Hedgye Le Baron noir Chapitre 14

Chapitre 14

Une heure que je suis vautrée dans mon siège. La pluie a cessé, de fines gouttelettes tombent en désharmonie sur le parebrise. Le regard perdu sur l'horizon, mes souvenirs me hantent. L'image d'un Harry doux et attentionné revient en boucle, alors que la douleur de mon bras se dissipe à peine. La colère a laissé place à une profonde déception, je réalise désormais à quel point mes amis ont changé.


Aloyse a refait sa vie de son côté, et Harry n'est plus le même. Un fait a tout détruit, sauf que je ne sais pas de quoi il s'agit et comment y remédier. La porte passager s'ouvre, je relève la tête, croisant le regard contrarié de Harry. Je fronce à mon tour les sourcils, s'il pense que j'ai dis mon dernier mot.


— Tu n'as pas froid ? demande-t-il d'un ton que je trouve trop tendre par rapport au nouveau personnage qu'il incarne.


Je me contente de secouer ma tête, je n'ai pas remarqué que le bout de mes doigts devenait bleu, ni même que le duvet de ma nuque s'était soulevé. Harry s'appuie davantage sur la porte ouverte, le vent s'infiltre dans l'habitacle me faisant frissonner de la tête aux pieds. Il bascule d'un pied à l'autre, semble hésitante, il ronge son ongle en observant l'horizon.


— Tu voudrais aller quelque part ? annonce-t-il enfin.


Loin de toi, songé-je. Je garde le silence, croise mes bras contre ma poitrine, une injure me chatouille le bout de la langue, mais je me contenterai de l'ignorer. Harry ne retient pas son soupire d'exaspération.

— J'imagine que tu m'en veux.


Absolument, mais lui avouer serait trop facile. Contrairement à Aloyse, des excuses et un bouquet de fleurs n'ont jamais été preuve de pardon à mes yeux. Le seul moyen de récupérer un minimum d'estime, c'est par les gestes. Et je compte bien en faire baver Harry. Je sors de la voiture, mais il ne me laisse pas passer. Je le foudroie du regard, qu'il ne tente pas de jouer à ce jeu là avec moi.


Harry désire caresser mon bras, mais je m'écarte d'un mouvement vif, et me cogne contre la voiture. La douleur dans mon dos se réveille aussitôt. D'un geste de l'épaule, je me fraie un chemin de force et l'abandonne sans lui avoir adressé la parole. Je l'entends m'appeler et me précipite davantage.


Le souffle court et les mollets douloureux, je regrette d'avoir presser le pas à ce point. Je pénètre dans le manoir, il n'y a plus un seul policier, il semblerait qu'ils soient venus pour une perquisition, beaucoup de meubles et objets ont été déplacés. Qu'est-ce qui s'est passé ?


Je ne m'attarde pas et grimpe les escaliers deux à deux avant de m'enfermer à double tour. Sans prendre soin de séparer mes vêtements propres des sales, je jette tout dans ma valise. Assise dessus pour essayer de la fermer, j'entends déjà les pas de Harry me rejoindre. Je l'entends toquer à la porte et déclarer d'une voix rauque.


— Erny il faut qu'on parle...


J'ignore sa demande, il peut toujours courir pour avoir une discussion avec moi. Je réalise à quel point mes amis d'enfance ont changé, il s'est passé quelque chose qui a brisé notre relation. C'est un véritable dialogue de sourds entre Harry et moi. Mon téléphone vibre dans ma poche, c'est un numéro anglais qui tente de me joindre ? Serait-ce Aloyse ? Je meurs d'envie de répondre, mais Harry est tout près, il pourrait m'entendre et je ne veux pas qu'il se fâche davantage.


— Harry j'ai besoin d'être seule, finis-je par dire.


— On peut pas rester sur un malentendu.


— C'est toi qui a tous gâché, claqué-je en me plaçant derrière la porte.


— J'étais nerveux.


— Ca n'est pas une excuse. On ne frappe pas ses amis parce qu'on est stressé.


— Erny, je t'ai pas mis de coup de poing non plus, je t'ai juste bousculé.


— Violemment, craché-je.


— Excuse-moi dans ce cas…


Je n'ai que faire de ses excuses, sans plus de cérémonie, j'ignore les vibrations de mon mobile, saisis la poignée de ma valise et ouvre ma porte, non sans ressentir une pointe de crainte. Harry se tient contre le pan de mur face à moi, les bras croisés contre la poitrine, les yeux plissés. Un aura noir se dégage de lui, il me parait tout aussi effrayant que séduisant. Mon ventre se tord et mon cœur palpite.


Gênée, je détourne la tête, je le surprends à me détailler de la tête au pied, il écarquille les yeux quand il découvre la valise à côté de moi. Il se relève, dégage ses bras et s'avance vers moi. Je prends peur, j'ai l'impression de ne plus être en face de Harry. Ses yeux noirs me sondent, je crois apercevoir un léger sourire narquois se dessiner au coin de ses lèvres. Les mains dans les poches, sa silhouette me surplombe. Je manque d'air, je suis terrifiée, tétanisée sur place. J'ai peur qu'il me propulse sur le lit, que dans un excès de colère, il me frappe si fort.


