Fyctia
Chapitre 3
Dire que je n’étais pas rassurée était un euphémisme.
Je manquai de me tordre la cheville à chaque nouveau pas sur ce chemin de terre qui m’enfonçait inexorablement dans l’inconnu. Selon les indications du père de Baptiste, je devrai atterrir à proximité d’un champ de blé bordant les rails du chemin du fer. En les longeant sur la gauche, l’ancienne gare se profilerait devant moi.
Pour l’instant, j’étais seulement entouré par une végétation si dense que même le rayonnement de la lune ne pouvait la traverser. J’utilisai le peu de batterie qui me restait sur mon portable pour allumer la lampe torche et éclairer mes pieds tandis que la maison de Baptiste disparaissait dans mon dos.
Mes semelles crissèrent sur les pierres qui parsemaient le chemin avant de ne plus faire aucun son. Ma vision s’éclaira et je laissai la forêt derrière moi pour faire face à la nuit. De la paille séchée colorait le sol. De minuscules point oranges, comme des étoiles, brillaient au loin. Sûrement la ville d’à côté.
Je poursuivis mon périple, délaissant l’anxiété pour profiter de l’absence de bruit mécanique qui régnait en ces lieux. Je suivis le champ sur toute sa longueur, entre le blé séché et un talus en haut duquel couraient les rails. J’étais dans la bonne direction.
Je les pistai à la recherche de la gare lorsqu’une structure se démarqua, s’élevant massivement dans le ciel. À côté d’elle, il retrouva sa couleur bleutée. Plus je m’avançai, plus sa forme prit des dimensions gargantuesques d’un noir abyssal. Elle emplit mon champ de vision au point de me faire oublier la véritable raison de ma venue. Il y avait quelque chose fascinant à voir ce bâtiment prendre des allures de chimère. Chaque protubérance renvoyant à des épines ou des membres tordus. En m’approchant, il se révéla à la lumière. Des traces de rouilles et de peintures écaillées texturaient sa base avant de s’obscurcir jusqu’au sommet.
Un incendie, devinai-je.
Certainement une vieille usine désaffectée, laissée en pâture aux affres du temps. C’était un bon de décor pour notre court-métrage. Mais aucune trace de lumière, pas même une poussière volante, n’indiquait la présence de mes amis.
Je me demandai subitement d’où venait la lueur qui m’avait permis de percer le mystère de ce monstre. Mes bras étaient ballants, mon portable éclairant mes pieds plus qu’autre chose.
Tournant sur moi-même, je constatai qu’un unique lampadaire était présent. Un ballet de papillons se mettaient en spectacle en dessous de sa chaleur. Mais c’était le petit bâtiment rectangulaire derrière lui qui attira mon attention. Bien qu’à moitié dans l’ombre, je vis qu’il n’était pas très large, à peine deux fenêtres placées sur le fin espace entre le sol et la toiture. La façade en pierre prouvait que les matériaux de l’époque étaient résistants malgré le lierre qui la recouvrait. Je levai le bras pour éclairer la pancarte placée au centre.
Gare.
- Et bien voilà !
Je la contournai et découvris qu’elle ne comptait que trois murs, faisant directement face à la voie ferrée. Un simple banc en bois, mangé par les mites, était calé contre le mur du fond. Je l’éclairai, lui, ainsi que les sacs cachés en dessous. Je m’empressai de les inspecter, heureuse de reconnaître ceux de mes compères. Mais aucune trace de leurs propriétaires.
Ma lampe de fortune inspecta les alentours à la recherche du moindre indice, lorsque l’évidence s’imposa à moi. S’ils ne se trouvaient pas à l’usine, qui appelait pourtant à l’exploration, c’était que Baptiste avait déniché un meilleur endroit.
Comme celui-ci qui s’étendait devant moi, de l’autre côté des rails.
Je ne le distinguai pas clairement mais plusieurs véhicules s’empilaient dans des positions précaires.
Une décharge.
Je secouai la tête, éberluée de la tournure que prenait ma nuit. Malgré tout, je franchis le talus en vérifiant qu’aucun train ne prenait l’idée de les emprunter au même moment. Une fois de l’autre côté, je remarquai immédiatement une carcasse de camion. Son conteneur tagué, long de plusieurs mètres, avait la porte latérale grande ouverte.
- Clémence ?, appelai-je, ma voix résonnant dans l’espace vide.
Je me hissai tant bien mal à l’intérieur et repérai de nouvelles preuves de leur passage. Des feuilles volantes avec un début de scénario, des cartes mémoires, un trépied…
Je redescendis, comprenant qu’ils avaient dû vouloir explorer les environs. Je fis le tour du camion, derrière lequel une multitude de véhicules, dans le même état de décrépitude avancé, attendaient patiemment. Un chemin étriqué s’aventurait au cœur de ces châssis décomposés. Je dus faire attention à ne pas m’accrocher aux branches mêlées au métal pour ne former qu’une masse hybride.
La nuit était silencieuse. J’hésitai à appeler mes amis à voix haute. À croire qu’une bête se terrait dans les environs et n’attendait que mon signal pour bondir. La chair de poule s’installa pour courir le long de ma peau. La sensation que des milliers d’insectes remontaient le long de mes jambes me poussa à sautiller sur place. Un mauvais pressentiment me tenaillait l’estomac. Je ne devrais pas être ici. Aucun de nous ne le devrait.
Reprenant mon souffle erratique, je poursuivis mon chemin, slalomant entre les ossatures de ce qui avait été des moyens de transport, maintenant statiques. Face à moi, la couleur jaune d’un bus se détacha. Même vieillie, elle dénota dans ce paysage de rouille et de crasses. De la mousse s’accrochait à sa carrosserie, excepté à un endroit. Comme si on l’avait gratté. La porte en accordéon était à moitié ouverte. J’y passai la tête et une odeur de renfermée me prit la gorge. Je reculai en toussant quand un raclement émergea du ventre du car. Mon cœur se figea, tout comme ma respiration.
- Y’a quelqu’un ?, chuchotai-je en me penchant.
Sans réponse, je carrai les épaules et me jetai dans sa gueule.
8 commentaires
Inès Takeya Ruiz
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Il y a 4 ans
Thylia Andwell
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Il y a 4 ans
cedemro
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Il y a 4 ans
Malauu
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Il y a 4 ans