Fyctia

Lentement, les champs de tournesols et de blés laissent place à des maisonnettes aux couleurs extravagantes et aux jardins immenses. Par moment, le quatuor aperçoit des enfants jouant entre eux, attendant le retour de leurs parents. Rapidement, ces maisons de poupées s’effacent pour laisser place à l’autoroute, longue et monotone, encerclée par des terrains où l’herbe s’étend à perte de vue.

Lorsqu’enfin les premiers grands bâtiments apparaissent, le soleil entame déjà sa course descendante.

- Tu connais le fonctionnement de ce monde ? demande soudainement Mick sans quitter la route du regard.

- Pardon ?

Mesdrak se tourne vers le fermier, essayant de retenir sa surprise et l’inquiétude soudaine qui l’envahit. Comment cet homme, qui ne donne pas de mine, peut se demander si il sait comment ce monde avance ?!

- Tu le sais, oui ou non ?! s’énerve-t-il en tournant son regard vers son passager sans totalement cesser d’observer la route.

- Oui, bien sûr ! s’exclame Mesdrak plus fort que prévu, ne s’attendant pas à ce que Mick crie.

- Tu en es sûr ? Car à la moindre erreur, tu es hors-jeu, le prévient-il en plissant les yeux.

- Hors-jeu ? relève le Dieu, légèrement paniqué par ce terme.

Qu’est-ce qu’il veut dire par là ? Est-ce que ça signifie que quelqu’un viendrait mettre fin à ses jours immortels ? Ou bien est-ce que la mission serait un échec ?

- Les humains sont comme des animaux sauvages. À partir du moment où quelque chose d’anormal a lieu, soit ils attaquent, soit ils fuient, mais dans les deux cas, tu peux être sûr que toute la planète sera au courant, explique le fermier en reportant ses yeux devant lui afin de freiner précipitamment face à un feu rouge. Donc ? Es-tu sûr de tout connaître ?

- Qui êtes-vous ?

Un éclair d’agacement traverse les yeux sombres alors que déjà la camionnette redémarre. Ses mains se crispent sur le volant alors que Masdrek cherche désespérément à savoir ce qu’il a dit de mal pour déclencher une telle colère chez l’homme.

- Mick, je te l’ai déjà dit, tu écoutes quand je parle ?

- Oui, mais…!

- Réponds à ma question avant d’en poser d’autres ! s’exclame-t-il en redémarrant.

- Non, je ne connais pas tout ! Personne ne peut tout connaître !

- Sais-tu dans quelle ville nous sommes ?

Le Dieu ouvre la bouche pour la refermer quelques secondes plus tard, se rendant compte qu’il n’en a aucune idée. Il baisse les yeux sur ses mains, dont les doigts sont entrecroisés, l’air penaud.

- C’est bien ce que je me disais… j’ai bien fait de t’accompagner, tu nous aurais mis dans de beaux draps, marmonne l’homme en tournant à un coin du rue.

- Où allons-nous ?

- Chez mon fils, répond Mick en le toisant rapidement. Il va encore vouloir s’en mêler… mais bon…

Mesdrak fronce les sourcils alors que la voiture s’arrête sur le côté. Le fermier lui fait signe de descendre, ce qu’il fait rapidement, se faisant engloutir par la chaleur à l’instant même où il ouvre la portière. Le Dieu râle intérieurement avant de le rejoindre, il a toujours préféré le froid au chaud…

La rue est large, à double sens, et avec des petits appartements des deux côtés. L’homme se dirige instantanément vers la bâtisse devant laquelle ils se sont arrêtés.

- Freki, Geri, venez là, ordonne Mick à ses chiens qui bondissent de la benne afin de les rejoindre.

Le nom des deux animaux surprend le Dieu, mais ce dernier se retient de dire quoique ce soit. La situation est déjà assez inhabituelle comme ça…

Son guide tape rapidement le mot de passe pour déverrouiller la porte d’entrée et pénètre dans le petit hall d’où des escaliers montent et descendent. À gauche il y a six boîtes aux lettres de métal clair.

Mick monte jusqu’au deuxième étage où deux portes se font face. La première, à gauche des escaliers, est banale. La peinture beige s’écaille et le tapis de sol est gris.

La seconde est unique. Elle a été repeinte en blanc et des enfants l’ont ensuite redécorée à leur manière, avec des personnages aux proportions originales et avec des couleurs fluorescentes. Plusieurs dizaines de chaussures sont éparpillées de partout, créant une mini barrière entre l’extérieur et le petit appartement. C’est vers cette porte que Mick se dirige. L’homme se déchausse, faisant comprendre à Mesdrak qu’il doit faire de même.

Il sort un trousseau de clefs de la poche de sa veste rapiécée et ouvre rapidement la porte.

Freki et Geri bondissent à l’intérieur et le fermier fait signe à Mesdrak de faire de même. Les deux compagnons de route passent par-dessus l’empilement de chaussures et pénètrent dans l’appartement. La fraîcheur de l’endroit fait lâcher un soupire de bien-être au Dieu.

Mick lui lance un regard amusé avant d’avancer dans le petit vestibule.

- Papa !

- Papi !! s’écrient des voix beaucoup plus aiguës que la première.

Bruns aux yeux sombres, des sourires éclairants leurs visages d’enfants, les deux petits se précipitent sur le fermier, qui les réceptionne sans difficulté. Derrière eux, un jeune homme d’une trentaine d’années apparaît, un sourire amusé sur les lèvres. Mais lorsque ses yeux d’un bleu profond se posent sur Mesdrak, tout amusement part en fumée, ne laissant qu’une expression de pure surprise, voir de choc…

- Mesdrak…? dit-il en un murmure.