Fyctia
Prologue 2/2
Mes amis arrivent à mon niveau en même temps que le groupe de jeunes skieurs que j'ai voulu éviter. Il y a énormément de bruit autour de moi. Mon regard est brouillé, mais j'entends clairement les voix qui me parlent malgré le casque qui couvre mes oreilles. Le goût métallique du sang s'engouffre dans ma bouche. Je voudrais cracher, mais j'en suis incapable.
— Mais elle saigne ! s'inquiète Pierrick.
— Matt est déjà en ligne avec les secours et leur indique l'endroit où nous nous trouvons, explique Kali.
— Ils arrivent quand ces secours ? questionne Pierrick pour la millième fois.
— Maï, ne me laisse pas tomber, ok ? serre ma main si tu m'entends, m'ordonne inlassablement mon amie.
En guise de réponse, j'enserre les doigts de Kali, aussi fort que je le peux.
— Ça va aller, Maï Ok ! Tout va bien se passer.
Les mots de Kali me rassurent, mais ne suffisent pas à atténuer la douleur effroyable qui m'étreint le bas des reins. J'ai froid. Terriblement froid. Je voudrais me relever, mais je ne sens plus mes jambes.
Et si je ne pouvais plus jamais marcher ?
Clouée sur le sol gelé, la peur envahit chaque parcelle de mon être. Je n'ai ni la force de pleurer, ni celle de me plaindre.
— T'inquiètes pas ma chérie, les secours arrivent bientôt. Tiens bon, répète Pierrick.
Mes dernières forces me quittant, impossible de lui répondre. J'ai l'impression de m'échapper de ma propre enveloppe corporelle, comme si mon âme flottait au-dessus de ma personne. Je vois mon corps, là, étendu comme une misérable chose. Je m'observe et constate avec horreur que je suis mal en point.
Les secours arrivent enfin et immédiatement, les soignants s'agitent autour de moi.
— Elle fait un arrêt cardiaque s'écrit l'un des secouristes !
— Défibrillateur svp ?
— Écartez-vous ! On charge...
Assister à son propre sauvetage, est une sensation étrange. Je sens mon corps se soulever à chaque décharge d'électricité. Mais il ne se passe rien. La vie semble m'avoir quittée.
— On a un pouls ? On a un pouls ?
— Oui... C'est bon... On a un pouls !
Je vois Pierrick pousser un souffle de soulagement.
— Ok. On la prépare pour l'hélico.
L'agitation autour de moi est omniprésente mais méthodique. Je suis là, perchée dans les airs et j'assiste à ce triste spectacle, impuissante, le corps inconscient mais l'esprit tellement vivant.
Je n'y comprends rien !
Après un second arrêt cardiaque, Kalindra pleure dans les bras de Matt. Simon, lui, est contrit dans un coin pendant que Pierrick hurle sa douleur.
L'équipe médicale parvient à stabiliser mon état, les médecins du SMUR* me traînent durant quelques mètres sur un brancard, afin de rejoindre l'hélicoptère positionné sur une clairière. On me hisse à l'intérieur de l'engin. Pierrick voudrait me suivre malheureusement, il n'est pas autorisé à m'accompagner. Il devra nous retrouver à l'hôpital. En même temps que nous décollons, je me sens repartir :
— Attention on la perd à nouveau...
Une nouvelle fois, je suis projetée à l'extérieur de corps. Subitement happée par une spirale verticale qui me dirige vers un puit de lumière. Je suis désormais en suspens au-dessus de l'univers. Tout est calme. Tout est serein. Je me retrouve dans cet ailleurs, enveloppée par une couche de chaleur et d'amour incommensurable.
C'est inexplicable !
Cette seule idée devrait me filer la trouille, mais il n'en est rien. Je suis en apesanteur et je ne ressens aucune douleur. Étrangement, je me sens bien. Je tourne mon visage vers la droite et un chemin éclairé se forme devant moi. J'avance en direction d'une porte ouverte sur le cosmos.
Alors que je progresse vers mon objectif, un panorama se déroule devant moi. J'y vois la rétrospective de ma courte vie. Depuis ma naissance, jusqu'à ce triste accident. Dans ce film, qui retrace mes vingt-six années, je reconnais ma mère, ma sœur, mon frère et mes grands-parents... Il y aussi Kali et tous les gens que j'aime. Eux sont tristes et contrariés de ce qu'il m'arrive, mais moi je vais très bien. J'aimerai le leur dire, mais cela est impossible. Je crie, mais ils ne m'entendent pas.
Suis-je morte ?
Incapable de comprendre ce qu'il m'arrive, je ferme les yeux pour tenter de gérer ma contrariété.
Pourquoi me montre-t'on tout ça ?
Et qu'est-ce que je fiche ici ?
Un être de lumière s'approche de moi. Il a des ailes aussi grandes que celle d'un archange et un halo d'une pureté indescriptible se dessine autour de lui. Il n'est que douceur et bienveillance – bizarrement, je n'éprouve aucune frayeur alors que la situation est inédite.
Notre conversation est télépathique, je n'ai pas besoin d'ouvrir la bouche pour le comprendre. Lui non plus, d'ailleurs. Il m'attrape par la main et nous nous élevons encore plus haut dans les étoiles. Je flotte dans l'univers et je ne crains rien.
C'est complètement dingue !
La sensation que cela me procure est agréable, c'est vrai, mais ce que je veux en cet instant, c'est retourner d'où je viens. Ma famille va s'inquiéter, si je ne rentre pas.
L' être de lumière a compris. Mon regard s'accroche à son sourire et un nouvel écran défile. C'est encore l'histoire de ma vie, mais cette fois-ci, on me parle d'une vie que je ne connais pas. Pourtant, c'est bien de moi qu'il s'agit, puisque je m'y reconnais. Dans ce nouveau film tout est parfait. C'est exactement la vie dont je rêve. Un petit mari amoureux, un enfant et un studio de danse à mon nom. Un sentiment de bien-être m'envahit pendant que je visionne les aventures de cette autre moi.
Je réitère ma demande à l'être de lumière :
« Je veux rentrer chez moi ! ».
Cette fois-ci, la voix intérieure de mon interlocuteur ne me répond pas. Un sourire franc apparaît sur ses lèvres, et en une fraction de seconde, je me retrouve dans un endroit que je ne reconnais pas de prime abord, mais visiblement, je suis de retour chez moi.
Suis-je toujours en vie ?
* SMUR : Structures Mobiles d'Urgence et de Réanimation.
2 commentaires
Justine_De_Beaussier
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Il y a un jour