Le souffle court, les larmes aux yeux, les muscles tremblotants, je voudrais prendre la fuite. Qui est donc cet homme en face de moi ? Alors quand il penche son visage près du mien, je n'ai qu'un seul reflexe. Je le gifle de toute mes forces.


Des fourmis parcourent aussitôt ma paume et la joue de Harry gonfle et rosie. Mon ami a fait un pas en arrière, l'image terrifiante que j'ai de lui s'envole quand il caresse sa joue tout en gémissant de douleur.


— Aie ! Je crois qu'on est quitte, blague-t-il tout de même en frottant son visage.


— Ramène-moi à l'aéroport, contré-je.


— Ernestine je ne pense pas que ça soit une bonne idée, tu ne vas pas déjà repartir.


— J'ai rien qui me retiens ici.


— Si moi, pourquoi tu t'entetes à ne pas nous laisser une chance ?


J'ignore ses propos, la vibration de mon téléphone dans ma poche arrière me rappelle à quel point je n'ai le droit de sous-entendre quoique ce soit à Harry. Aloyse nous teste t-elle ? A-t-elle eu un jour des soupcons sur la relation que nous entretenions avec Harry. Ca a toujours été amical.


— Ramène moi, insisté-je.


— Hors de question, je t'interdis de fuir la situation.


— Harry, par pitié, arrête de me retenir.


Ce dernier soupire, il me mord la lèvre inférieure. J'ai presque envie de changer d'avis quand j'aperçois sa mine déconfite.


— Très bien, attends-moi en bas, je vais porter ta valise.


Je n'ajoute rien et m'extirpe de ma chambre, j'ai le cœur lourd et l'impression que je suis en train de faire une connerie monumentale. Je lui en veux tellement d'être devenu un homme plus sombre et en même temps je ne regrette pas de ressentir une véritable attirance pour lui. Il faut absolument que je demande conseille à Raven.


Arrivée au rez-de-chaussée, je m'apprête à téléphoner à mon amie quand des souvenirs hantent mon crâne. Je ne peux pas dire adieu comme ça à Harry, pas une seconde fois. Notre dernière étreinte a été si douloureuse. Bien que je lui en veuille, je ne veux pas partir. Je peux entendre la voix de Raven me demander de faire demi-tour.


Mon téléphone sonne encore et cette fois-ci je décroche plus que déterminée, sauf que ce que l'inconnu me dit brise toutes mes certitudes :


— Bonjour Enerstine, c'est Greta la maman d'Aloyse.

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6 commentaires

EmilyChain

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Il y a 6 ans

Je commence à me demander s'il n'y a pas un frère jumeau d'Harry en mode Dark... Comment trouver des excuses à son personnage favori 😂🙆‍♀️🤦🏼‍♀️

Kalehu

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Il y a 6 ans

Tu maîtrises vraiment les cliffhangers :o

Hedgye

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Il y a 6 ans

Bonjour n0n007 ;) , Tout d'abord je te remercie pour ton retour aussi complet ! Sache d'abord qu'en effet il y a quelques incohérences car c'est un premier jet, je tenterai de mieux faire corréler les événements entre eux à la réécriture. Pour ce qui est du thème infiltrée, je vais tenter d'en ajouter un peu plus d'ici quelques chapitres, mais je pense que je ne collerai pas à 100% au thème malheureusement ! Pour ce qui est de la relation passée, j'ai essayé justement de montrer une relation amitié, en tout cas du point de vue de Erny, elle la toujours vu comme un ami dans le passé ;) Peut-être qu'ils ont trop entreprenants ! En tout cas je te remercie de ce superbe retour et j'ai hâte de te faire lire la suite ;)

n0n007

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Il y a 6 ans

Chère Hedgye, J'ai dévoré ces premiers chapitres de ton récit. Tu as su installé une ambiance inquiétante et très mystérieuse, mais avec les premiers frissons du désir amoureux. Je trouve l'équilibre entre les deux parfait ! Je regrette cependant que tu n'es pas plus développé le côté infiltrée du thème de ce concours. Erni est invitée dans la demeure d'Harry, et non infiltrée. Elle a ses secrets, lui les siens, et plane au dessus d'eux le mystère d'Alyose. Mais tout ceci je le rattache davantage au genre thriller qu'à de l'infiltration. Au cours de ma lecture, j'ai également remarqué quelques incohérences. Tu nous dit qu'Erni était en admiration devant le couple formé par ses amis. Que sa relation avec Harry a toujours été platonique, cantonné à l'amitié. Mais dans les flashbacks, je n'ai pas ressenti la même chose. On sent une certaine ambiguïté entre les deux. Peut être veux-tu transmettre que les sentiments naissants entre Erni et Harry ont toujours été là, refoulés. Mais je trouve cela contradictoire avec le respect qu'Erni voue à sa meilleure amie pour son premier amour, dans le "présent". J'ai beaucoup apprécié les flashbacks, les mystères que tu laisses planer. Je trouve que tu sais exactement quand dévoiler certaines informations, et taire ce qu'il faut quand il faut. J'ai très envie de lire la suite, je te souhaite donc une bonne continuation ! :)

Hedgye

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Il y a 6 ans

Je te l'avais dis !

Landry

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Il y a 6 ans

Omg cette fin ! Que va dire Greta à Erny ? Encore un super chapitre, on sent que ton héroïne est tiraillée par les émotions ! Tu as un don pour les cliffhanger aussi... grrr. :( encore super !
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