R W Le fil du destin Chapitre 5 partie 2

Chapitre 5 partie 2



À cet instant, un garde qui avait fait le tour discrètement par la droite, attrapa vivement le bras d’Eylen, qui était toujours sur le seuil de la porte. La jeune fille poussa un cri et tenta de se débattre en trainant des pieds, pendant que l’homme la tirait vers la cour. Sa mère lui attrapa la main pour la retenir.


_ Lâchez ma fille !


Mais elle fut repoussée par un autre garde vers l’intérieur de la maison.


_ Maman ! Crièrent Mery et Brion en se jetant dans ses bras.


Owen se retourna instantanément, et se jeta sur le garde qui avait poussé sa femme en rugissant pour lui donner un coup de poing au visage. Il se redressa ensuite vers Eylen, les yeux remplis de rage, mais alors qu’il s’avançait pour la libérer, il se s’arrêta net et écarquilla les yeux de surprise.


Eylen suivit son regard lorsqu’il baissa les yeux. Elle vit alors, choquée, la pointe d’une épée ensanglantée dépasser du ventre se son père. Son cœur se figeât dans sa poitrine, les yeux fixés sur le sang qui maculait la lame. Une tache de sang se forma sur la tunique beige de son père teignant le tissu de rouge vif. Au loin, elle entendit un cri, sans pouvoir en identifier l'origine. Le garde retira alors froidement l'épée du ventre d’Owen, qui tomba à genoux, face à sa fille. Il releva la tête, et la douleur et la peine qu’elle vit dans son regard la transpercèrent de plein fouet.


Eylen tenta d’avancer vers lui, mais le garde la tenait toujours.


_ Papa...


Les yeux de son père s’éteignirent, une larme roulant sur sa joue, puis il tomba, face contre terre, inerte, à quelques centimètres des pieds de sa fille.


_ Nooon !


Eylen reconnut enfin les cris de sa mère comme s’ils provenaient de très loin de la scène, elle avait l’impression que le temps s’était arrêté, son corps et son esprit avec.


Le garde qui la tenait commença à la tirer pour contourner le corps de son père, qui gisait au sol. Ses muscles semblèrent alors se réveiller de leur torpeur. Se retournant, elle aperçut un garde qui essayait de repousser sa mère à l’intérieur avec les enfants.


Son regard fut attiré vers le toit de la ferme, où des flammes jaunes apparurent, et elle entendit alors le crépitement distinctif de flammes dévorant la paille. Son sang ne fit alors qu’un tour. Mue d’une force qu’elle ne se connaissait pas, elle s’arracha à la poigne de l’homme, et bouscula celui qui bouchait l’entrée pour rejoindre sa mère et ses frères et sœurs dans la maison. Là, elle se pétrifia sur place, découvrant médusée, une scène d’horreur qu’elle n’aurait jamais pu imaginer.


Son frère Brion gisait dans les bras de sa mère, une trainée de sang coulant de sa tempe, là où il avait dû heurter un mur ou un meuble. Mery était accrochée en pleurs aux bras de sa mère, qui se balançait en gémissant. Elle tomba par terre, ses genoux s’abimant sur le sol. Incapable de bouger ou de penser, elle fixait le visage terne de son petit frère autrefois plein de vie. Ses grands yeux bleus d’habitude pétillants et emplis de malice, étaient désormais sans émotions.


Le bruit de la porte que l’on fermait violement la fit se retourner, et elle comprit qu’ils les avaient enfermés à l’intérieur de la maison qui commençait à prendre feu. Toujours à genoux, elle entendit le maire ordonner :


_ Bloquez moi toutes les issues. Et mettez-moi ce corps dans les flammes. Je ne veux aucune trace de notre passage !


Puis le bruit du galop de son cheval disparut au loin.


Eylen se releva alors et se précipita vers la porte pour essayer en vain de l‘ouvrir avec son épaule, mais quelque chose bloquait l’ouverture. Elle s’approcha ensuite de sa mère qui berçait encore son fils, sans prêter attention aux flammes grandissantes.


_ Non... Brion... ça va aller, je suis là... maman est là...


Mais le garçon ne l’entendait plus. Son visage était figé dans une expression de surprise, et ses yeux vides fixaient désespérément le plafond.


Eylen tira sur la manche de sa mère.


_ Maman... Supplia-t-elle la gorge.


Mery qui continuait de pleurer, se serra encore plus fort contre le bras de leur mère en gémissants.


_ Maman, j’ai peur !!! Cria la petite fille en enfouissant son visage contre sa robe.


Les flammes léchaient à présent les murs de pierre et s’attaquaient aux poutres de plafond. Une lourde fumée noire descendait de l’escalier.


Eylen sentit la panique s’emparer de son corps et des gouttes de sueur froides perler sur sa nuque. Ils allaient tous mourir dans cette fournaise ! Elle secoua désespérément sa mère pour la réveiller. Enfin, cette dernière finit par tourner son regards vide vers le sien. Puis elle vit enfin le feu qui se répendait dans la maison. Elle prit alors les mains de ses filles, se redressa dans un élan de courage, et les dirigea vers la porte qui menait à la grange. Mais à peine l’eût-elle ouverte, que les flammes de l’autre côté vinrent les attaquer. Elle referma la porte aussitôt et se retourna pour guider ses filles vers un coin de la pièce. Arrivée devant la trappe de la cave, elle lâcha leurs mains, s’accroupit et souleva la petite porte en bois poussiéreuse. Elle fit descendre sans un mot Eylen par l’échelle et lui tendit Mery qui sanglotait toujours. La pièce était étroite et à peine plus haute qu’Eylen. Elle vit sa mère chercher quelque chose du regard, puis se précipiter vers la cuisine.


_ Maman !


Sa mère revint rapidement avec une couverture dégoulinante d’eau. Elle jeta un dernier regard désespéré à sa fille.


_ Je vous aime... lui dit-elle, les yeux remplis de larmes. Désolée...


Puis elle referma la trappe entre elles. Eylen escalada les barreaux de l’échelle pour rouvrit la porte, mais un bruit sourd lui fit comprendre que sa mère s’était allongée de tout son corps dessus.


_ Maman ! Cria Eylen en tambourinant le porte en bois. Non ! Maman ! Reviens !


Elle essaya de repousser encore un fois la trappe, mais c’était inutile. Elle continua de frapper de toutes ses forces sur le bois, sentant les gouttes d’eau filtrer à travers le bois et couler sur son visage, se mélangeant à ses propres larmes qu’elle n’avait pas sentie arriver.


_ Maman... sanglota Mery en s’accrochant au pied d’Eylen.


Elle se retourna et descendit l’échelle pour serrer sa sœur dans ses bras.


Au-dessus d’elles, le bois craquait et les flammes crépitaient. La chaleur se fit pesante et elles commencèrent à suffoquer. La cave n’était pas suffisamment large pour qu’Eylen puisse s’allonger. Elle s’adossa à un tonneau et enlaça le petit corps sa sœur contre son torse, lui recouvrant le visage avec sa jupe, espérant la protéger de la fumée qui risquait d’arriver. Puis lui caressant délicatement les cheveux, elle lui fredonna la berceuse qu’avait l’habitude de leur chanter leur mère le soir, quand ils n’arrivaient pas à dormir. Elle sentait les battements affolés du cœur de Mery résonner contre sa poitrine, et s’endormit bercée par sa respiration saccadée.


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