Fyctia

Une bouffée de panique monte en Mesdrak en ressentant la tension palpable dans l’édifice. Le groupe avec qui ils sont venus les entraînent hors de la salle de réception. Ils traversent un grand hall au centre duquel trônent des escaliers immenses en bois clair.

Le groupe se dirige vers l’un des couloirs sur le côté des marches grandioses, jusqu’à des doubles portes faites d’un bois presque noir.

En les poussant, la femme fait découvrir à Mesdrak le jardin du Manoir.

Ce dernier est spectaculaire. Les arbres fruitiers, les buissons, les fleurs et les lacs s’y harmonisent à la perfection, colorant le paysage et calmant les nerfs à vifs.

Toute panique s’évapore en l’espace d’une seconde et tous pénètrent l’immensité verte. Rapidement, les orbes orangées aperçoivent la faune peuplant l’endroit. Des oiseaux aux couleurs éblouissantes, des papillons aux abeilles, des écureuils aux lapins, le tout vivant sans une once de peur envers ceux qui marchent au milieu d’eux.

- Hyko, tu nous présentes ton ami ou nous devons deviner son identité ? demande la Déesse avec un sourire amusé.

- Je suis Mesdrak Qandarull, Dieu de la Guerre, déclare l’interpelé.

- Celui dont tu nous rabâches les oreilles depuis des dizaines d’années ? dit l’un des hommes à Hyko.

- Je n’en parle pas tout le temps !

- Si, un peu, confirme l’une des femmes.

- Dis-nous tout Mesdrak, est-ce que dans ton ancienne vie, il était déjà comme ça ? rit la Déesse brune en passant un bras autour des épaules du Dieu.

- Je ne sais pas. Je ne me souviens pas de lui.

Les sourires et les gloussements s’éteignent en quelques secondes et les regards se posent sur Hyko.

- Pardon ? souffle la Déesse. Mais c’est impossible…

- C’est ce que je me suis dit aussi, sauf que… il n’a vraiment aucun souvenir de moi.

- Mais vous avez grandi ensemble ! Vous avez fait la guerre ensemble ! Tout le monde connaissait votre amitié ! s’exclame un autre Dieu.

- Je sais tout ça, pas la peine de me le rappeler, grogne Hyko.

Mesdrak les écoute en silence, se demandant légèrement où est le problème. Certes il l’a oublié, mais ce n’est pas bien grave, il suffit de recréer des souvenirs maintenant.

Or, ça semble les déranger.

Il finit par hausser les épaules. Cette situation le dépasse et il en a bien conscience. Or, plus il y réfléchit, moins il y a de logique, plus ça l’inquiète. C’est pour cela qu’il reporte son attention sur le jardin. Plusieurs Dieux s’y baladent, non sans jeter des regards perplexe au petit groupe.

- Je ne vois pas pourquoi ils auraient touché à ses souvenirs ! Il n’est pas dangereux ! disait l’une des Déesses.

Mesdrak leur lance un regard lassé avant de s’éloigner, préférant explorer le jardin plutôt que de les écouter parler de lui. Il est vrai que ses souvenirs se comptent sur les doigts d’une main estropiée, mais ça ne l’a jamais empêché de vivre normalement. Le Dieu s’est découvert des passes-temps et des passions. Sont-elles les mêmes qu’avant, ça il n’en sait rien et ça ne l’intéresse pas de le savoir.

Mesdrak s’arrête finalement à l’ombre d’un arbre. Le soleil est toujours aussi chaud et sa tête, qui était redevenue fraîche à l’intérieur, commence à nouveau à brûler.

Il soupire en s’asseyant dans l’herbe fraîche. Il est différent tout en étant semblable. Plus d’une fois, un Dieu de la Guerre lui a fait la remarque que ses activités ne s’alliaient pas avec son statut, mais personne ne lui a jamais cherché d’embrouilles. Il s’est fait sa propre réputation en un combat, lorsqu’un Dieu l’a poussé à bout. C’est l’unique fois où il a levé son arme sur l’un de ses semblables. La seconde fois vient d’arriver. Désormais, tout ce qu’il espère, c’est de ne plus avoir à le faire. Il n’est pas devenu un Dieu pour se battre contre ses semblables.

- Hey ! Mesdrak ! Pourquoi tu es parti sans rien dire ?! s’exclame Hyko en le rejoignant en courant, suivi par le reste du groupe qui a énormément réduit depuis qu’il l’a quitté, quelques minutes plus tôt. On n’a pas fini les présentations !

L’interpelé soupire, bien que légèrement amusé.

- Elle c’est Étaïla, dit-il en pointant la Déesse qui fait la majorité de la conversation depuis leur arrivée.

En plus d’elle, il a une trois autres femmes. Deux brunes et une blonde. Leurs regards sont moins amicaux que celui d’Étaïla mais restent sympathiques. Toutes trois se nomment Klaiva, Khorra et Léory. En plus d’elles, il y deux Dieux. L’un d’eux a des cheveux étrangement bleus et l’autre a des cheveux argentés. Le premier s’appelle Slevan et le second Akhary.

- Les autres sont partis on ne sait où, ils devaient s’ennuyer, dit Étaïla en riant. Pourquoi as-tu été Déchu ? demande-t-elle.

- Je n’ai rien fait de mal ! s’exclame brusquement Mesdrak, ne voulant pas être accusé d’une faute qu’il n’a pas commise.

- On s’en doute, ne t’en fais pas. Mais de quoi t’ont-ils accusé ?

- D’avoir massacré tous les Impérieux.

Les yeux s’écarquillent et Hyko reste bouche-bée. Ce sont habituellement des « petites » accusations, en lien avec des règles facilement transgressées. Mais là, c’est carrément l’extinction d’un peuple. Ce n’est pas quelque chose de simple. Et si il en a été accusé, c’est qu’ils ont réellement étaient exterminés. Ce qui est quasiment impossible à cause de leur nombre éternellement grandissant.

- Est-ce qu’ils ont des preuves ?!

- Apparemment ils ont retrouvé des traces correspondant à ma technique de combat, dit-il. Sauf que je n’ai rien fait.

- Mesdrak ! s’exclame Hyko en l’attrapant par les épaules. Est-ce que tu te rends compte de la gravité de la situation ?! Si personne ne prouve ton innocence avant la fin de ta mission, ils vont envoyer quelqu’un pour te tuer ! C’est la sentence pour ce genre de faute !

- Je suis innocent. Qu’ils essayent de me tuer si ça les amuse, réplique-t-il d’une voix glacée. Je les attends.