Fyctia

1er février

Séléné gérait les réseaux sociaux de Break the silence, l’association où elle était bénévole, car Madison, la chargée de communication, était en congé.

Elle devait publier du contenu pour sensibiliser sur le harcèlement et mettre en avant les bienfaits des groupes de parole. À travers des témoignages anonymes, l’objectif était d’encourager les victimes à se libérer de leur souffrance et à partager leur expérience dans un cadre bienveillant.

Elle se connecta à Facebook. L’algorithme lui suggéra une photo publiée par un couple brésilien, qui avait voyagé à Paris, en 2018.

Son regard se figea sur l’arrière-plan. Car il y avait un immeuble, celui où Iris habitait avant sa disparition.

Elle cliqua sur l’image pour l’agrandir. Un taxi noir était garé devant la résidence. On voyait Emilie et Iris, qui s’apprêtaient à monter à bord …

Séléné porta une main tremblante à sa bouche. Son cœur battait si fort qu’il menaçait d’exploser.

Iris était montée dans un taxi, avec elle. Et elle n’était jamais revenue.

Séléné sentit une vague de nausée monter en elle. Elle se leva brusquement, la chaise raclant bruyamment le sol.

Elle ne pouvait pas rester là.

Elle attrapa son sac, enfila son manteau à la hâte et quitta l’appartement.

Elle descendit les escaliers en courant, sortit dans le froid glacial et marcha, encore et encore, jusqu’à ce que ses jambes la mènent à la gare.

Là-bas, elle acheta sans réfléchir un billet pour Los Angeles.

Quelques heures plus tard …

Le voyage lui parut interminable.

Assise contre la vitre du train, elle fixait le paysage qui défilait.

Dans son esprit, les visages d’Iris et d’Émilie se superposaient. Elles se connaissaient. Pourquoi Émilie ne lui avait rien dit ? Était-elle une complice de la Fraternité de la Terre Sacrée ?

Le train ralentit en entrant dans Los Angeles. À la descente, la ville lui parut oppressante. Elle enfouit ses mains dans les poches de son manteau, cherchant un semblant de réconfort.

Ensuite, elle prit un bus, et marcha plusieurs rues avant de s’arrêter devant une vielle bâtisse rouge brique.

Elle monta au deuxième étage et s'arrêta devant l'appartement 16.

Elle inspira profondément et frappa à la porte.

— Séléné ? Qu’est-ce que tu fais là ?

Son ancienne colocataire lui ouvrit la porte, surprise. Elle n’avait pas eu de nouvelles d’elle depuis des mois.

Ashley n'avait pas changé. Ses longs cheveux bruns tombaient en cascade sur ses épaules, et son style était toujours aussi impeccable : jean ajusté, pull en cachemire et chaussons assortis.

Séléné entrouvrit les lèvres, mais aucun son n’en sortit. La fatigue et le choc lui pesaient.

— Je… j’ai besoin d’un endroit où dormir. Juste pour quelques jours.

Ashley la regarda longuement, comme si elle cherchait à deviner ce qui se cachait derrière cette visite inattendue. Puis elle s’écarta pour la laisser entrer.

— Viens.

Quelques jours plus tard, une nouvelle macabre fit la une des journaux. Une femme avait été retrouvée morte, son corps échoué sur une plage. L’autopsie conclut à une noyade et la police l’identifia comme étant Émilie.

Séléné sentit le sol se dérober sous ses pieds. Son souffle se coupa, et elle dut s’asseoir pour ne pas s’effondrer.

Puis, la culpabilité s’immisça en elle, comme un poison. Elle revoyait Émilie, qui la rassurait lorsqu’elle sombrait dans l’angoisse.

Elle aurait pu lui donner une chance de s’expliquer. Peut-être qu’elle n’était pas la coupable que son esprit paranoïaque avait imaginée.

Mais maintenant… Il était trop tard.