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Chapitre 9 : L'alliée (1/2)
Trigger warning : ce chapitre contient le témoignage d'un personnage ayant été victime de harcèlement scolaire, incluant des moqueries, de l'exclusion, des violences physiques et un manque de soutien de son entourage.
8 janvier 2021
Séléné rencontra la nouvelle salariée, Émilie, lors de la pause déjeuner. La jeune femme était assise au fond de la cafétéria, sur une table blanche, à côté de micro-ondes qui bipaient à intervalle régulier. Elle portait un costume élégant, composé d’une veste bleue et d’un pantalon assorti. Ses longs cheveux noirs étaient tressés.
Elle fixait son plateau avec un air dégoûté : des pâtes réchauffées à la sauce tomate, des salades aux légumes flétris et un « poulet » tellement caoutchouteux qu’on avait l’impression de mordre dans du plastique.
À la cafétéria, la nourriture était insipide, mais pas chère. A Los Angeles, les gens, tant qu’ils avaient l’estomac rempli, ne faisaient pas les difficiles.
Séléné s’installa en face d’elle et lança timidement, pour briser la glace : « Alors, cette nourriture ? ».
Émilie goûta une pâte et l’avala avec un verre d’eau. « Disons que j'ai mangé pire … » répondit-elle en jetant un coup d'œil désespéré au restaurant d’en face, visible depuis la baie vitrée, où l’on servait les meilleurs plats de la ville.
Ensuite, elles discutèrent de Los Angeles, de l’entreprise et de leurs parcours respectifs. Émilie lui parla de ses passions : la photographie, la nature, et les endroits où elle avait vécu, notamment en Asie. Elle lui montra quelques photos sur son compte Instagram, où elle publiait les paysages époustouflants qu’elle avait capturés.
Le lendemain, lors d’une réunion, Émilie aperçut Séléné qui entra dans la salle, l’air concentré mais mal à l’aise. Soudain, un groupe de collègues se moqua d’elle bruyamment.
Émilie, en entendant leurs rires acerbes, n’hésita pas une seconde. Elle se leva et fit une remarque cinglante : « Quand on manque d'intelligence, on compense avec le mépris, n'est-ce pas ? Ça ne vous rend ni plus malin ni plus intéressant ». Puis, d’un geste vif, elle jeta sur eux son verre d’eau, tout en prétendant être maladroite. Les rires se turent instantanément.
Séléné, touchée, la chercha dans le couloir quelques minutes plus tard. Elle la remercia d’une voix qui trahissait une surprise mêlée de gratitude : « Merci, vraiment, je ne m’y attendais pas. »
Les jours suivants, Séléné et Émilie commencèrent à passer plus de temps ensemble. Elles discutèrent lors des pauses café, des déjeuners, et parfois, après le travail, autour d’un verre bien mérité.
Puis, un jour, alors qu’Émilie s’absentait quelques minutes pour aller aux toilettes, Séléné aperçut une brochure qui dépassait de son sac.”
Curieuse, elle la prit et la lut. À son retour, Émilie, un peu gênée, lui révéla qu’elle participait à un groupe de parole anonyme, pour des victimes de harcèlement. Le groupe se réunissait chaque semaine et permettait à des personnes comme elle, de témoigner sans être jugé.
Elle invita Séléné à y assister, et lui donna la brochure pour qu’elle puisse y réfléchir à son propre rythme.
Séléné hésita. Elle était partagée. Mais Émilie lui assura que c’était un espace sûr, où personne ne la forcerait à parler si elle ne le souhaitait pas.
Une semaine plus tard, après avoir mûrement réfléchi, Séléné prit la décision de se rendre à une rencontre. Lors de la séance, Émilie prit la parole, sur un ton tremblant :
« Je ne sais pas par où commencer… Au lycée, j’ai été victime de deux élèves. Quand je mettais le pied à l'école, j’avais peur, car les filles du proviseur ne me lâchaient pas … Comment puis-je expliquer ça ? Elles me harcelaient constamment. Elles se moquaient de moi, dans les couloirs et même en cours …
Les élèves observaient, sans intervenir. S’ils essayaient de m’aider, ils auraient aussi été harcelés. Les profs ne disaient rien. Le seul qui a tenté de m’aider était mon prof d’anglais, Mr Robbins. Il a été renvoyé.
J'ai essayé de demander de l’aide, vous savez ? J’ai parlé à mes parents, mais ils ne m’ont pas cru. Ils ont pensé qu'ils ne s’agissait que d’une dispute entre ados. Et ils disaient que j’étais trop sensible. Que je ne devais pas prendre les choses trop à cœur.
Il y avait des moments où j'étais en colère. Je me répétais : pourquoi ? Pourquoi moi ? Mais après, cette colère se transformait en tristesse. Je pleurais souvent, en cachette. J'avais peur que quelqu'un me voie et pense que j’étais faible.
Les moqueries n’étaient pas le pire. Un jour, j’ai été tabassée dans les toilettes, jusqu'à ce que je perde connaissance. Parce que j’avais osé me plaindre auprès du proviseur.
Après ça, je suis partie. J’ai tout quitté : ma famille, l’école …. Et je suis partie vivre chez une cousine éloignée, qui réside en Asie. J’étais brisée, et j’ai dû me reconstruire, petit à petit ».
Séléné, touchée par la sincérité et le courage d’Émilie, décida de revenir chaque semaine et parla de ce qu’elle subissait au travail. Petit à petit, elle commença à gagner confiance en elle.
Mais un jour, alors qu’elle était en télétravail, Émilie déjeuna dans le restaurant en face de l’entreprise. Avec un sourire satisfait, elle tapa rapidement un message, qu’elle envoya à une certaine Alma : « Bonne nouvelle, le poisson a mordu à l’hameçon ».
4 commentaires
Olympiaa
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Il y a 16 jours
Rose D.M
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Il y a 21 jours
Jade4269
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Il y a un mois
Nicolasm59
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Il y a un mois