Fyctia
Chapitre 15
La voix de Greta résonne dans ma tête, j'ai stoppé ma course juste devant la porte d'entrée. Le stress s'empare de moi aussitôt, une boule vient de se loger au creux de ma poitrine et je sens mon pouls s'affoler.
— Aloyse n'est pas avec toi ma biche ? questionne-t-elle d'une voix douce.
J'ai toujours adoré la mère d'Aloyse, elle a su être présente et à l'écoute de sa fille. Même pour des futilités. Je bégaye, sans réussir à articuler un seul mot correct, elle reprend tout aussi calmement :
— Tu es bien arrivée en Ecosse comme c'était prévu ? Aloyse n'a pas arrêté de me parler de ton retour.
— Si si je...
Alors pourquoi est-ce qu'elle m'ignore dans ce cas ? Pourquoi ne me rappelle-t-elle pas ?
— Elle ne t'a rien dis ? Elle ne me donne plus de nouvelles depuis un moment, elle était sur le point de rompre avec Harry quand elle m'a appelé pour la dernière fois. Tu es au courant de quelque chose ?
Au même moment, j'entends les roulettes de ma valise racler le sol, je fais volte-face, le téléphone toujours à l'oreille. J'aperçois Harry descendre, son regard noir emplit de tristesse me sonde sans relâche.
— Elle m'a avoué être inquiète, tu sais, Erny, Harry était assez énervé. J'ai peur qu'il soit arrivé quelque chose à ma fille.
Je déglutis, est-ce que Harry est devenu violent quand Aloyse a décidé d'en finir avec leur relation ? Est-ce qu'il n'a pas supporté son rejet ? Ce matin encore, j'aurai mis ma main à couper qu'il n'aurait jamais osé lui faire du mal. Désormais, alors qu'il se poste devant moi, je doute très sérieusement.
Le simple haussement de sourcil de Harry me fait comprendre que je devrais raccrocher, je claque un au revoir timide à Greta sans donner plus d'explications. Il me fout la trouille. Qu'est-ce qui s'est passé entre eux ? Et si Harry ne me disait pas toute la vérité ? S'il était arrivé quelque chose à Aloyse ?
La tristesse défigure son visage, le mien est couvert de larmes. Il rend la séparation encore plus douloureuse qu'il y a trois ans. Dans le fond, j'ai envie qu'il me retienne, pendant un bref instant, je l'imagine me tirer à lui pour m'embrasser avec fougue. Comme dans les films romantiques. Sauf qu'entre nous, il y a Aloyse et j'ai besoin de savoir où elle se cache.
— Erny, quand tu es partie la première fois, ça a détruit ma vie, mon couple et mon avenir. Tu es mon équilibre.
— Harry... tu es si...
— Désespéré ? J'aurai dû te retenir ce jour-là, je suis mort pendant trois ans.
Et moi j'étais vivante. Je désire tant retrouver ce souffle de vie, respirer une nouvelle fois alors que je me suis noyée trop souvent à Londres. Et en même temps, je suis rongée par le désir de retrouver Aloyse. Elle était mon unique repère avant. Je suis déchirée entre l'envie de partir précipitamment et rester ici. Mon instinct me dicte de partir enquêter, de m'immiscer dans la vie de Harry pour découvrir la vérité.
Mais suis-je vraiment capable de lui mentir ? De jouer un rôle que je ne suis pas sûre d'assumer. Mon téléphone vibre dans ma main, me rappelant douloureusement que je ne peux plus fuir la situation. Harry abandonne mes affaires et glisse ses doigts dans mes cheveux, il m'attrape le crâne. Et alors qu'un frisson parcourt tout mon corps, il embrasse ma joue avec force.
— Reste avec moi, murmure-t-il.
