R W Le fil du destin Chapitre 9 partie 2

Chapitre 9 partie 2

— Petite ! Viens m’aider à porter ce panier !


Eylen s’aida du tronc contre lequel elle était appuyé, se redressa puis fit le tour de la petite habitation de bois pour rejoindre la vielle guérisseuse, ses pieds nus foulant doucement le sol de mousse.


La vielle femme trainait derrière elle un énorme panier, qui lui arrivait à la taille. Il était rempli de fleurs d’un bleu azurin clair magnifiques d’où elles tiraient leur nom ; Les fleurs de pureté. À leur vue, la jeune fille se remémora les moments passés avec sa mère ; quand elles préparaient ensemble le fameux remède à base de ces mêmes plantes, qu’elle leur versait dans les yeux pour les protéger de la lumière du soleil.


— Et bien ! Tu comptes venir me filer un coup de main, ou simplement me regarder bosser !


Eylen se précipita de l’autre côté de la corbeille pour attraper la deuxième anse. Elle était tellement chargée, qu’elle dû s’y prendre à deux mains pour réussir à la soulever. La poignée en rotin appuyait douloureusement sur sa paume blessée, là où elle s’était brûlée avec le pendentif de sa mère ; elle fut soulagée lorsque, arrivée dans la salle de bain, Sidélie posa enfin leur fardeau au sol.


— Aah ! Merci mon enfant ! Souffla la vielle femme en se tenant la taille. J’ai passé l’âge de faire ce genre de choses !


Eylen rigola silencieusement, essuyant ses mains moites sur la laine de sa robe brune que la vielle femme lui avait donné.


Cela faisait trois jours que la vielle guérisseuse l’avait accueilli, mais elle n’arrivait toujours pas à parler. Elle s’en été inquiété la première journée, puis s’était vite faite à l’idée. De toute façon elle n’avait pas très envie de parler ; encore moins de devoir raconter pourquoi elle était ici.


Sidélie commença à transvaser les fleurs de pureté dans la grande baignoire en métal et la jeune fille s’empressa d’en faire autant. Elle ne voulait pas être un poids pour la vielle femme, comptant bien mériter l’aide qui lui était si généreusement offerte. Sa compagne ne crachait jamais sur ses coups de mains, la regardant en souriant comme si elle la comprenait. Elle ne s’offusquait pas non plus qu’Eylen ne parle toujours pas, continuant de lui parler comme si le fait qu’elle réponde ou non n’avait aucune importance. Pas qu’elle ait eu besoin de ça pour la comprendre de toute façon, la vielle femme était à la fois très perspicace et discrète.


Une fois qu’elles eurent vidé le panier, elles remplirent la baignoire d’eau, se servant de seaux qu’elles approvisionnaient dans la rivière qui passait juste en contrebas de la maisonnette.


Eylen n’aimait pas s’éloigner de l’habitation, craignant toujours que quelqu’un arrive et la reconnaisse. Elle était terrifiée à l’idée que les hommes du maire ou pire, les étrangers en noir, ne viennent la chercher jusqu'ici. Elle restait donc aux alentours de la maison, Sidélie lui ayant interdit de rester allongée les yeux fixés au plafond, immobile, comme elle l’avait fait les deux premiers jours de son arrivée. Elle s’asseyait donc dans l’herbe ou contre un arbre, le regard toujours perdus dans le vague.


La journée, elle ne pensait pas vraiment à ce qui lui était arrivée. Elle ne pensait d'ailleurs à rien en particulier, laissant simplement le temps défiler devant ses yeux. La nuit par contre, c’était une toute autre histoire. Chaque fois qu’elle fermait les yeux, elles revoyaient les scènes horribles se dérouler en boucle devant elle, et sentait la présence sombre de l’homme aux yeux noir qui se rapprochait, la traumatisant un peu plus à chacun de ses réveils. Pour éviter d’aller dormir, elle restait éveillée tard le soir, prétextant aider la vielle femme et écoutant ses histoires.


Sidélie lui avait expliqué qu’elle se trouvait juste au-dessus de Abies, un petit village un peu reclus. Il fallait moins d’une heure de marche pour s’y rendre, mais le retour prenait généralement plus de temps ; la vielle femme ayant de plus en plus de mal à remonter la piste avec ses articulations douloureuses.


Eylen s’était étonné qu’elle ne vive pas tout simplement au village si c’était si contraignant.


— Les fleurs de puretés ne poussent pas en bas des montages ! S'était agacé la vielle femme, devinant son questionnement silencieux. Et puis je suis mieux ici, à la Fuste, c’est ma maison tu comprends.


Oui, Eylen comprenait.


Sidélie passait le plus clair de son temps à préparer des remèdes pour les villageois environnants. Elle était autrefois une guérisseuse de renom ; certains veinaient d'ailleurs de la cité royale jusqu’ici pour demander ses conseils ou pour avoir recours à ses soins. Mais c’était plus souvent les habitants d’Abies qui faisaient appel à ses services. Il n’était pas rare qu’un patient vienne frapper à la porte aux premières lueurs de l’aubes ou tard le soir pour des urgences ou des affaires incommodantes.


Elles s’étaient installées devant la maison chacune sur une chaise, équeutant les haricots verts qu’un patient avait offert en guise de paiement.


Soudainement, la vielle femme releva la tête et demanda calmement à sa compagne :


— Je ne te l’ai pas demandé, mais je suppose que tu ne veux pas que l’on sache que tu te trouves ici. Je me trompe ?


Eylen fit vivement non de la tête. Se mordant les lèvres, elle regarda autour d’elle affolée. Il n’y avait personne dans les environs. Pourtant la vielle femme poursuivit.


— Alors, je ne saurais trop te conseiller de rentrer à l’intérieur et de t’y trouver une bonne cachette. Nous avons de la visite, et ils ne viennent pas d’Abies.


Elle lança un regard appuyé aux bois, en direction du sud. Là où se trouvait son village.


Tu as aimé ce chapitre ?

0

0 commentaire

Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.