Fyctia

Chaque infime partie du corps de Qahir n’était que douleur et souffrance. Il pouvait sentir le venin brûlant couler le long de ses veines pour atteindre chacun muscle, chacune de ses extrémités. La blessure lancinante de ses côtes, certainement cassées, l’empêchaient de respirer.

Il rouvrit doucement les yeux, se demandant si c’était cela que lui réservait l’au-delà : La souffrance éternelle. Mais au lieu du monde sombre et terrifiant auquel il s’attendait, il rencontra le regard inquiet d’une jeune fille. Ses grands yeux noisette le fixaient intensément derrière son voile noir qui ne parvenait pas à dissimuler son visage juvénile. D’étranges marques rouges étaient dessinées autour de ses yeux, et le garçon se concentra dessus pour oublier la torture que lui causaient chacune de ses respirations.

Il voulut tendre la main vers la jeune fille, mais l’infime geste qu’il amorça lui provoqua une vive douleur jusque dans l’omoplate. Une petite main se posa sur son épaule et le maintint fermement allongé.

— Ne bouge pas, lui chuchota la fille d’une voix douce. Tu as plusieurs côtes cassées et ton omoplate est certainement fêlée.

Qahir se laissa faire sans rechigner et referma les yeux, épuisé.

Lorsqu’il reprit conscience, il découvrit en ouvrant les yeux qu’il était sous une tente rouge vif. La couleur des prêtresses du sang. Une lumière chaude orangée éclairait faiblement l’espace assombri par la nuit. Combien de temps avait-il dormi ? Il essaya de tourner la tête en direction de la source de lumière, espérant ne pas sentir de trop forte souffrance, mais fut surpris de rien ressentir du tout.

Il observa l’espace occupé par plusieurs lits de camps sur lesquels d’autre soldats et enfants dormaient ou gémissaient. Au centre, un braséro était allumé, autour duquel trois femmes voilées de noir s’affairent silencieusement à même le sol.

L’une d’elle sembla remarquer son mouvement et redressa la tête dans sa direction. Elle se leva alors et s’approcha de sa couche, un bol noir à la main.

Qahir reconnu le regard noisette de la fille qu’il avait vu précédemment. À sa grande surprise, elle inclina la tête pour le saluer. Puis elle souleva précautionneusement le drap qui recouvrait son torse. Qahir voulut regarder l’étendue de sa blessure qui le faisait encore souffrir, mais ce simple geste lui arracha une grimace de douleur, et il dut reposer sa tête sur le lit.

Il sentit alors la main de la jeune prêtresse lui étaler un liquide chaud sur la poitrine. Aussitôt une sensation d’apaisement s’infiltra à travers sa blessure dans tout son corps. Il avait l’impression que des milliers de petites fourmis étaient entrées dans son sang et se baladaient dans ses veines, et il parvint enfin à respirer sereinement.

Soulagé, il réussit à sourire à sa soigneuse.

_ Merci, lui chuchota-t-il.

Les yeux de la jeune fille se plissèrent et il aperçût la forme d’un sourire se dessiner à travers le tissu transparent de son voile.

Ne voulant pas mettre fin à leur échange, le garçon continua :

_ Combien de temps ai-je dormi ?

_ Deux jours, lui répondit doucement la jeune fille. Nous sommes à mi-chemin de la cité impériale. Nous avons repris la route hier.

Deux jours seulement … pensa le garçon en se rallongeant.

_ Babil ! s’exclama-t-il en se redressant, provoquant une nouvelle vague de douleur dans l’ensemble de son torse.

La jeune fille posa les mains sur ses épaules pour le forcer à se rallonger. Elle ne devait pas être beaucoup plus âgée que lui, mais elle lui semblait si sûre d’elle. Elle prit du liquide rouge sombre qui restait dans son bol et l’étala sur les paupières du garçon, le forçant à fermer les yeux.

_ Dors.

Ce dernier sentit son esprit s’évader instantanément, et sombra dans un sommeil profond.