Fyctia
Chapitre 18 partie 1
Qahir avança jusqu’à la grande porte en bois, faisant signe aux gardes de s’en aller et entra dans ses appartements somptueusement meublés. La porte-fenêtre du balcon entrouverte laissait le vent faire onduler les voilages pourpre des rideaux.
À l’extérieur, la silhouette d’un homme à la carrure musclée se dessinait devant le soleil couchant.
— Entre mon ami, lui dit Qahir en s’installant sur le fauteuil en tissus.
Il se servit une tasse de liquide ambré tandis que Babil s’approchait. Ce dernier alla se chercher un autre verre qu’il posa sur la petite table en marbre, près de celui de son ami. Une fois plein, il le prit en s’asseyant dans la banquette d’en face.
Qahir l’observa silencieusement. Ses cheveux bouclés luisaient derrière son bandeau de tissus noir, il avait revêtu par-dessus sa cuirasse une fine cape sombre pour se fondre dans la nuit, pourtant, cette dernière ne pouvait camoufler les larges épaules musclées du chef des Garidans. Son visage arborait désormais une fine cicatrice qui lui barrait la joue droite, mais n’enlevait rien à son joyeux sourire.
— Quelles sont les nouvelles ? Demanda Qahir après avoir dégusté une gorgée d’alcool à la cannelle.
— Mes hommes sont en place, on peut y aller dès maintenant.
— Merci.
Il était conscient du travail et des risques qu’avait pris son vieil ami pour mettre en place cette opération. Les cachots du palais étaient, après les appartements de l’empereur, l’endroit le mieux gardé de toute la cité. Les ennemis les plus puissants de ce dernier y étaient enfermés sans avoir aucun espoir d’en sortir vivant, si ce n’est pour se rendre à leur exécution.
— Tu vas enfin me dire, qui tu dois voir ?
Qahir leva les yeux vers son ami. Ce n’était pas qu’il n’avait pas confiance en lui, il aurait pu mettre sa vie entre ses mains sans aucune crainte. Mais c’était justement pour cette raison qu’il lui en disait le moins possible, par peur qu’il ne se fasse capturer et qu’il ne décide de se laisser mourir plutôt que de parler.
— Moins tu en sais et mieux c’est Babil. Surtout pour toi.
— Tu sais bien que je ne révélerais pas tes secrets.
— Je sais, mais même sans rien dire, les prêtresses de sang sauront si tu leur caches quelque chose. Je préfère que tu restes dans l’ignorance pour le moment.
Babil finit son verre d’une traite avant de se lever.
— Alors, on y va ?
Qahir leva les yeux vers la porte et grimaça.
— Attends-moi au point de rencontre, je dois m’occuper d’un imprévu...
Babil ricana en se dirigeant vers le balcon.
— Ce n’est pas une façon très respectueuse de parler de ton épouse, mon ami.
Le guerrier grogna sans se retourner, laissant le soldat disparaître aussi discrètement qu’il était arrivé. Bientôt, des coups discrets furent frappés à la porte et celle-ci s’ouvrit sur Nora, vêtue d’une somptueuse robe en voilages bleue.
— Mon époux, le salua-t-elle en s’inclinant respectueusement, laissant glisser sa chevelure brune pardessus son épaule.
— Nora... Que me vaut cette visite tardive ?
— Ne puis-je pas me rendre dans les appartements de mon époux pour m’entretenir avec lui ? Demanda calmement la jeune femme en se redressant.
Qahir grogna avant de finir son verre d’une traite. Nora le regarda tout en s’avançant, elle découvrit alors le second verre posé sur la table.
— Tu n’étais pas obligé de faire partir Babil, lui dit-elle avec un petit sourire en coin.
— Qu’est-ce qui te fait penser que c’était Babil qui était avec moi et non une autre personne, insinua le guerrier.
Nora s’assit en pinçant les lèvres.
— Ne me sous-estime pas, je sais très bien reconnaître l’aura de ton ami
— Aaah... J’oublie souvent que je suis entouré de prêtresses qui savent tout sur tout dans ce palais.
— Tu ne devrais pas renvoyer ainsi les gardes de ta porte, continua-t-elle en ignorant sa pique. Tu as de nombreux ennemis ici.
Qahir ricana en remplissant à nouveau son verre, Nora lui tendit naturellement celui de Babil dans lequel il versa du liquide ambré.
— Je n’ai qu’un seul ennemi ici. Enfin, je crois... continua-t-il en la fixant par-dessus son verre.
Nora sirota lentement son verre en lui rendant son regard.
— Je ne sais pas ce que tu insinues, mais ni moi ni Aamal ne sommes tes ennemies. Tu devrais essayer de lui faire confiance...
Qahir posa son verre sur la table plus fort qu’il ne l’aurait voulu cependant, ce dernier se brisant dans entre ses doigts.
— Si tu es venue pour parler d’Aamal, tu peux repartir Nora, dit-il en s'essuyant la main dans sa cape.
— Elle voulait savoir où en était votre projet, fit Nora en restant assise.
— Il avance. Et maintenant, si tu veux bien m’excuser, j’aimerais me reposer. Je reviens de la frontière comme tu le sais, et je dois reprendre des forces, la congédia-t-il en se levant.
— Veux-tu que je soigne tes blessures ? Demanda sa femme en se redressant à son tour.
— Non. Je n’ai pas besoin que l’on me soigne.
— Bien.
Nora sortit silencieusement des appartements, laissant Qahir seul. Il ouvrit délicatement sa cuirasse pour regarder l’étendue de ses blessures. Sous sa cicatrice ronde qu’il avait gardée de son fameux combat contre le scorpion géant, se dessinait une longue balafre qui partait de ses cotes jusqu’à sa hanche. La plaie, qu’il avait reçu la nuit dernière, était déjà refermée, laissant place à une fine peau rose.
D’ici quelques heures, elle aurait certainement disparu. C’était là l’un des nombreux avantages que lui avait offert le démon. Le prix à payer étant la fatigue qu’il ressentait lorsque son corps puisait ainsi dans son énergie.
Mais il n’avait pas le temps de se reposer, pas ce soir. Il devait d'abord s’occuper de son affaire. Il se massa les tempes pour essayer de calmer sa migraine qui l’accompagnait perpétuellement depuis maintenant dix ans : un autre cadeau de ce maudit démon, qui allait de pair avec l’aura qu’il devait constamment maîtriser sous peine de blesser ceux qui l’entouraient.
Il s’assit à même le sol en tailleur, se concentrant sur la force qui l’habitait. Prenant de grandes inspirations, il s’affaira à repousser son aura au plus profond de lui-même afin de l’y enfermer, dissimulant ainsi sa présence aux personnes extérieures.
Une fois qu’il fut certain que personne ne pourrait sentir son aura et le reconnaître, il enleva sa cuirasse pour mettre une tenue plus sombre en coton et enfila un voile noir tout autour de sa tête qui ne laissait entrevoir que ses yeux. Enfin, il se dirigea vers le balcon, escaladant la balustrade d’un saut léger et rapide, il descendit la façade du palais furtivement.
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