Fyctia
Chapitre 6 - Partie 1
Goran se leva avant l’aube. Des travaux de maçonnerie étaient prévus au hangar ce jour-là. Amaya se trouvait déjà dans la cuisine. Elle dégustait un café, les yeux perdus dans le vague. Goran lui trouva l'air fatigué. Elle n’avait pas beaucoup dormi. Il l’embrassa et s’installa à la table. Elle lui adressa un mince sourire.
— J'ai terminé de tout préparer pour le repas, Goran.
— Très bien, et pour ce soir ?
— J’ai tout prévu. À midi, ce sera un déjeuner rapide, et, pour la veillée, nous allumerons le barbecue. Le boucher a tout confectionné, il ne me reste qu’à récupérer la viande.
— Tu es une femme pleine de ressources Amaya, que deviendrais-je sans toi ?
— Tu te débrouillerais très bien, je te l'assure.
— Je prends un café, puis je me rendrai au hangar pour les ultimes arrangements. Pourras-tu nous apporter de quoi casser la croûte vers 9h30 ?
— J’ai demandé à la petite voisine de s’en charger. Je dois encore m'occuper des commissions.
— D’accord, tu as bien tout expliqué à Sonia ? Je crains qu'elle nous prépare un immonde jus.
— Mais oui, ne t’inquiète pas.
— Tout va bien ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette.
— Ce n’est rien, des soucis au magasin.
— Quels genres de soucis ? Je peux peut-être t’aider ?
— J’attends des nouvelles d’un livreur, il devait appeler depuis hier et je n'arrive pas à le joindre.
— Alors, ne t’inquiète pas, il te contactera sûrement dans la matinée.
Goran sortit de la pièce et laissa son épouse à ses problèmes. Il savait qu'elle fabulait, mais il préférait se taire. Amaya, quant à elle, le regarda quitter la cuisine, honteuse de mentir à un homme aussi compréhensif. Elle s’affaira autour du plan de travail. Elle devait s’occuper. Elle allait devenir folle sans nouvelle d’Édouard. Elle avait décidé de se rendre à Toulouse. Cela lui prendrait deux petites heures, elle aurait ainsi le temps de passer récupérer la commande chez le boucher. Elle attrapa son portable et sortit. Elle composa une fois de plus le numéro de son amant, sans succès.
Les amis de Goran arrivèrent alors qu’il s’affairait auprès de la future plateforme. Tout semblait en ordre, les outils étaient rangés et seule la terre fraîchement remuée subsistait. Goran expliqua que des sangliers étaient venus retourner la parcelle la nuit dernière. Il coula un regard vers la forêt toute proche. Que se passerait-il si l’un d’entre eux décidait d’aller se soulager au grand air ? Il tomberait à coup sûr sur le cadavre du fonctionnaire. Au moins serait-il découvert alors que Goran était occupé à son chantier. Il n’avait pas de temps pour réfléchir, la toupie pleine de béton serait livrée une heure plus tard et il restait pas mal de choses à superviser. On s’attela à la tâche, s’octroyant une simple pause dans la matinée. Comme prévu, la plateforme fut terminée avant midi. Ils se dirigèrent vers la maison et le berger fut surpris de voir Sonia seule.
— Où se trouve Amaya ?
— Elle a pris du retard, elle m’a demandé de réunir les denrées pour le repas.
— Sais-tu quand elle rentrera ?
— Vers dix-sept heures. Elle a eu un problème avec sa voiture.
Goran tenta de la joindre sur son portable, mais celui-ci sonnait sans que personne ne décroche. Bizarre. Amaya n’était pas du genre à disparaître sans laisser un message à son mari. Il haussa les épaules et s’installa à table, ils ne pouvaient pas attendre plus longtemps, les ouvriers avaient faim !
Amaya faisait les cent pas sous les fenêtres de la famille Chevallier-Bloch. Elle n’osait pas sonner à la porte en chêne massif. Elle devait trouver d’abord une excuse, inventer un prétexte quelconque. Elle ne devait pas éveiller les soupçons de l’épouse. Édouard lui en avait tellement parlé, la décrivant comme une femme vénale, capricieuse et capable de coup de colère terrible. Elle sentait bien qu’Édouard avait peur d’elle. Et si elle s’était montrée violente envers lui ? Si elle avait découvert leur liaison ? Elle souffrait d’une jalousie tenace et vérifiait chaque geste de son mari. Amaya se décida. Elle allait se rendre en premier à la préfecture où elle inventerait un prétexte pour le voir. Elle quitta la place Saintes-Scarbes et s'orienta en suivant les panneaux signalétiques.
Devant le bâtiment imposant, Amaya n’hésita pas. Elle entra d’un pas décidé dans le hall et se dirigea vers l'agent d'accueil. Elle le héla.
— J’ai un entretien avec monsieur Chevallier-Bloch, pouvez-vous m’indiquer où se trouve son bureau ?
— Et vous êtes ?
— Madame Tartuffe, de la protection des grands fauves.
— Ah ! c’est pour cette histoire de loup ? On entend parler que de ça depuis quelque temps. Qu’est-ce que ça leur change à ces bouseux que des bêtes traînent dans les bois ? Ils ont bien le droit de vivre ces pauvres bêtes.
— Je parie que vous habitez en ville, là où le problème ne se trouve pas.
— Tout à fait, mais avec ma femme et mes gosses, on se promène souvent dans les parcs.
— Les chances de tomber nez à nez avec un loup dans un de ces endroits doivent frôler le zéro.
— Et alors ?
Amaya renonça à lui expliquer les particularités de la vie à la campagne et s’impatienta.
— Et mon rendez-vous ?
— Je me renseigne.
Le fonctionnaire s'empara du combiné et s’engagea dans une nouvelle conversation sur la protection des animaux et sur ces horribles campagnards. Amaya avait envie de lui arracher le téléphone des mains. Elle prit une profonde inspiration et se mit à faire les cent pas devant le bureau, ce qui agaça l’employé qui demanda enfin à parler à Edouard. Elle l’entendit répondre par onomatopées. “Hum hum, OK, je comprends.” Elle n’y tenait plus, elle allait finir par le secouer pour qu’il crache le morceau. Il raccrocha et se tourna vers elle.
— Ma collègue n’a trouvé aucune trace de votre réunion.
— Qu’elle cherche encore ! Vous pensez vraiment que j’ai le temps de patienter pendant que vous mettez à jour vos fichiers ?
— De toute façon, monsieur Chevallier-Bloch s'est absenté.
— Comment cela ? Avant un rendez-vous?
L'homme haussa les épaules. Amaya poursuivit.
— Je vais finir par me fâcher. Appelez au moins son assistante afin qu’elle me reçoive !
— Pas la peine de s’énerver. Elle ne pourra rien pour vous. On ignore où il se trouve à l’heure actuelle.
— Comment ? Quelque chose a pu lui arriver !
— C’est exactement les propos de sa femme..
— Des recherches ont-elles commencé ?
— Non. Son épouse est habituée à ses disparitions.
— Pourquoi ?
— Il aurait une liaison avec une étudiante. Peut-être s'est-il tiré avec elle. Maintenant, laissez-moi faire mon travail.
Amaya se retrouva devant la préfecture, désorientée. Elle avisa un banc libre et s’y affala. Édouard se serait affiché avec une jeune femme ? Elle ne pouvait le croire. Et pourtant, il avait bien une aventure avec elle-même. La jalousie lui piqua le cœur. D’un seul coup, elle se sentit vieille et abandonnée.
1 commentaire
DOM75
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Il y a 5 jours