R W Le fil du destin Chapitre 3 partie 2

Chapitre 3 partie 2


La jeune fille se redressa et, après avoir vérifié que les enfants ne remarquaient pas leur départ, suivit Eugène dans une petite rue parallèle à la place. Le jeune homme avait de grandes enjambées et elle devait presser le pas pour rester à sa hauteur. Mais il ne semblait pas y faire attention. Il leur fallut seulement quelques minutes de marches pour atteindre ce qui semblait être leur destination. Eylen repris discrètement son souffle lorsqu’Eugène s’arrêta devant une large maison blanche dont la porte d’entrée était cachée par un lourd rideau noir.


Eylen tourna la tête à droite puis à gauche, mais rien ne semblait faire penser à un marché dans la rue. Le garçon lui adressa un sourire en coin, qui se voulait certainement charmeur. À d’autres, pensa-t-elle. Puis il poussa de sa main gauche le lourd rideau pour laisser passer sa compagne.


Eylen s’avança pour découvrir une grande cour intérieure entièrement pavée dans laquelle était rassemblée une bonne trentaine de clients et commerçants en tout genre.


_ Hey, Eugène qu’est-ce tu fais là ? Les interpella un garde en remontant son casque en fer. T’es pas censé venir sans ton père.


_ Juste pour cette fois Hub’.


Il lui tendit la main dans laquelle la jeune fille vit briller une pièce d’argent. Le garde lui prit la main, et glissa discrètement la pièce dans sa bourse en faisant mine de s’intéresser à ce qu’il se passait à l’intérieur de la cour.


_ Juste pour cette fois, d'accord ?


_ Oui, oui.


Eugène s’approcha d’Eylen et lui murmura à l’oreille :


_ Tu me remercieras plus tard.


La jeune fille sentit des frissons de dégoût lui remonter jusque dans la nuque, mais rendit un sourire forcé au garçon avant de s’écarter discrètement de lui. Essayant de ne pas penser au malaise que lui faisait éprouver son compagnon, elle se concentra sur les fameux commerçants discrets.


Elle s’approcha à sa gauche d’une table recouverte de cornes, dents, griffes et autres objets venant certainement d’animaux ou peut être de monstres. L’homme qui tenait le stand arborait une énorme cicatrice sur la joue gauche qui remontait par-dessus l’arrête de son nez, plusieurs fois cassés vraisemblablement, et disparaissait dans sa chevelure grisonnante. Il jeta un rapide coup d’œil à la jeune fille sans sembler s’étonner de ses traits. Eylen détourna rapidement le regard, ne voulant pas fixer sa blessure.


_ Je dois aller saluer quelqu’un, l’interpella Eugène. On se retrouve après ?


Eylen hocha la tête soulagée de le voir s’éloigner, et le vit se diriger de l’autre côté de la cour, vers le stand d’une femme voilée qui vendait d’étrange flacons fermés par des bouchons de liège. Elle dépassa le stand de l’homme balafré et s’arrêta devant un étal de pierres de différentes couleurs. Le commerçant était occupée à discuter dans une langue inconnue et rauque avec un homme encapuchonné. Eylen tendit l’oreille tout en observant une pierre d’un bleu azur presque plus clair que le ciel. Attirée par ses reflets argentés, elle tendit imperceptiblement la main.


_ Pas toucher, la coupa la voix gutturale du marchand.


La jeune fille inclina la tête et se précipita rapidement vers le stand suivant. Son cœur battait la chamade. Elle s’arrêta devant l’entrée d’une tente noire, montée à l’angle de la cour. Instinctivement elle repoussa le rideau d’entrée et pénétra dans l’ombre de la construction.


Une femme âgée, habillée d’une longue robe faite de différents voiles rouges transparents se tenait au milieu de la pièce, assis derrière un fin guéridon de bois. Un foulard était passé au-dessus de sa tête duquel pendaient d’étranges pièces dorées qui s’entrechoquèrent dans un doux tintement lorsqu'elle releva la tête dans sa direction.


_Fermes le rideau.


Sa voix était étrangement flette pour une femme de cet âge avancé.


_ Oh, je n’ai pas d’argent, désolée, s’empressa de dire Eylen en secouant les mains devant elle.


_ Peu m’importe, c’est gratuit pour toi, lui répondit la vielle dame en souriant. Je n’ai pas eu grand monde de toute façon aujourd’hui. Et je m’ennuie.


Elle lui fit signe d’approcher.


_ Allez viens là. Mes yeux ne sont plus aussi performants qu’autrefois mais je peux encore voir clairement dans ton avenir.


Eylen referma le rideau derrière elle et s’approcha timidement. Une odeur d’encens enveloppait l’espace, et la pièce était seulement éclairée par des sphères blanches qui produisaient une étrange lumière tamisée.


_ Je t’en prie, assieds-toi. Te voir debout me fatigue.


Elle s’exécuta et eu un mouvement de recul en croisant le regard vitreux de la vielle femme dans lequel se reflétait la lumière des sphères.


_ Allons, allons ! Ce ne sont pas des manières, fit la vielle dame en souriant.


_ Pardon, s’excusa Eylen, soulagée que son interlocutrice ne puisse pas voir ses joues prendre feu.


Elle se tortilla sur place et serra les pans de sa robe sur ses cuisses.


La vielle femme tendit ses bras au-dessus du guéridon, paumes vers le plafond.


_ Donnes moi tes mains jeune fille. Je vais te révéler ce que t’apportera ton futur.


Eylen hésita un instant, puis s’exécuta. La voyante lui attrapa les mains et serra fermement ses doigts tout autour, puis ferma les yeux. Sa peau fripée dégageait une étrange chaleur qui mit la jeune fille mal à l’aise. Ne voyant rien se produire, elle observa silencieusement l’ancienne, qui resta un instant figée comme si rien ne se passait. Puis ses sourcils se froncèrent et elle retira brusquement ses mains pour les serrer contre sa poitrine.


Son regard vitreux vint se planter dans les yeux d’Eylen, et la peur qui s’y refléta lui donna des frissons dans la nuque.


_ Tu ne devrais pas être ici... murmura-t-elle si bas qu’Eylen eu du mal à l’entendre. Sors, lui dit-elle en se relevant brusquement.


_ Quoi ?


La jeune fille resta choquée, figée sur sa chaise,


_ Tu es une morte qui marche ! Tu attires le malheur ! continua la vielle femme comme si elle ne l’entendait pas en reculant vers le fond de la tente.


Eylen se releva et s’approcha d’elle en tendant la main.


_ Attendez. De quoi parlez-vous ? Je ne comprends pas...


Mais la vielle femme recula encore jusqu’à toucher le voile tendu du fond de la tente.


_ N’approche pas ! Tu vas me maudire ! Fit-elle d’une voie sanglotante de plus en plus hystérique.


_ Mais non...


_ Surtout, ne t’approches pas ! Je vais te donner un seul conseil, repris la vieille femme en se calmant légèrement.


Elle planta son regard dans celui d’Eylen.


_ Fuis ! L’homme aux yeux noirs te cherche, il t’apportera ta plus grande douleur... Si tu ne veux pas créer encore plus de malheurs surtout ne le laisse pas t’attraper !


Puis elle disparut derrière son rideau et Eylen entendit le cliquetis d’une porte qui s’ouvrait puis se refermait. Elle resta là, seule, figée comme si on lui avait lancé un seau d’eau glacée au visage, son cœur tambourinant dans sa poitrine.

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