Et ce, à peine deux ans après m’avoir fait épouser ta disciple.


Aamal se pinça les lèvres avant de répondre avec un air de défi.


— Non, il n’était pas question que tu en épouses quinze de plus.


— Ah, donc encore une fois, tu as échafaudé tes plans sans prendre la peine de m’en parler !


— Une épouse de plus ou de moins, qu’est-ce que cela peut-il bien changer ?


Qahit lui saisit le visage d’une main, montrant les dents. Il sentait la rage prendre possession de lui et faire bouillir son sang.


— Ne joue pas avec moi prêtresse, dit-il doucement sa bouche effleurant presque celle de la femme. Je sais ce que tu ne veux pas être pour moi, mais si j’ignore encore ce que tu attends réellement, sache que je ne te laisserai pas me manipuler comme tu l’a si bien fait avec l’ancien empereur et sa fille.


Aamal le fixa sans rien dire, la colère se reflétant dans ses mystérieux yeux gris. Ils restèrent ainsi quelques secondes, durant lesquelles Qahir essaya en vain de deviner les pensées de la voyante.


Puis, abandonnant et ne pouvant se résoudre à lui faire plus de mal, il la lâcha avant de se détourner d’elle.


— Va, maintenant. J’ai besoin d’être seul.


Quand il entendit les portes se refermer et qu’il fut sûr qu’Aamal était loin, il se laissa tomber sur le trône, la tête posée entre ses mains. Il sentait sa colère se mélanger aux diverses émotions qui émanaient des guerrières ; joie, soulagement ainsi qu’une pointe de dévotions qui le surprirent. Il avait l’impression que sa tête allait exploser.

Devant lui, les corps de l’ancien empereur et de certains de ses Garandïs gisaient sur le sol tâché de sang. Il entendait au dehors, les cris d’allégresse du peuple et des Garidans qui l’avaient aidé à mener à bien la rébellion. Par l’une des ouvertures, il observa la pleine lune, qui éclairait d’une douce lumière la salle de trône, donnant à la scène des allures irréelles. Les citoyens étaient partis pour fêter leur victoire des heures durant jusqu’au lever du soleil.


Qahir lui, avait simplement envie de vomir, épuisé par les émotions qui se bousculaient en lui.

Il ferma alors les yeux, songeant à la femme de ses rêves, celle qui semblait le fuir interminablement. Imaginer sa silhouette réussit à le calmer légèrement, comme à chaque fois qu’il revoyait ses yeux azurins. Elle était la clé de sa réussite, du moins c’était ce qu’Aamal lui avait dit lorsqu'il lui avait parlé de ses rêves.


"— Trouve là, lui avait-elle dit. C’est elle qui te permettra de nous libérer de cette frontière. "

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