Fyctia

Leurs regards se croisent ; Siloé acquiesce timidement à son intervention verbale, ne sachant quoi rétorquer. Elle est troublée et intimidée en sa présence, clairement plus à l’aise, les nez plongé dans ses livres plutôt que de soutenir une conversation plus d’une minute avec un être humain, a fortiori du sexe opposé.

– Puis-je vous aider quant à votre recherche, monsieur ?, propose Siloé, d’une voix doucereuse et d’un ton assuré, parfaite dans son rôle de vendeuse – le seul qu’elle maîtrise.

L’homme observe le lieu à la dérobée. Très vite, ses yeux se posent sur un livre en particulier intitulé Boule de neige et placé en évidence sur un des présentoirs.

– À vrai dire…, commence-t-il en brandissant le livre, je suis simplement venu voir si mon livre est apposé en évidence dans votre rayon. Je constate que c’est le cas, ajoute-t-il avec un sourire satisfait, lançant un regard doux et charmeur à la libraire.

Il repose le livre, hésite, puis le reprend. Il s’approche de la caisse, derrière laquelle se trouve à présent Siloé, laquelle a les yeux écarquillés comme des soucoupes.

– Je… j’ignorais que vous étiez l’auteur de ce roman, balbutie-t-elle, rougissant de plus belle, et prenant ledit livre dans ses mains, le regard fuyant, comme pour s’extirper de sa gêne et garder un semblant de contenance devant cet homme qui l’impressionne. Il s’agit de notre best seller du moment, s’empresse-t-elle d’ajouter. Moi-même, je l’ai lu et l’ai dévoré en à peine quelques jours. Beaucoup de clients m’en parlent, vous savez ? Je suis véritablement flattée et honorée de votre présence dans ma modeste librairie.

L’homme s’esclaffe, visiblement amusé face à l’incongruité de la situation. Siloé se joint volontiers à ses rires francs et solaires.

Un silence investit peu à peu la pièce, comme suspendant le temps. C’est alors que le regard de Siloé se porte de nouveau sur le livre, posé sur le comptoir.

– Vous souhaitez acheter votre propre livre ?, interroge-t-elle, à la fois amusée et surprise.

– En effet. Mais, pas par narcissisme, je vous rassure. Bien que je connaisse des auteurs qui le font (nouveau gloussement avant que son visage ne s’assombrisse soudainement, devenant grave). Il s’agit d’un cadeau pour ma sœur qui est handicapée et isolée.

La lueur de tristesse que Siloé distingue dans ses yeux la peine. Auteur ou pas, il est humain comme tout le monde.

– Souhaitez-vous un paquet cadeau, monsieur…

– Haley, la coupe-t-il, brandissant le livre sous les yeux de la libraire, afin qu’elle mémorise son nom. Irvin Haley. Et oui, s’il vous plaît, ajoute-t-il en reposant le livre.

Leurs paires d’yeux se sourient à nouveau, en un sourire franc et empreint de tendresse.

Au terme d’une poignée de minutes supplémentaires, l’homme prend congé, son livre parfaitement emballé à la main, après avoir apposé son autographe sur l’exemplaire de Siloé – si l’audace et le courage ne lui faisaient pas défaut, elle lui aurait proposé une séance de dédicace, ici même, dans sa modeste librairie. À n’en point douter, cette nouvelle ravirait sa communauté de fans grandissante –, qu’il salue chaleureusement.