Hedgye Le Baron noir Chapitre 9

Chapitre 9

J'ai raccroché sans dire un mot de plus à Raven quand Harry a repris place à mes côtés. Je l'observe se rasseoir en soupirant. D'un œil que j'espère discret, je le détaille avec minutie. Il s'est rasé de près, l'image du garçon que j'ai quitté il y a trois ans, se superpose à celle d'aujourd'hui. Son visage est moins joufflu qu'auparavant, de cet angle j'aurai presque du mal à reconnaître mon ami.


Le ScotRail ralentit sa course, je jette un regard à l'extérieur, le paysage écossais est à couper le souffle. Mes yeux examinent le sommet des montagnes enneigées au loin, perdu dans les épais nuages voluptueux. Les arbres fleuris s'imposent sur les valons, j'aperçois des chemins de terre onduleux, qui mènent vers le haut. Ce qui m’interpelle davantage c'est le lac, le Loch lomond. La vallée de sapins qui s'incline plus haut semble ridicule face à l'immensité de l'eau. Elle scintille lorsque le soleil s'y reflète. Je ne sais plus où regarder, mon regard se perd dans cette nature vive.


— C'est beau n'est-ce pas ? me demande Harry en se penchant pour observer à son tour.


Sa main qui le maintient en équilibre s'est posée sur mon genou, et je frisonne de toute part tant son toucher me fait de l'effet. Mon corps réagit contre ma volonté. Je n'ose plus tourner la tête, son souffle chaud s'écrase contre ma joue et des petits cheveux blonds se plaquent sur mon visage. La tentation n'a pas le temps de pointer le bout de son nez que les voyageurs s'empressent de quitter les places.


— Viens Erny, il faut descendre ici.


Harry se relève le premier, il laisse passer un vieil homme avec sa canne et me tend la main. Je m'en saisis, contrôlant la moindre de mes émotions à son égard.


— Tiens-moi fort, il y a du monde aujourd'hui, je ne voudrais pas te perdre.


Et moi donc, pensé-je, j'ai l'air d'une véritable touriste avec mes chaussures hautes de grandes marques à la teinte jaune, mon jean bleu clair et mon parka vert kaki. L'appareil que j'ai autour du coup renforce l'image de la fille en quête d'aventure écossaise. Mais n'est-ce pas ce que je suis ? Alors que nous sommes désormais debout dans l'allée, je glisse ma main libre dans ma poche, souhaitant m'excuser auprès de Raven. Celle-ci m'a déjà envoyé un message :


Raven : Pourquoi t'as raccroché si vite ? Il était là ? Mon dieu dis-moi que t'es déjà en train de conclure.


Gênée, je tiens l'appareil tout contre moi, de crainte que Harry voit notre échange. Qu'est-ce qu'il penserait si ma meilleure amie américaine et moi-même se moquions de lui ? Difficile de répondre d'une seule main, par mégarde l'application de l'appareil photo s'enclenche. Dans l'objectif, mes doigts entrelacés avec ceux de Harry. Cette image me donne chaud, mon cœur se précipite et irrépressible envie de la garder en souvenir me prend. J'appuie sur l'écran et prise d'un élan d'hystérie, envoie la photo à Raven. Sa réponse est immédiate :


Raven : OH MON DIEU ! Il a des doigts ma bichette, je rêverai qu'ils glissent sur ma peau ! Mais c'est sa tête que je veux maintenant !


Je grimace, ce sera plus compliqué. Raven a toujours eu un don pour me gager à Miami. Et j'ai quand même fait pas mal de connerie, un rire nerveux m'échappe quand je repense à cette maison recouverte d’œufs un soir d'Halloween.


— Quelque chose te fait rire ? questionne Harry en se tournant vers moi.


— Rien, je pensais à un truc sans importance.


— J'espère que cette sortie va te plaire.


Je hoche la tête, Raven a ranimé une partie de moi qui s'était éteinte en revenant ici. Et je n'ai plus qu'une hâte, c'est de m'amuser, exactement comme avant. Le train s'arrête, Harry resserre son étreinte. Comme il me l'avait prédit, tout le monde s'agglutine vers la sortie. Je suis poussée par un groupe de jeunes qui tentent de se frayer un chemin. Deux d’entre eux réussissent à se glisser entre nous. Arrivés devant la porte automatique, mes doigts lâchent et je me retrouve poussée en arrière. Il me faut quelques minutes de plus pour enfin sortir de là.


