Sue_Auteure Le Coeur Dans Les Étoiles CHAP.3 ~ You were loved ♬

CHAP.3 ~ You were loved ♬

Lundi 1er Août


Le bip régulier des machines m'exaspère. Je ne parviens pas à ouvrir les yeux, mais je sais que Maman est là. Le sillage vanillé de son parfum préféré parvient jusqu'à mes narines et me rassure.


Rassurée, elle, ne l'est pas. C'est étrange mais je suis capable de scanner avec précision chacune de ses émotions.


C'est complètement déconcertant !


Tout à l'heure, j'ai entendu le chirurgien dire qu'il ne fallait rien espérer. Les perspectives me concernant sont très limitées. Maman se penche au-dessus de moi et pleure en silence. Je peux entendre la prière qu'elle formule alors qu'elle ne parle même pas.


Tout ça est très étrange, c'est comme si j'étais bionique à présent.


Je ne supporte pas de la savoir dans cet état. Elle a déjà perdu Papa et elle croit m'avoir perdue aussi. Je dois lui dire que je suis là, alors je tente de bouger mes doigts. Ce tout petit effort engendre une douleur immense qui me pousse à gémir. Maman se redresse instantanément et se tourne vers mon visage.


— Maïra ? Maïra mon bébé, tu m'entends ?


Je réitère l'opération « Bouge tes doigts » pour qu'elle comprenne que je suis consciente. J'ai toujours mal. J'aimerai lui parler mais je suis incapable de prononcer le moindre mot avec tous les tuyaux qui entravent mes voies respiratoires.


— Oh mon Dieu Maïra ! Tu es là ?


Un son guttural effrayant s'échappe de ma personne.


— S'il vous plait, venez ! Ma fille s'est réveillée, hurle Maman bouleversée.


Deux infirmières accourent à mon chevet. Elles sont rapidement rejointes par le médecin de garde. On retire le sparadrap de mes yeux, empêchée par une hypersensibilité à la lumière, je les entrouvrent à peine. Le médecin me demande de suivre la lampe qu'il agite devant mon visage. Je m'exécute tant bien que mal. On vérifie mes constantes avant de retirer toutes les sondes. Je souffle et grimace, car j'ai la bouche sèche et engourdie.


— Quelle est votre prénom ? questionne le médecin.

— Maïra

— Votre date de naissance ?

— 7 février 1997 à Pointe à Pitre

— Seigneur ! Elle s'en souvient Docteur ! s'exclame ma mère.


Stupéfaite, elle retient son souffle et entoure son visage de ses mains. Le docteur, circonspect, poursuit son interrogatoire.

— Votre métier ?

— Je suis professeure de danse.


Maman arque un sourcil, comme si je n’avais pas donné la bonne réponse.


— Professeure de danse, dites-vous ?

— Oui. J'ai ouvert mon école... Il y a trois ans.


Une douleur puissante attaque l'arrière de ma tête, mes mots sortent au ralenti.


— Votre situation matrimoniale ?

— Mariée.

— Pardon s'écrie Maman ? Et depuis quand ?


Le médecin grimace.


— Mme Bayi, laissez-moi l’interroger, je vous prie. Vous êtes donc mariée, Maïra, c'est ça ?

— Oui. Depuis sept ans et nous attendons notre deuxième enfant.


Je n'ai même pas eu le temps de l'annoncer à Bailey !


— Où peut-on trouver votre époux ?

— À son cabinet. Il est ophtalmo. 15 rue Michelet, derrière la grande Poste.


Maman recule d'un pas et lâche un « Dieu du ciel et de la terre » avec un fort accent créole.


Là, Marie-Jo Bayi est dépassée !


— Où sont Bailey et Keziah ? J'ai besoin de les voir s'il vous plaît.

— Qui sont Bailey est Keziah ? demandent-ils en même temps.

— Mon mari et mon fils, évidemment !



