Fyctia
41. Duplex (2/4).
Dans cette entrée que Joséphine découvrait à contre-sens, son esprit se fit agent immobilier. Tiens, c’était pas la même hauteur sous plafond que dehors. Il y avait quoi ? Deux mètres ? Rien à voir avec les quatre ou cinq mètres du couloir. Parquet au sol, mais pas de moulures au plafond. Dommage. Cela dit, s’il s’agissaient d’anciennes chambres de bonnes, rien d’étonnant à cela. Le couloir d’entrée lui sembla plus long que large, mais, bon point, les rangements y étaient légions. Des étagères encastrées accueillaient ce que la pénombre avait refusé de lui révéler. Pas grave, Dorian finirait bien par allumer la lumière, un jour. Sur sa gauche, une porte entrebâillée lui révéla une petite chambre. Enfin, petite… rien qu’avec le couloir, ça demeurait toujours plus grand que chez Joséphine.
Enfin, ils débouchèrent dans le salon. Tout petit salon mansardé au niveau de la fenêtre qui, d’après le sens de l’orientation de Joe, devait donner sur cour. Un canapé d’angle, une immense plante en pot, mais surtout une impressionnante bibliothèque que Joséphine ne lâchait du regard tandis que Dorian l’entraînait vers un ailleurs sur sa gauche. La cuisine ? La salle de bain ? Non, rien de tout cela. Un salon. Le vrai, le grand. D’une tape sur les fesses, il l'invita à poser pied au sol, et Joséphine ne se fit pas prier. Ici, le plafond disparaissait au profit d’une grande verrière sous les toits. Elle était là, la même hauteur que dans la cage d’escalier.
— Un ancien atelier, réalisa-t-elle en attrapant l’éclat de la lune 400 000 km au-dessus d’elle.
Pas des chambres de bonnes, non, mais l’ancien terrain de jeux d’un autre artiste. Dorian avait disparu dans son dos mais il était partout autour d’elle, dans chaque meuble, dans chaque détail. Elle avait imaginé un appartement sommaire, spartiate, un lieu neutre où dormir et manger entre deux répétitions. Il n’en était rien. Un grand canapé clair faisait face à deux portes-fenêtres donnant sur ce qui devait être un balcon. Sur la gauche, contre le mur, un large fauteuil à la trame colorée bien usée. C’était peut-être cela le plus étonnant : les couleurs. Pourquoi s’était-elle représentée du monochrome ? Si tous les murs et plafonds étaient bien blanc, le mobilier explosait de couleurs. Un aperçu qui se vérifia lorsque la lumière se fit. Les touches de rouge, de jaune et de bleu s’affichaient sur les meubles design qui cotoyaient les vieilleries dans un mélange étonnant et pourtant harmonieux. Sur les murs, les toiles contemporaines encadrées de noir cotoyaient les natures mortes dans leur débordements ornementaux dorés.
Alors, seulement, Joe remarqua l’escalier sur sa droite et pivota sur ses talons pour en suivre la trajectoire.
— C’est un duplex ? s’étonna-t-elle.
— Techniquement, c’est une mezzanine, lui répondit Dorian depuis la petite cuisine qui jouxtait le minuscule salon par lequel ils étaient entrés.
Non, une mezzanine c’était petit et très bas de plafond. Là, y avait une passerelle, des murs, une porte, et au moins deux mètres avant les toits.
— Y a quoi là-haut ?
Joséphine n’avait osé bouger depuis qu’il l’avait déposé à cet endroit précis. Les bras le long du corps, elle cherchait à minimiser l’espace occupé. Elle ne touchait qu’avec les yeux malgré la curiosité galopante qui la bouffait de l’intérieur.
— Tu peux aller fouiner, l’entendit-elle dire sans le voir.
— Vraiment ? Je ne voudrais pas me montrer intrusive.
Cette fois elle le vit, penché en arrière pour attraper son regard avec incrédulité.
— Ce serait bien la première fois.
— C’est mon métier qui veut ça, en vrai je suis une personne très respectueuse de la vie privée.
Ce disant, elle était déjà dans l’escalier dont elle gravissait les marches deux par deux. La passerelle était suffisamment large pour accueillir un nouveau canapé. Mais de combien de ces meubles un danseur avait besoin ? A hauteur de verrière mansardée, Joséphine avait une vue imprenable sur les toits parisiens, et le ciel clair par-delà. Elle ne s’arracha de ce tableau que poussée par sa curiosité d’en découvrir toujours plus. À l’angle de ce passage suspendu, une porte coulissante s’ouvrait sur une petite chambre. Un lit, une télévision accrochée au mur, des rangements, un petit velux. Et derrière le mur faisant office de tête de lit : une salle de bain.
— Y a même une baignoire, s’exclama-t-elle en découvrant l’objet de ses fantasmes.
— Et une douche dans la chambre d’en bas, lui répondit Dorian depuis l’étage inférieur.
Revenant sur ses pas, Joséphine s’accouda à la balustrade tandis que le danseur en contrebas, les bras chargés, allait et venait entre la cuisine et le salon.
— Elle est à qui la deuxième chambre ?
— Comment ça ?
Perplexe, Dorian leva un œil en sa direction.
— Le loyer doit être dingue, non ? Je suppose que tu as un colocataire ?
Ou, une colocataire ? Pourquoi se représentait-elle une grande blonde élancée au sourire ravageur ?
— C’est à moi, se contenta-t-il de répondre en disparaissant de son champ de vision. La chambre et l’appartement, je veux dire. Je l’ai acheté.
— Quoi ?
Pour l’occasion, Joe s’empressa de le rejoindre, dévalant les marches avec tant de précipitation qu’elle acheva la descente des deux dernières sur les fesses.
— Enfin, techniquement, il appartient plutôt à la banque pour l’instant.
Dans la petite cuisine où tout semblait neuf, Dorian s’activait autour de ce qui devait être leur repas.
— Sushis, annonça-t-il en extrayant lesdits sushis de leurs emballages. Ça te va ?
Joséphine hocha du menton avant de venir coller ce dernier contre son dos, et que ses bras ne s’en viennent s’enrouler autour du buste masculin. C’était simple, c’était doux et tellement naturel. Elle ferma les yeux un instant et ne les rouvrit en sursaut que lorsque les détonations se firent entendre. Qu’est-ce que… ?
— Tour Eiffel, feux d’artifice, énonça-t-il au constat de son mouvement de panique. Bonne année ?
14 commentaires
WildFlower
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Il y a 10 mois