Une dernière pensée pour Aloyse, je sais que je ne tiendrais pas les limites que je me suis imposées, c'est pour elle que je vais rester. Je vais devoir m'infiltrer dans la vie de Harry et je connais d'avance les conséquences. L'un de nous va perdre. Enfin, je me laisse aller et me comprime contre lui. Sa main a l'arrière de mon crâne, je m'agrippe à lui de toute mes forces.
Mes émotions se mélangent, je suis trempée de sueur, la peur laisse place à la tendresse. Harry est doux, il me berce et couvre mon front de baisers.
— Harry, il faudrait que je me douche, le coupé-je.
— Tu voudrais prendre un bain ? Avec moi ? me taquine-t-il.
Je rougis et détourne la tête. L'idée germe dans mon esprit et je m'autorise à imaginer les sensations que cela me procureraient. Il n'y a pas que l'eau chaude sur ma peau que je suis empressée de sentir. Je m'attarde sur les lèvres charnues de Harry. L'envie de l'embrasser me démange, mais je vais devoir repousser cette pulsion.
Maintenant que je me suis obligée à rester ici, je réfléchis déjà à la manière dont je vais me transformer en Sherlock Holmes pour retrouver mon amie. Au nez et à la barbe de Harry, j'ai bien compris que plus je m'attardais sur le sujet d'Aloyse, plus il devenait malveillant.
— On aurait pas assez de place..., contourné-je de sujet.
— On pourrait se serrer, il caresse ma joue avec délicatesse, comment je pourrais me rattraper pour tout à l'heure ?
J'hésite et place mes bras autour de ma poitrine. Harry me sourit et annonce :
— Je vais te préparer un bain chaud et tu reviendras vers moi quand tu te sentiras prête ? Même si c'est en pleine nuit.
Je hoche la tête et il m'abandonne au milieu de l'entrée. Mes yeux parcourent la pièce à la recherche d'un indice, je ne suis pas un agent secret. J'entame mes recherches dans une commode contre le mur, je tire le lourd tiroir en bois vers moi et fouille dans les papiers. Je ne trouve que des vieilles factures, des photos et feuilles volantes. Je tente de repousser le tiroir d'un geste franc, mais ma maladresse me trahit et une lampe de chevet posé sur le dessous tombe au sol et se brise.
Je grimace en entendant le vacarme que je viens de créer, j'abandonne la scène de crime rapidement. Harry revient aussitôt vers moi, les manches relevées jusqu'au coude et les mains trempées.
— Dis-moi que tes grands-parents ne tenaient pas à l'affreuse lampe verte dans l'entrée ?
— Pourquoi ? Tu l'as fait tomber ? Comment tu t'es débrouillée ?
Ma filature en tant que Ernestine Holmes capote déjà. Je suis une très mauvaise menteuse en plus.
— Je voulais la voir de plus près, tu sais j'adore les antiquités.
— Tu détestais les brocantes avec tes parents Erny, fait remarquer Harry.
— Oui mais à Miami... c'était différent, alors c'est grave ?
— Tu sais qu'il va falloir que l'on fasse les brocantes dimanche alors ? Pour trouver la même ?
J'écarquille de grands yeux, en passant ma main dans mes cheveux en bataille. Harry éclate de rire et je l'observe encore plus dubitative.
— Je blague Erny, c'est pas grave... Mais qu'est-ce que tu faisais là ?
— Je... Je cherchais une feuille pour écrire quelque chose dessus, pour ne pas oublier !
Harry se contente de cette réponse approximative puisqu'il ne dit rien de plus.
— Au fait, qui t'a appelé tout à l'heure ? demande-t-il aussitôt.
— Le chauffeur de taxi, je mens empressement.
— Erny, c'est moi qui devait te raccompagner à l'aéroport. C'était qui ?
Je rougis, mon mensonge ne passe pas cette fois-ci.
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EmilyChain
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Il y a 6 ans
Kalehu
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Il y a 6 ans
Rose Lb
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Il y a 6 ans
Landry
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Il y a 6 ans