Fyctia
Chapitre 7
Trois ans auparavant.
J'enfourche ma bicyclette et glisse le paquet cadeau dans le panier à l'avant. D'un coup de pédale, je monte sur le trottoir pour éviter un scooter roulant à contre-sens. Je me retiens d'injurier le chauffard. J'accélère, me plaçant en danseuse contre le cadre. Je fixe la route devant moi, mon regard se perd dans le paysage. Les quartiers de Londres, en cette fin de journée estivale, sont baignés par les derniers rayons de soleil. Les typiques maisons en hauteur accolées les unes contre l'autre, parées de briques rouges et de fenêtres blanches ne seront bientôt plus qu'un souvenir.
Je contourne un lampadaire vert qui me fait obstacle, au même instant un chat errant sort d'un jardin, se faufile entre les barreaux d'une grille et manque de me faire chuter. Le paquet cadeau est pulvérisé au sol. Je m'arrête, le saisis contre moi sans même vérifier son état. C'est un maigre cadeau d'adieu que j'amène là. Loin d'être à la hauteur de l'amitié que je ressens. Mais les voix strictes et autoritaires de mes parents résonnent encore dans mon crâne. Je ne supporte plus leurs règles. J'ai besoin de liberté, de m'amuser, de franchir des limites qu'ils m'ont imposées depuis mon plus jeune âge. Je dois partir.
Le trac me prend quand j’arrive enfin devant chez Aloyse. Elle regrette amèrement ma décision, mais la comprend aussi. C'est elle qui m'ouvre la porte, avec ses longs cheveux châtains qui ondulent sur ses épaules, ses yeux chocolat qui pétillent quand elle me reconnait. Je regrette que ma mère me coupe toujours les cheveux si courts et qu'elle ne m'autorise pas à me maquiller. Aloyse est si belle.
— Tu es là Erny ! Harry va arriver mais viens entre !
Aloyse m'accueille chaleureusement, comme elle l'a toujours fait Notre petite querelle sur mon départ ne semble plus l'affecter. Pourtant je ne sais quoi faire du paquet dans mes mains, j'ai l'impression d'avoir des trous dans les mains et le fait jongler. Le stress a raison de moi, la situation peut sembler comique, mais il n'en est rien pour moi. Lorsque je réussis enfin à lui donner, les jours rouges de honte, je ne cesse de trifouiller mon collier.
— C'est pour moi Erny ? Oh tu es si adorable, il ne fallait pas ! Tu aurais dû garder l’argent pour ta nouvelle vie
— J'ai assez économisé, je pouvais bien me priver d'un soda dans l'avion pour t'offrir ça, me justifié-je les mains toujours cramponnées à mon bijou.
Aloyse ne se fait pas prier, et ouvre avec hâte son cadeau. Elle en sort la chemise blanche que j'avais repéré depuis des semaines dans une boutique de luxe au coin de la rue.
— Mon dieu Erny ! Elle est magnifique, tu as dû payer ça une fortune !
En effet le prix de ce haut aurait fait hurler de rage mes parents. Mais qu'importe c'est important.
— Tu sais quoi, je viens de finir mon fameux brokies, je veux absolument que tu en manges un morceau ! Tu as la peau sur les os bichette !
Je marque une pause, je vais sûrement m'empiffrer de tas de choses aux Etats-Unis. Pourtant je ne peux pas refuser la proposition de mon amie. Sa joie de vivre va me manquer. Elle est mon soleil, la gaieté dans ma vie morose, enfermée dans cette ville souvent trop grise à mes yeux.
Alors que j'avale avec gourmandise mon deuxième morceau de gâteau et que je fais passer le tout avec un chocolat chaud brûlant. Aloyse revient en ayant enfilé son cadeau. Ça lui va à ravir. Elle est si harmonieuse.
— Franchement, c'est un superbe cadeau, je vais la porter tous les jours et même quand elle sentira le chacal, j'abuserai de déodorants !
— Pas sûr que Harry apprécie !
