Fyctia

Le lendemain.

Lance tourne en rond dans sa cellule, il n'a que faire de ce que pense le commissaire, il est hors de question qu'il reste ici, coincé, sans rien pouvoir faire. Son avocat va arriver d'une minute à l'autre. Il n'est plus possible pour lui de rester assis sur une banquette dure sans couverture alors que dehors, c'est le grabuge. Il ne sait pas encore pourquoi son avocat a décidé de venir le voir, ce n'était pas prévu. Peut-être qu'il a une bonne nouvelle ou qu'il a trouvé une façon inopinée de le faire sortir d'ici sans passer par la case "s'évader". Lance y a pensé, mais quitter cette cellule sans que l'on ne le remarque serait tâche impossible. Autant attendre, sauf qu'il en a justement marre d'attendre. Pendant qu'il attend sagement, sa sœur peut être en train de souffrir les pires tortures. Trop de jours se sont écoulés depuis sa disparition, depuis les premiers sons de cloches. Lance ne sait même plus depuis combien de temps, le temps lui semble être une mesure inaboutie, incertaine.

L'avocat de Lance arrive au commissariat, il salue le commandant et lui adresse un regard compliqué. Cet homme n'est pas toujours facile à déchiffrer. Les mains dans les poches, il suit l'officier de police jusqu'à la cellule de son client. Une fois arrivés, ils entrent dans la pièce close par des murs en verre et affichent des visages peinés. Lance se lève, ne comprenant pas ce qui se passe et surtout pourquoi la présence du commissaire est nécessaire.

— Lance, vous devriez savoir quelque chose. Nous comprenons si vous souhaitez que je vous l'informe seul, sans la présence du Commandant Bernard. Cependant, étant celui qui l'a découvert, il est en son devoir de le faire.

— Je ne comprends pas. De quoi parlez-vous? C'est au sujet de ma sœur? De mon incarcération? Je suis déféré? C'est cela? Dites-moi!

Maître Rützel hoche la tête à la négative tout en la baissant vers le bas.

— Mais que se passe-t-il donc? Dites-moi, bon sang!

— Votre père...

— Il est mort. Termine l'officier.

Lance tente de balbutier quelques mots mais il n'y parvient pas. Il se rassoit avec une lenteur déconcertante. Ses yeux sont grands ouverts. Il n'est ni plus ni moins que choqué par cette révélation. Il bégaye et ne semble pas réussir à articuler quoi que ce soit. Il lui faut alors plus d'une vingtaine de minutes, sous les regards inquiets des deux hommes toujours debout, pour sortir quelques sons de sa bouche.

— C-Com-ment?

— Hier matin, nous l'avons retrouvé une première fois, couché dans la neige, près du domaine d'un bûcheron. Nous ne savons pas encore la raison de sa mort, j'attends le résultat de l'autopsie.

— U-Une... p-première fois??!

— Oui, nous l'avons ensuite retrouvé dans votre salon, allongé sur le sol. C'est votre mère qui l'a trouvé. Nous ne savons pas comment le corps a pu être déplacé, surtout aussi rapidement. Nous enquêtons actuellement, mais il est assez difficile pour nous de tout faire correspondre. Nous ne sommes pas habitués à des meurtres de ce genre.

Lance ne comprenait rien. Qui pourrait lui en vouloir? Qui l'a-tué? Pourquoi? Son père n'est pas un Dieu, ni un paysan de bonne foi, mais il ne pense pas que son père mérite d'être abattu. Il n'a pas non plus été le meilleur père pour lui, mais il ne lui en tient pas rigueur, être un bon parent est un défi qui relève quasiment de l'impossible. Son père reste un honnête homme qui a toujours payé ses factures, qui a toujours travaillé dur pour nourrir sa famille, il ne méritait certainement pas de mourir. Lance est totalement perdu.

— Nous ne voulons pas vous faire de faux espoirs, ou encore d'illusions, mais nous suivons la piste qui nous semble la plus plausible. Nous pensons que son assassin est peut-être aussi le kidnappeur des jeunes filles de Wiltzberg. Nous ne sommes sûrs de rien, mais je pensais qu'il était de bon de vous en faire part. Toutefois, n'allez pas croire que vous êtes lavé de tout soupçon. Bien entendu, il est simplement inévitable que vous n'êtes pas le tueur de votre père puisque vous étiez enfermé ici, dans cette cellule.

— Vous pensiez vraiment que j'aurais pu être sur la liste des suspects du meurtre de mon père?

— Je ne vous l'ai jamais caché Monsieur Wasser, je n'ai aucune confiance en vous. Vous avez un naturel à être suspect et je me fie à mon instinct.

— Votre instinct me semble être déboussolé. Je ne porte peut-être pas mon père dans mon cœur, mais jamais je n'aurais osé lui faire une telle chose.

— De toute façon, nous allons bien finir par tout comprendre. Je ne laisserai pas cette enquête se refermer comme si elle n'avait jamais eu lieu. Je suis bien trop impliqué désormais. Nous allons boucler cette affaire et je le ferai même avant le détective que vous avez embauché.

— Je n'en serais pas aussi sûr si j'étais vous. Il est vraiment bon dans le domaine de l'enquête et je doute fortement qu'il prenne son temps pour la résoudre.

— Sauf erreur de ma part, vous n'avez actuellement aucune nouvelle de lui depuis son départ.

— Justement, je pense que c'est assez alarmant. Ne devriez-vous pas vous lancer à sa recherche?

— Votre détective fait simplement son boulot. Il est un professionnel. Il le répète assez souvent, donc je pense qu'il n'a besoin de l'aide de personne, encore moins de la mienne. Il aime se faire attendre, son retour en sera ainsi plus fulgurant.

Sur ces mots, le commandant sort de la pièce, accompagné par l'avocat. Lance, toujours sous le choc de la nouvelle que l'on vient de lui annoncer, cherche à savoir ce qui a bien pu se passer. Rien ne va, en seulement quelques jours, sa vie entière a basculé. Plus rien ne sera comme avant, il en est certain. Les pages qui se tournent ne pourront plus revenir en arrière, le destin écrit déjà et il a de l'avance sur sa lecture. Heureusement que l'amour qu'il porte pour sa sœur lui permet de tenir bon, sinon, cela ferait bien longtemps qu'il serait devenu complètement fou. De plus, il n'arrive pas à s'enlever de la tête que sa sœur est encore en vie, il le sent. Ce lien avec sa jumelle n'est pas prêt de se briser, s'il lui était arrivé quelque chose, il le saurait probablement. Tant qu'il y aura de l'espoir, il ne se résoudra pas à abandonner son combat. Le commissaire peut remballer ses vieux papiers et ses stylos, Lance ne se laissera pas faire, jamais il ne mettra les pieds dans un tribunal, encore moins dans une prison, il en fait la promesse, parce qu'il est innocent et qu'il finira bien par réussir à le prouver au chef du centre de police.