Fyctia
Chapitre 3
J'examine avec attention mes chaussures; j'ai enfilé, au pied droit, un escarpin rouge brillant et je viens de glisser mon pied gauche dans un soulier identique mais à la teinte noire. Les deux couleurs s'assemblent avec le reste de ma tenue. Je tente pas tout les moyens de fêter ses retrouvailles que j'espérais tant. Masquant ma déception par des paillettes et un maquillage prononcé. Il n'y a, pour le moment, qu'un sentiment de frustration qui s'empare de moi.
Je suis dégoutée, déprimée, motivée à faire demi-tour. Mais je risquerai de vexer Harry. Exactement comme je l'ai peut-être fait avec Aloyse en refusant de revenir à Noel. Il m'était inconcevable de passer des fêtes aussi réjouissantes en Angleterre. Pas après ce qui était arrivé à Papa...
D'un geste rapide, j'évince ces sombres pensées de mon esprit. Je devrais me réjouir de la soirée qui m'attend. Coincée dans un château à la décoration loufoque, sous une tempête qui ne cesse pas. L'attente devient longue, j'ai eu le temps de détailler chaque tableau, observer les recoins de la pièce. Harry a était clair, il viendra me chercher.
Je scrute les détails de la tête de chevreuil, je peux à peine toucher du bout des doigts son menton. Son poil est dru, délavé par le temps. J'admire la bête, pouvant deviner mon reflet au travers de ses yeux artificiels. Les trotteuses de l'horloge sur le mur d'en face s'affolent, le "tic-tac" incessant perce mes tympans. Le silence alentour devient oppressant, je tente de me concentrer sur ma respiration, ferme les yeux.
Quand, j'entends, cette fois-ci, un son lointain, irrégulier. D'un pas précipité, je sors de ma chambre, tourne la tête de gauche à droite. De nouveau, ce bruit attise ma curiosité, je n'arrive pas à le distinguer. Je cherche du regard d'où il pourrait provenir. Mes propres pas font écho contre les épais murs de pierre du manoir. La forte pluie ricoche contre les carreaux. Le vent s'infiltre sous le bois de la fenêtre et sa mélodie masque l'infime bruit.
— Ce devait être mon imagination, soufflé-je.
Je fais volte-face pour faire demi-tour et je crois devenir folle quand le son redémarre. Il ne s'agit pas d'une musique, ni d'un appareil électronique. Mon instinct me dicte de me rendre à ma droite, endroit que je n'ai pas encore visité. Les lumières du fond du couloir grésillent, un courant d'air passe et me glace les sangs. De crainte, une boule de stress se forme au fond de mon estomac. Il me suffit de faire quelque pas de plus pour comprendre que je m'approche. Je me fige alors. Ce rythme effréné me rappelle ce jour où j'étais enfermée chez moi.
Quelqu'un est en train de frapper contre une porte. Ses poings cognent si fort contre le bois, que celui-ci grince. Le bourdonnement sourd du choc se répercute dans le couloir. Est si Aloyse était enfermée ? Pourquoi ? Est-ce de la mégarde ou Harry aurait-il fait ça ? J'avance davantage, j'ai passé tant de portes que je serai incapable de retrouver ma chambre.
— Aloyse ? essayé-je.
Mon cri se perd contre la pierre, le bruit a cessé. Je pousse un grognement de mécontentement. Qu'est-ce qui cloche ? Le soudain silence m'effraie. Je suffoque. Le vent fait claquer la porte qui se trouve à ma droite. La main tendue, j'hésite à y entrer. Un pressentiment me pousse à ouvrir.
— Tu comptais faire une visite de dernière minute ?
La soudaine présence d'une autre personne me surprend. Je bondis en arrière, mon coeur tambourinant à deux mille à l'heure dans ma poitrine. Le souffle me manque, je respire fortement, ma poitrine se soulevant à chaque fois. Harry se tient devant moi. Il affiche un air mécontent et je ne peux m'empêcher de grimacer comme un enfant prit sur le fait.
— J'ai cru entendre un bruit...
— Certainement un vieux volet qui claque, cette batîsse n'est pas toute récente.
Je fronce les sourcils, peu convaincue par ces propos.
— J'aime particulièrement ton nouveau style, se moque-t-il en désignant d'un geste de menton mes chaussures.
La tête baissée sur mes chaussures, je réalise que j'ai gardé ma paire bicolore. De nouveau, mes joues se teignent d'un rouge vif que je ne peux pas masquer. Cela fait sourire davantage mon ami qui s'approche de moi. Je réalise qu'il a troqué ses anciens vêtements contre d'autres tout aussi beaux. Son parfum se répand autour de nous. Il sent le cèdre et la vanille. Des frissons incontrôlés parcourt mon échine. Il me scrute avec attention, il avance d'un pas certain vers moi.
— Je te trouvais déjà ravissante en entrant, mais j'étais loin d'imaginer que tu étais devenue aussi belle.
Le malaise s'installe à son tour, j'apprécie le compliment mais je ne devrais pas le recevoir. Les bras croisés contre la poitrine, je détourne le regard. Une pensée pour Aloyse me fend le coeur. Harry remarque ma tristesse et me tend la main pour le rejoindre. Je cède et glisse mes doigts dans sa paume. Il m'éloigne d'un pas hâtif du couloir où j'étais perdue. Nous prenons plusieurs carrefours avant d'arriver dans ce qui semble être une salle de réception. Dans une partie de la pièce une table est dressée pour deux. Mon coeur se brise encore. Elle ne sera pas là ce soir.
— J'espère que tu aimes l'agneau, je t'ai préparé quelque chose de succulent.
Il m'amène à table et me présente une bouteille d'alcool.
— Et du gin !
Après toutes les soirées que j'ai passé à Miami, j'ai freiné ma consommation d'alcool. Nous avions frôlé le pire lors d'une soirée trop arrosée sur la plage, je ne veux plus connaitre cette crainte et cette confrontation brutale avec la mort.
— Merci.
Un sourire se dessine sur mes lèvres. Je sais qu'il essaie juste de nous faire passer une bonne soirée. Harry m'offre un second sourire. Peut-être arriverai-je à passer une nuit sans Aloyse ? Après le copieux repas, mon meilleur ami m'a proposé de s'installer dans un canapé magnifique, mais peu confortable.
— Alors tu as certainement des tas de choses à me raconter, commence Harry en me tendant un énième verre de gin.
Je l'accepte, me place de profil dans le canapé pour lui faire face. Il m'imite, pose sa tête sur le dossier et me regarde. Non, en réalité je sens bien qu'il me dévore du regard.
— Et bien, j'ai fini mes études il y a quelques temps déjà et j'ai pas mal vogué en quête d'un nouveau rêve à accomplir.
— C'était comment Miami ?
— Surprenant... Tant en bien que mal, j'ai vécu des expériences extraordinaires.
— Et tu as rencontré quelqu'un là bas ?
La question me surprend tant que j'avale de travers le reste de mon verre.
— Oui... Mais c'est fini, ça été assez catastrophique comme relation. Toxique même.
Harry pose sa main sur ma cuisse, je sursaute à son toucher. Ce n'était pas dans nos habitudes d'être si proche, son genou est contre le mien, son bras qui lui permet de maintenir son crâne est placé contre ma tête et son souffle s'écrase sur mon front.
— Tu peux m'en parler si tu en ressens le besoin. Je suis toujours à ton écoute.
— Merci et toi avec Aloyse alors ?
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Sand Canavaggia
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