— Il s'est habitué à beaucoup de choses dans notre couple ! Tu verras quand tu seras avec un mec, ça va te changer la vie, mais en bien ! s'extasie Aloyse en prenant place à mes côtés.
— Il n'est pas censé venir ? demandé-je en détournant la conversation.
— C'est de moi que tu parles, Erny l'ermite ? s'exclame une voix au-dessus de ma tête.
Je sens une large main frictionner ma chevelure dorée, je me la dégage, non sans lâcher un rire gêné. Je déteste ce surnom. L'ermite. Ça me ressemble tellement. Harry claque un baiser bruyant sur la joue de sa petite-amie. Mon coeur se serre, avec les années j’ai pris l’habitude de leur tenir compagnie, ce n'est plus une mais un rempart de chandelles que je porte à bout de bras. Etre seule, apprendre à me débrouiller sans eux, va me faire un bien fou.
— Ta mère a encore raté ta frange ! constate Harry en chopant un morceau de gâteau.
Au rythme où il engloutit sa part, je comprends mieux d'où viennent ses quelques kilos en trop. De honte, je plaque ma main sur mon front.
— Oui mais c'est bientôt fini ça !
— Tu auras les cheveux longs comme une amazone, Erny ! On pourra te les tresser comme Raiponce, renchérit Aloyse.
— J'ai hâte ! lâché-je sous le coup de l'excitation.
Je m'imaginais déjà arriver là-bas, vivre aux rythme fou des américains, faire des études dans un immense campus, participer à des associations, manger une pizza à quatre heures du matin. Ne plus avoir aucune règle Mais ma joie ne semble pas communicative, bien qu'Aloyse se saisit de ma main pour la comprimer. Harry,lui, a baissé la tête et ses yeux se sont assombris.
— On restera toujours la bande à Erny, je vais rentrer de toute façon à Noël ! dis-je.
— C'est dans plus de six mois, Erny, corrige Harry, la voix rauque.
— J'ai hâte de pouvoir te coiffer, me dit Aloyse avec son éternel sourire joyeux.
— Ton vol est prévu pour quand ? demande son petit-ami.
— Dimanche matin, je vais partir tôt, passer la journée dans l'avion pour recommencer la même journée !
— Oh dimanche ? souffle Aloyse, je dois monter Pégaze normalement. Mais tu sais quoi, on oublie le cheval, tu vas t'envoler pour l'Amérique, c'est quand même un truc de malade ! Je veux que tu m'envoies des tas de photos et tu pourras m'appeler tout le temps !
J'aime son enthousiasme. Elle s'excuse quand le chien de sa mère se met à aboyer sur les passants, debout sur le rebord de fenêtre. Un silence s'installe entre Harry et moi. Je l'ai peut-être vexé en lui laissant apprendre la nouvelle par sa copine. Je n'y peux rien, j'allais éclater en sanglot si je lui avouais.
— Tu me promets de faire attention, tu sais qu'on a prévu ce voyage en Ecosse avec Aloyse, on n’ira pas sans toi.
— Je serai là, t'en fais pas, c'est dans trois ans en plus.
— Ernestine, jure moi que tu ferras attention à toi, insiste Harry.
— Tu sais bien que je suis hyper prudente.
Il grimace, il sait comme moi que je vais enfreindre le maximum de loi possible là-bas. Que je vais malmener mon organisme à coup de beuveries. Il se lève et je fais de même.
— Tu es vraiment une amie en or, je ne veux pas te perdre, Erny.
— Tu es comme un grand-frère que je n'ai jamais eu, avoué-je à mon tour, je serais prudente pour toi.
Harry ouvre ses bras et je m'y réfugie. Je ne retiens pas mes pleurs quand il ressert l'étreinte et me murmure :
— Tu vas terriblement me manquer...
18 commentaires
Laureline Maumelat
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Il y a 6 ans
EmilyChain
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Il y a 6 ans
Caro Handon
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Il y a 6 ans
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Landry
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Landry
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