Evidemment, je me retrouve seule. Cette idée m'angoisse un peu, j'observe les groupes de touristes se regrouper en masse, certains partent vers les vallées, prêts à marcher des kilomètres quand d'autres s'éloignent vers le lac où des barques les attendent. Je reste clouée au sol, les bras contre moi, le regard hagard à la recherche de mon ami. Quand la foule s'est dissipée, je crois entrevoir rapidement Harry. Mais il n'est pas seul, un groupe de personne s'est regroupé à ses côtés et ils discutent gaiement.


Je m'approche à pas de loup, toujours les bras contre moi pour me protéger. L'un des garçons aux longs cheveux blonds attaché en un chignon, en face de Harry s'écrit :


— T'es là mon vieux père ! On te voyait plus dans les parages on s'est inquiétés !


— J'avais à faire, dernières futilités à Londres.


— Ton emménagement dans ton manoir se passe bien ? T'es un vrai baron maintenant ! le taquine-t-il.


Je croyais que nous étions simplement ici en vacances. Harry ne m'a jamais parlé de venir vivre en Ecosse, lui qui adorait la ville londonienne.


— Tu connais la jolie blonde derrière nous ? renchérit un autre gars en me pointant du doigt.


Grillée, je rougis aussitôt. Harry se tourne vers moi et tend à nouveau sa main. Les dernières nouvelles ne me donnent pas envie de le rejoindre. Je prends sur moi et arrive à hauteur de la petite bande.


— Je vous présente Ernestine, elle revient d'un voyage à Miami.


— Oh j'adore la Floride ! s’extasie le blond, Vous êtes ensemble depuis longtemps ?


Mon ami glisse sa main au creux de mes reins et moi je prends une terrible couleur cramoisie. Ils ne pensent tout de même pas que nous sommes en couple. S'ils connaissent Harry, ils ont dû rencontrer Aloyse, je sais qu'ils étaient venu l'été dernier ensemble.


— Oh non non, je ne voudrais pas passer après Aloyse, raillé-je en fronçant les sourcils.


— Qui ça ? questionne-t-il.


Sa surprise ne trompe personne, d'autres aussi ne semblent pas la connaitre. Je reste muette, attendant une réaction de la part de Harry.


— Un plan cul peu fameux ! se moque Harry tout en grimaçant.


Les autres le suivent, alors que moi je suis abasourdie par sa réponse.


Comment est-ce qu'il peut dire autant de mal sur Aloyse. Il n'a jamais été question d'une histoire sans lendemain, c'était un amour véritable entre eux. Ils auraient donné leur vie l’un pour l’autre. Ils m’inspiraient tellement. Entendre ça de la bouche de Harry me détruit de l’intérieur. Et lui annonce ça sans remords. Comment ne peut-il ressentir aucune mélancolie ? Jamais le garçon que j'ai connu n'aurait osé dire du mal de sa petite-amie. Ou même de son ex !


Dégoûtée, je quitte le groupe, marchant droit devant moi. Les poings serrés, la tête en avant. Je vais bien finir par retourner en Amérique si je suis ce chemin.

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11 commentaires

Kalehu

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Il y a 6 ans

Plus ça avance et plus je pense qu'il est coupable de quelque chose. Si leur amour était aussi sincère que le pense Ernestine il ne peut pas réagir comme ça. Le fait qu'elle ne lui répond pas est encore plus bizarre. Sa meilleure amie lui aurait dit si elle avait rompue sauf si elle a disparue :/

Hedgye

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Il y a 6 ans

C'est toute l'idée du roman hihi

Elodie Solare

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Il y a 6 ans

Toujours ce mystère autour de la copine disparue...

Hedgye

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Il y a 6 ans

Merci ma poulette ! J'adore tes retours et t'en remercie pour prendre le temps de me lire

Hedgye

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Il y a 6 ans

Et oui je veux qu'on découvre l'histoire derrière les yeux de Erny !

Landry

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Il y a 6 ans

Hic ! Ce gros conn-... pardon. ♥ Encore un super chapitre, le rythme est super, un déroulement toujours maîtrisé où tu fais palpiter notre coeur entre attirance et répulsion, comme si on suivait de près ton personnage, voire même en regardant au travers de ses yeux.

Hedgye

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Il y a 6 ans

C'est vrai qu'elle pourrait essayer de les joindre je n'y avais pas pensé !

SamanthaMorgan1711

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Il y a 6 ans

J'aimerai bien savoir où elle est Aloyse et je trouve bizarre qu'Erny n'exige pas clairement des explications car on parle quand même de sa meilleure amie. Elle pourrait essayer d'appeler ses parents ou d'autres amis qui la connaissent.
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