Fyctia
Chapitre 1
- Hey ! Regardez ça !
- Mec, t’es trop fort !
- J’aurai jamais cru vu ce qui s’est passé hier soir !
Je marchai derrière Baptiste, François et Clémence. Nous traversions les couloirs de l’Université pour nous rendre à notre prochain cours. Baptiste montrait aux deux autres quelque chose sur son portable. Je n’avais aucune idée de ce dont il s’agissait. Si j’en croyais les dires de Clémence, cela avait un rapport avec hier soir. Mais, comme je n’étais pas présente, je n’en avais aucune certitude.
Nous étions en deuxième année de licence de cinéma. Leurs visages m’étaient familiers depuis un an mais je ne m’étais rapprochée d’eux que récemment. Les travaux de groupes devenaient une réalité dure à ignorer à mesure que nous avancions dans le semestre.
Ce n’était pas dans ma nature d’aller vers les autres. On pourrait me qualifier de "timide". Le lycée n’avait pas été la plus facile des périodes. La fac était pour moi l’opportunité de prendre un nouveau départ. De me réinventer en quelque sorte… En commençant par ne pas éviter mes camarades.
Baptiste avait été le premier à m’adresser la parole. Nous nous étions tout de suite bien entendu. Au milieu d’une centaine d’étudiants tous plus arrogants les uns que les autres, il a été une bouffée de fraîcheur. François était le suivant. De deux ans plus âgé, il possédait une maturité qui apaisait nos anxiétés d’étudiants balbutiants. Clémence, quant à elle, n’était arrivée que dernièrement. Je n’aurai jamais cru être aussi heureuse de me rendre en cours.
- Lily ?
Baptiste se retourna et sourit en me trouvant derrière lui.
- Qu’est-ce que tu fais là ? Viens !
Il m’attrapa par le poignet et me tira entre lui et Clémence. Il relança la vidéo et me tendit son portable.
- On a filmé ça hier vers chez moi. Comment tu trouves ?
Baptiste était très doué. Il n’hésitait pas à prendre sa caméra pour parcourir la petite commune dans laquelle il vivait dans le but constant de découvrir de potentiels lieux de tournage. Notre projet de fin d’année consistait à réaliser un court-métrage de A à Z. Moi qui étais plutôt tournée vers la théorie, j’avais été plus qu’heureuse de découvrir que lui et les autres étaient des adeptes de la pratique. Je ressentais malgré tout une certaine culpabilité à l’idée de ne pas leur être d’une grande aide. Je restais donc en retrait sur le plan technique, préférant gérer le dossier à fournir à nos professeurs pour présenter notre réalisation.
Si mon manque d’expérience les embêtait, ils ne me l’avaient jamais fait part. Au contraire, ils persistaient à me demander mon avis à chaque étape. C’était agréable de se sentir appartenir à un tout.
Je regardai les images tournées la veille avec des yeux émerveillés. Le soleil se couchait sur une carrière abandonnée dont la terre se craquelait harmonieusement tout en reflétant la lumière du crépuscule. C’était un décor parfait.
- C’est génial !, les félicitai-je.
- La lumière fait toute la différence, expliqua François en se penchant. On y est allé à la bonne heure.
- Je ne savais pas que vous vous étiez vu hier…
J’espérai que ma voix ne laissait pas transparaître ma déception. Ce n’était pas la première fois qu’ils se retrouvaient sans moi. Au début, j'avais été conviée mais certaines obligations m’empêchaient de répondre favorablement. Surtout quand cela arrivait sur un coup de tête.
J’habitais de l’autre côté de la ville. Quand François, qui disposait d’une voiture, raccompagnait les autres, il n’était pas rare qu’ils s’arrêtent en chemin. Ce n’était que le lendemain que je l’apprenais, au détour d’une conversation. Ça me rendait un peu triste de savoir qu’ils s’entendaient aussi bien sans moi mais ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait reprocher à ses amis.
- Ça s’est décidé à la dernière minute, haussa des épaules Clémence.
- D’ailleurs, on remet ça ce soir !
Baptiste me fit face, tout excité, en marchant à reculons, son doigt pointé sur moi.
- Je ne peux pas.
Ces épaules s’abaissèrent de déception et je m’en voulus de ne pas pouvoir me joindre à eux.
- Pourquoi ?
- J’ai des trucs à faire chez moi. Je ne peux pas les repousser comme ça, à la dernière minute.
- Si c’est en rapport avec les cours, on peut bosser tous ensemble.
Clémence et François hochèrent la tête de concert. Je lançai, quant à moi, un regard dubitatif à Baptiste. J’avais déjà tenté de réviser avec lui. Cela s’était révélé une cause perdue. Il était beaucoup plus avancé que moi. Je devais me battre pour ne pas être en dessous de la moyenne quand lui et les autres semblaient survoler les épreuves sans effort. Je ne voulais pas passer pour plus idiote que je ne me sentais déjà.
- Non, ça n’a rien à voir, répondis-je. Juste, ce soir, je ne peux pas…
Je me tortillai les mains, détestant devoir leur dire "non".
- Mais je pourrais m’arranger pour venir un autre soir !
Ma tentative de rattrapage fut accueillie par un simple hochement de tête de la part de Baptiste qui se replaça à côté de moi. La conversation reprit comme si de rien n’était mais, bien vite, je me laissai distancer et contemplai leurs dos. Bien que je sois juste derrière, j’avais la sensation que cela représentait des kilomètres dans ce petit couloir étroit. Mes mains se resserrèrent autour de l’anse de mon sac alors qu’une boule s’installa de mon estomac. Je me sentais mise à l’écart. Par ma propre faute.
Le reste de la journée se déroula dans la même incertitude. À la fin du dernier cours, je les abandonnai pour entamer l’heure de transports en commun qui me séparait de chez moi. Je ne pus toutefois retenir un dernier regard en arrière pour les voir rejoindre, en riant, la voiture de François.
Ensemble.
Sur le chemin de mon appartement, je passai faire quelques courses que je déposai chez ma voisine de palier. C’était une vieille femme qui s’était récemment cassé la hanche. Sans famille, elle ne pouvait compter que sur le voisinage pour l’aider le temps de sa guérison. Elle me parla si longuement que nous étions déjà en début de soirée quand je pus enfin m’atteler à mes révisions. Ma mère m’apporta une assiette que j’engloutis rapidement entre deux livres. Je ne vis pas les heures passer et je ne l’aurais sans doute jamais vu si la sonnerie de mon portable n’avait pas retenti.
Étonnée, je le retournai et découvris qu’il était 22 heures passées. Le nom de Clémence s’afficha sur l’écran.
- Allô ?
- Lily ! Il faut absolument que tu viennes chez Baptiste !
Je me tendis en entendant le ton pressé de sa voix.
- Tout va bien ?
- Oui ! Non ! Je ne sais pas vraiment ! Mais on a besoin de toi alors viens !
- Mais…
La conversation s’interrompit brusquement pour ne laisser qu’un bip régulier dans mon oreille.
Clémence voulait vraiment que je traverse toute la ville à cette heure-ci ?
Mes hésitations cédèrent face à l’occasion de prouver à mes amis qu’ils pouvaient compter sur moi.
Sans prendre plus de temps pour réfléchir, j’enfilai mon manteau et me mis en route.
6 commentaires
Inès Takeya Ruiz
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Il y a 4 ans
Sonyawriter
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Il y a 4 ans
cedemro
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Il y a 4 ans
Malauu
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Il y a 4 ans