*



J'entends Maman échanger à voix basse avec les soignants. D'après elle, je ne suis pas mariée, juste fiancée. Avec Pierrick et non Bailey. Elle affirme n'avoir jamais entendu parler d'un petit-enfant qui s'appelle Keziah. Les seuls qu'elle ait, sont les jumelles de ma sœur Selenia : Lauren et Keren, nées il y a deux mois seulement.


Je n'y comprends plus rien !


Quant à l'adresse du cabinet, c'est celle du cabinet dentaire qui m'emploie. Visiblement, j'y suis assistante depuis cinq ans. Maman précise que la danse a toujours été ma passion, mais que je ne l'enseigne pas.


Alors là, c'est fort de café !


Je ne comprends pas pourquoi Maman dit tout ça. Elle était pourtant bien là au réveillon... Et elle ne peut pas avoir oublié Keziah, il est né dans ses mains...


Tout est sens dessus dessous dans mon esprit et je masse mes tempes nerveusement pour tenter d'y voir clair.

— Avez-vous mal quelque part, Maïra ?

— J'ai mal partout Docteur ! J'ai l'impression que mon corps est bloqué dans une boîte d'allumettes.

— Je vois... Sur une échelle de 1 à 10, quel est votre niveau de douleur ?

— 9.


En réalité: 2 000/10.


— Savez-vous ce qu'il vous ait arrivé ?

— C'était le réveillon... Nous avons fait une bataille de neige, pris des photos... Et voilà que je me retrouve ici !

— Le réveillon de Noël ?

— Oui. Le réveillon de Noël.

— Mais nous sommes à cinq mois de Noël, ma pauvre dame !

— Mais non ! C'est Noël et Keziah doit m'attendre pour ouvrir ses cadeaux.

— Écoutez Maïra, c'est déjà un miracle que vous soyez là. Nous poursuivrons cette discussion plus tard, voulez-vous ? Vous devez vous reposer à présent.


Dubitative. Voilà ce que je suis.


Comment croire que se réveiller sur un lit d'hôpital est un miracle ? Le miracle serait de savoir comment je passe d'un réveillon de Noël en famille, à cet endroit hostile et froid !


Finalement, Maman a l'air plus effrayée qu'heureuse de ce réveil impromptu. Elle prévient Ortiz, mon frère, et Selenia de mon retour. Comme si j'étais partie depuis des mois. Elle demande également à ma soeur de contacter Pierrick et Kali.


Kali je comprends, mais Pierrick...

Vraiment ?


Je ne lui ai plus adressé la parole depuis qu'il m'a trompé avec Julie. Enfin, je crois...


Maman finit par téléphoner à Tatie Pierrette, sa sœur qui vit en Haïti. Elle lui crache en créole que mon cerveau est périmé.


Maman et son tact légendaire !


Je crois que si elle ne se calme pas, elle n'aura plus jamais de larmes.





Au fur et à mesure que le temps passe, mes sensations reviennent. J'ai des picotements dans mes orteils et je maintiens mes yeux ouverts.


Les dernières heures n'ont pas été simples pour moi, car à chaque fois que j'ai prononcé une phrase, elle sonnait comme une hérésie, heurtant mes proches et les médecins.


J'ai tout de même demandé des informations sur mon état. On m'a répondu que je sortais de six mois de coma.


J'ai cru défaillir.


Pour preuve, on m'a présenté le calendrier et le journal du jour – je calcule. Nous sommes bien à J-147 jours avant le prochain Noël.


147…


Je vois bien que je suis dans un sale état, mais je n'ai pas le moindre souvenir d'un quelconque accident de ski et encore moins de fiançailles avec Pierrick. En revanche, je me souviens de Bailey et Keziah seulement, personne ne me croit.


Je ne veux pas être taxée de folle ou subir les regards pleins de pitié de mon entourage. Alors je me tais, pour conserver le peu de dignité qu'il me reste.


Qu'ai-je fais pour mériter ça !


Tu as aimé ce chapitre ?

8

0

0 commentaire

Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.