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Chap 12 cueillette (2/2)
Lorsque l’humanité s’est réfugiée dans la bulle sous l’eau, la Terre ferme, privée d’humain a regagné en forêts, en rivières et zones humides, en prairies et alpages puis les insectes se sont multipliés. Sont venus leur prédateurs et les prédateurs de leurs prédateurs. Les écosystèmes y ont regagné leur place. En 200 ans hors de toute présence humaine, la planète est redevenue habitable pour les humains ou en tout cas en partie habitable pour quelques humains.
Les scientifiques ont suivi de près cette évolution et ont pu donner le top départ de notre retour sur Terre finalement relativement rapidement. Les animaux de compagnie de nos ancêtres ont disparu ainsi que le bétail. Ne restent que les animaux sauvages et le programme développé par les cadres ne prévoit pas pour l’instant de domestication. Nous vivons de chasse, pêche et cueillette ainsi que de petit maraîchage sur la base des graines que les 3000 ont pu emporter et conserver dans la cité sous-marine.
Aujourd’hui nous sommes censés être une société humaine présentant les meilleurs gènes et après 300 ans de reproduction tous nous ressembler. Notre couleur de peau est censée être plutôt uniforme d’un brun doré, nos yeux foncés et légèrement en amende, nos cheveux noirs et épais à crépus. Cette uniformité devrait à priori à elle seule éviter toute forme de racisme, fléau chez les ancêtres ayant provoqué son lot de guerres et d’injustices.
Cependant, des dissemblances perdurent, les gènes s’expriment différemment selon les individus et nul ne peut présider à la loterie génétique. J’en suis le parfait exemple, ma peau est claire, ornée de taches de son sur les pommettes, mes cheveux sont fins et presque roux. En d’autres temps j’aurais pu être brûlée sur un bûché. Ainsi, malgré nos gènes communs nous sommes relativement différents les uns des autres mais sans que ne soient constituées d’ethnies à proprement parler.
Je ne sais pas si on peut parler de racisme mais malgré tout en dehors de toute langue ou couleur de peau, des clans se forment au sein de notre Société Nouvelle et certaines animosités naissent aussi entre les générations, entre les quartiers ou au sein des Co-familles, il n’y a qu’à voir la mienne ! Les Cadres interviennent vite dès que des idées trop violentes se forment et que la discorde gronde. Des médiations via le robot psy sont mises en place.
J’ai parfois l’impression que les humains ont envie de violence. J’imagine que cette notion de racisme ne découlait pas forcément des différences entre les gens mais plutôt de leur propension à rejeter toujours la faute sur les autres, à avoir peur. Peur de tout. Peur d’avoir moins de ceci ou de cela, peur de perdre, peur d’eux même. On se trouve des boucs émissaires et on focalise sur eux toutes nos peurs que l’on transforme en violence et en agressivité. En réalité les différences ne sont pas la source du racisme, elles en sont juste la bonne excuse.
Nous n’avons conservé qu’une seule et unique langue, l’anglais. La multitude des langues humaines par lesquelles se construisaient des raisonnements, des façons diverses de voir le monde ont disparu du langage courant. On en conserve informatiquement la mémoire et on peut les étudier. Il s’agit d’une perte immense pour l’humanité, toutes ces civilisations perdues, ces rites enfouis à jamais.
Les ancêtres étaient si nombreux. Un nombre qui donne le tournis. Qui semble irréel.
Parfois j’ai l’impression que d’une façon ou d’une autre, nos âmes communiquent dans le monde invisible. Des liens se tissent et se nouent entre les vivants et les choses. Des ondes, des fréquences ou des énergies qui se croisent, s’entremêlent et nous lient. Chaque être est un monde à part entière. Un monde d’émotions, de rêves, de sentiments et de sensations, de palpitations et de frissons. Un monde vaste qui s’étend au-delà d’une enveloppe charnelle. Qui fait vibrer les cordes des forêts, souffler les poumons des nuages, clapoter les ruisseaux. Un faisceau qui participe aux cycles des jours et nuits, aux cycles des saisons et des ères, aux cycles des naissances, des vies et des morts.
Tous ces mondes se rencontrent et se nourrissent les uns des autres.
Cette théorie farfelue qui pousse instinctivement dans mon esprit alambiqué et qui semble trouver écho à chaque balade et chaque rencontre avec un arbre parait compatible avec des faits historiques. Chez les ancêtres, des inventions ont eu lieu à des périodes identiques un peu partout sur le globe sans communication traçable ou possible entre les êtres dans le monde visible et perceptible par les humains.
Imaginons que ce soit réel, qu’une telle forme de communication existe. Cela signifie qu’au moment de l’Apocalypse, le monde imperceptible était complètement saturé de pensées en tout genre ? Peut-être que c’était ça au fond l’Apocalypse. Les gens n’ont plus pu se concentrer ou réfléchir ou agir étant de partout assaillis par un flot ininterrompu d’idées en tout genre.
Le surplus des êtres aurait saturé les mondes invisibles et les pensées n’ont plus réussi à s’envoler, se lier, s’unir. Chacun s’est retrouvé vraiment seul. Seul dans la foule, saisi par le trop plein de son propre monde intérieur.
Ou alors le trop plein de pensées a créé un tunnel facile à emprunter, une voie rapide et toutes les âmes se sont engouffrées dans cette voix unique, simple et rapide, sans échappatoire et la peur et la colère ont triomphé.
Autre hypothèse, de la saturation même une explosion a suivi et c’était cela la véritable Apocalypse.
Toujours est-il que ce devait être impressionnant tout ce monde. Toutes ces vies, toutes ces joies, ces peines. Tous ces peuples vivant simultanément sur une même terre. Tous ces gens partout, chacun occupé à sa tâche. Toutes ces possibilités de rencontre. Impossible de connaître tout le monde, possible de croiser plein de gens et de ne jamais plus les recroiser.
Quand on pense qu’il est impossible de connaître quelqu’un véritablement ou même se connaître soi-même.
L’idée de cette multitude me fait tourner la tête. Comment les hommes ont-ils pu être aussi nombreux ? Comment se sentir unique et important au sein de cette fourmilière géante ? Comment faire entendre sa voix et ses idées ? Dans la forêt, je me suis déjà postée devant une fourmilière, cette vie grouillante et débordante m’a autant fascinée qu’elle m’a écœurée.
Les Cadres portent aujourd’hui un regard très attentif sur notre démographie. Pas pour éviter le big bang des pensées ! La planète est encore fragile et il s’agit de ne pas en gaspiller les ressources.
Notre mode de fonctionnement implique l’utilisation d’une importante quantité d’énergie pour manipuler l’immensité des données en notre possession et nécessaire à notre survie. Le dédale informatique est très gourmand en énergie pour la fabrication du matériel, le stockage, le calcul, et le refroidissement et nous ne pourrions être trop nombreux sans risque de saturer le système et nos ressources.
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koyasjl
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Il y a un an
Marion_B
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camillep
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