Fyctia
Chapitre 6 : Le deuil
18 décembre 2018, États-Unis
Séléné raccrocha. Ses doigts tremblaient, crispés sur le téléphone. Dans sa tête, les mots se répétaient en boucle, comme un disque rayé : « Ta sœur a disparu. La police suspecte qu'elle soit tombée sous l’emprise d'une secte. ».
Séléné, qui avait un an de moins que sa sœur, était en état de choc. Iris avait disparu ? Non, ce n’était pas possible… Mais ses parents étaient très sérieux.
Les deux sœurs étaient comme le jour et la nuit. Iris était rebelle et avait toujours aimé faire la fête. Elle s’était inscrite en première année dans une filière qui ne lui convenait pas, après avoir raté un BTS et une licence dans une école de commerce.
Ses parents l’avaient poussée à s’orienter vers la littérature anglaise, même si elle se moquait de Shakespeare et qu'elle ne parlait pas un mot d’anglais. Ils espéraient que cela lui ferait passer l’envie d’ouvrir un casino.
Contrairement à elle, Séléné était calme et réservée. Elle avait choisi un master aux États-Unis pour apprendre à écrire des livres.
Jamais elle n’aurait pensé qu’Iris se laisserait berner par des escrocs…
Le choc passé, elle envoya un SMS à sa mère : « Je rentre ».
25 décembre, maison familiale en région parisienne
Séléné était en colère. En colère contre Clara et Esteban, qui avaient trahi sa sœur. Ils étaient toujours en Thaïlande, à se la couler douce, alors qu’Iris avait disparu.
Elle n’avait pas dormi de la nuit. Allongée sur son lit, elle avait imaginé tout un tas de scénarios, aussi effrayants les uns que les autres.
Cinq jours après la parution de l’article du Nouveau Courrier, ces hypocrites l’avaient appelée et avaient tenté de s’excuser, mais Séléné les avait rembarrés.
Avant de raccrocher, elle leur avait hurlé : « Comment vous avez pu faire ça ? Clara, elle te considérait comme sa meilleure amie. Et toi, Esteban, elle te faisait confiance ! Vous me dégoûtez ! ».
Leurs excuses n'avaient aucune valeur, car ils étaient responsables. La trahison d’Esteban avait brisé Iris. Si sa sœur n’avait pas été vulnérable, elle ne serait jamais tombée entre les mains d’une secte.
Ce n’était pas juste ! Iris lui avait promis qu’elles partiraient toutes les deux en vacances l’année suivante. Même si elles vivaient dans des pays différents, elles étaient restées en contact.
Ce voyage était prévu pour qu’elles rattrapent le temps perdu. Mais Iris était peut-être morte !
Et les policiers ! Pourquoi l’enquête n’avançait-elle pas ? Elle en avait marre d’entendre toujours la même phrase : « Nous faisons tout ce que nous pouvons ! ».
Ses parents se rendaient tous les jours au commissariat, espérant avoir de bonnes nouvelles. Mais à l’accueil, on leur demandait d'attendre. Attendre ! Comment pouvaient-ils attendre dans une telle situation ?
6 mars 2019, États-Unis
Séléné se réveilla en sursaut. Elle avait encore fait ce cauchemar, où elle se retrouvait sur une plage de sable gris.
Un brouillard masquait l’horizon. Au loin, elle entendait Iris l’appeler. Séléné courait vers elle, mais ses pieds s'enfonçaient dans le sable, l’empêchant d’avancer. Et puis, au bout de quelques minutes, la voix d’Iris s’éteignait. Le brouillard se dissipait et une tombe apparaissait.
Elle se redressa dans son lit et regarda son téléphone. Il était 3h27. Depuis la disparition d’Iris, il lui était impossible de dormir.
Elle était de retour aux États-Unis. Ses parents lui avaient dit de poursuivre ses études, espérant que cela lui changerait les idées.
Mais Séléné se sentait coupable. Si elle avait été là, elle aurait pu soutenir Iris et l’empêcher de contacter ce mystérieux groupe…
9 juin
Séléné avait trouvé un stage dans une prestigieuse librairie new-yorkaise.
Elle était devenue l’ombre d’elle-même. Son teint pâle et ses cernes étaient savamment camouflés sous le maquillage que sa colocataire, Ashley, lui avait prêté. Elle avait maigri. Ses vêtements, autrefois parfaitement ajustés, flottaient sur son corps amaigri.
Elle acceptait les heures supplémentaires sans rechigner, au plus grand plaisir de sa tutrice, Mme Smith. Cette soixantenaire au visage déformé par la chirurgie esthétique, était toujours vêtue d’une robe rose.
Chargée de sélectionner une dizaine de manuscrits parmi les milliers qu’elle recevait, elle lui refilait son travail dès que son patron avait le dos tourné.
Quand elle rentrait chez elle, la tristesse la submergeait. Cela faisait six mois qu’Iris avait disparu. Et elle ne pouvait en parler à personne. Ah quoi bon ? Les gens finissaient toujours par se lasser du chagrin des autres.
24 décembre
Séléné était suivie par une psychologue depuis qu'elle s’était évanouie au travail.
Quand elle avait rouvert les yeux, elle était à l’hôpital. Les médecins avaient été clairs : soit elle acceptait de voir un psychiatre, soit ils l’interneraient.
Sur un ton sévère, ils l’avaient mise en garde. Si elle continuait ainsi, elle finirait par s’effondrer. Définitivement. Alors, elle avait obéi.
Les consultations avaient commencé et son état s’était peu à peu amélioré. Elle dormait mieux et son sommeil n’était plus troublé par des cauchemars.
Cette année, elle passa les fêtes de Noël avec ses parents, qui étaient venus la voir aux États-Unis. Elle eut l’impression qu’un jour, peut-être, elle pourrait recommencer à respirer …
17 commentaires
Olympiaa
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Il y a 17 jours
Rose D.M
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Il y a 21 jours
Jade4269
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Il y a 2 mois
Lune34
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Il y a 2 mois
Mapetiteplume
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Il y a 2 mois
Lune34
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Il y a 2 mois
Nicolasm59
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Il y a 2 mois
Virginie Roekens
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Il y a 2 mois