Fyctia
Chap 11 - Cueillette (1/2)
20 septembre 300 post apocalypse - Pensées non enregistrées
Corvée cueillette.
Celle que je préfère. Particulièrement en automne. Les arbres se parent de leurs plus belles couleurs, du doré au rouge flamboyant. Nous ramassons des noix, des châtaignes et même des champignons.
Absorbé par le sol et ce que l’on peut y trouver, mon esprit est concentré sur cette tâche simple et répétitive. Une noix, dans le panier des noix, une deuxième noix dans le panier des noix, une troisième noix ; écartée.
Les noix ouvertes, noires ou trop légères sont jetées plus loin. Comme pour chaque chose il faut choisir. Faire le tri. Garder ce qui est bon, supprimer le reste.
Chaque mise au rebus constitue pour moi une petite perte, un pincement. Une possibilité infime à laquelle on met fin. Un artefact de deuil à la lisière de la conscience. La mort d’un autre destin pour cette petite noix.
Ce choix est dur mais il est porteur de satisfaction.
Je suis celle qui sait.
Qui suit son instinct, fait la distinction entre le bon et le mauvais, agit en conséquence.
Le panier se remplit de mon effort. Effort oh combien important !
Avec ces noix on fait l’huile et la farine qui constituent les denrées de base de notre alimentation.
Une part de moi a l’impression de reproduire de manière automatique ces gestes ancestraux, comme si mon corps était guidé par une force supérieure des gestes milles fois répétés, gravés dans mes gènes et je rentre en communion avec mes ancêtres. Les chasseurs-ceuilleurs.
Un pont se crée entre le passé et le futur. J’ai l’impression que la forêt me parle, que je la connais mieux que moi-même. L’alchimie opère chaque fois avec ce sentiment honnête d’accomplir ma part de travail en ce bas monde pour nourrir les miens. Dans ces moments de paix, je remercie la terre et la forêt.
Un cri d’oiseau me sort de ces réflexions. Je suis heureuse de savoir qu’ils étaient là avant nous et sont toujours là malgré les erreurs passées. On a meurtri la terre au point qu’on a dû la fuir mais elle a repris son souffle et aujourd’hui on l’en remercie. On tente de la respecter. On ne prélève que ce dont on a besoin sur des sentiers balisés pour ne pas abîmer le reste, et dans un secteur bien défini, sain.
Comme souvent, je ressens une présence à mes côtés. Une présence bienveillante et tranquille. Cela ne m’effraie pas. Cette présence m’enveloppe et me rassure.
Mon esprit peut divaguer à nouveau sans but, le corps repu par son activité.
Quand le corps est ainsi en action, l’esprit peut s’engouffrer vers les contrées les plus complexes, les plus enfouies. Jaillissent alors parfois certaines fulgurances ou sortes d’apparitions en provenance, j’aime à le croire, des ancêtres qui veillent sur nous, sur cette Société Nouvelle qui tente sa chance.
Notre Société Nouvelle forte aujourd’hui de près de 80 000 âmes a hérité des gènes mélangés des 3 000. Les 3 000 personnes qui ont pu fuir l’Apocalypse.
A cette époque, les chercheurs et scientifiques du monde entier ont cherché des solutions pour s’échapper de cette planète devenue inhospitalière. Une fabuleuse course contre la montre a commencé. Les idées les plus ambitieuses ont germé parmi les ancêtres. Les dénommés “Américains” ont voulu faire tourner une vaste “cité-satellite" en orbite autour de la Terre. Les “Chinois” ont monté une opération “Mars”. Dans ce vaste capharnaüm, la solution identifiée par “l’union des européens” s’est révélée la meilleure. Pourquoi partir si loin ? Ils ont imaginé trouver refuge au fin fond de l’océan. Dans une fosse très profonde, là où l’homme n’avait que très peu impacté les lieux. Là où seules des créatures marines très spéciales et méconnues vivaient en paix.
Ils ont imaginé, conçu et crée une sorte de bulle sous l’eau, dans le noir des profondeurs. Ils ont accompli l’exploit de capter, de l’air, de l’eau, et même un peu de lumière pour pouvoir vivre à l’abri pendant un certain temps.
Les 3 000, 1 500 hommes, 1 500 femmes, ont été spécialement sélectionnés pour partir en direction de l’Atlantide par un programme informatique spécifique sur la base de leur patrimoine génétique, de leur QI, de leur âge compris entre 25 et 35 ans pour les femmes et 25 et 50 ans pour les hommes, et de leur profil psychologique avec une diversité génétique suffisante pour redévelopper l’espèce sans risque de consanguinité excessive.
A une époque sombre pour la SN, des maladies consanguines ont commencé à se montrer plus fréquentes. Grâce au système des 3 visages, le problème a vite été réglé.
La sélection des 3 000 a été lancée en plein désastre humain et écologique majeur. Toutes les personnes présentes sur terre n’ont pu être testées.
Il y a apparemment eu un immense casting mondial. Les volontaires étaient déjà forcément les plus dégourdis et frondeurs pour oser passer les tests. C’était une première pré-sélection. Ce sont ainsi les éminents scientifiques, sociologues, ingénieurs, médecins, biologistes grands sportifs du monde entier qui sont à l’origine de notre ère.
Ont été éliminés les personnes stériles et homosexuelles, les ethnies isolés, les personnes moins riches ou moins informées, éloignées des centres de tests, en guerre ou sans moyen de locomotion, les couches plus basses de la société, les enfants et les vieux, les trop arrogants, pas assez intelligents, les obèses, les fragiles ou les malades. Évidemment, à l’époque cette campagne sélective a été un déchirement immense. Mais que pouvaient-ils faire d’autre ? La seule capsule sous-marine créée pour rejoindre l'Atlantide ne pouvait supporter que 3000 personnes, comment choisir ?
Presque aucun animal n’a pu être embarqué. Ils sont essentiels à notre vie sur terre pourtant, ils étaient sûrement autant légitimes que les humains. Si on y réfléchit un peu, nous avons détruit leur planète et n’avons même pas eu à cœur de les sauver. Globalement l’Apocalypse, les choix qui y ont conduit et les choix qui ont dû être opérés pour en sortir constituent une part sombre de l’histoire, un héritage que l’on doit porter. Que l’on doit connaître et dont on doit se souvenir car nous n’avons pas le choix. Ce qui est fait est fait.
Si j’avais été là à cette époque est-ce que ma voix se serait élevée, est-ce que j’aurais tout fait pour changer les choses ? Et même si je l’avais fait, m’aurait-on entendue ? Aurais-je pu changer le déroulement des évènements ? J’en doute. Dans les livres des ancêtres, les plus grands éclats et les plus grandes bravoures dévoilant le meilleur chez les êtres se passent durant des épisodes tragiques. Comme les guerres, les famines, les grandes épidémies. En un sens j’aurais aimé pouvoir me situer dans ces temps là pour faire parler la résistante qui est en moi.
Ce sentiment est assez paradoxal, je m’en rends bien compte, la paix vaut largement mieux que la guerre, d’autant que peut être pour moi ne se seraient exprimées que peur et lâcheté.
Je le redoute en fait, moi qui n’ose même pas défendre mes idées auprès de ma propre mère !
16 commentaires
koyasjl
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Il y a un an
M.Julie
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Il y a un an
cedemro
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Il y a un an
PICOT
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Il y a un an
Marion_B
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Zebuline
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Imagineuse
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Marion_B
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Mary Lev
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Marion_B
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Il y a un an