Fyctia
28. Coulisses (2/3).
C’était tellement anodin, tellement ridicule, qu’elle eut envie de le gifler de cette insulte qu’il lui faisait. Elle évoquait un ravage de sa personne, il lui répondait petite frustration insignifiante.
— Mais par pitié, tais-toi ! ordonnait-elle les doigts s’enfonçant dans son propre crâne.
Sans un mot, il recula d’un nouveau pas, fit mine de sceller ses lèvres, puis l’invita à prendre la parole en un geste théâtral. Qu’il pouvait être agaçant, putain ! Au moins, Joe ne pleurait plus. Elle se contentait de l’observer d’un œil sombre. Les bras croisés contre son torse, il ne détachait son regard du sien. Et Dieu, qu’il était beau. Bouleversant serait un terme plus juste. Brut, comme une matière première intouchée tout simplement magnifiée par la nature. Ses cheveux en vrac qui s’ourlaient sauvagement, sa peau nue qui se soulevait au rythme d’une respiration qu’il peinait à reprendre.
— Arrête de me regarder, j’arrive pas à me concentrer ! s’énervait-elle encore.
— D’accord, mais tu sais que ça devient vraiment bizarre, là, répondit-il en obéissant malgré tout.
Dorian avait fermé les yeux, et cela ne changeait rien au brouillon qui régnait en maître dans le cerveau de la jeune femme. C’était même pire, peut-être. Il n’en n’apparaissait que plus vulnérable encore.
— J’sais pas comment expliquer les choses, reprit-elle après un instant de silence. J’voudrais te dire, mais j’ai pas les mots. Pour la première fois de ma vie, j’ai pas les mots, bordel. Alors que c’est mon métier, les mots, mais même ça j’sais plus faire. Tu m’as bousillé le cerveau, putain !
— Désolé ? hasarda-t-il en entrouvrant un seul œil.
— C’est pas ta faute, s’apaisa-t-elle légèrement. Enfin si, mais non. Tu vois ?
Non, il ne voyait pas. D’autant qu’il avait refermé l'œil et fronçait des sourcils par-dessus.
— C’est ta faute, mais c’est bien. C’est beau. Je sais pas comment tu fais ça, je sais juste qu’il faut jamais que tu cesses, poursuivait-elle comme une supplique. Enfin si, la première partie si t’arrêtes, c’est pas grave, mais pas la deuxième, et les autres comme ça.
— Joséphine, je t’entends parler, je vois bien que tu essayes de me dire quelque chose, mais désolé, c’est vraiment pas clair.
Faux ! S’il n’avait pas tout compris, le sourire qu’il peinait à contenir témoignait du fait qu’une partie ne lui avait pas échappé. Au moins savait-il ce qu’elle évoquait. Frustrée par son manque d’élocution, Joe tapa du pied en avançant d’un pas. Elle avait couru jusqu’ici pour lui dire, et voilà qu’elle se trouvait dans l’incapacité de le faire correctement. Les mots se mélangeaient, les intentions aussi. Elle n’était plus très sûre de ce qu’elle souhaitait lui communiquer. Ca ou bien son exact opposé ?
— J’arrive pas à m’exprimer ! s’agaçait-elle à nouveau.
— Alors, montre-moi ? proposa-t-il sur le même ton.
Le lui montrer ? Mais comment on faisait ça ? Que pouvait-elle bien faire qui serait apte à témoigner de ce qu’elle avait ressenti, de ce qui se diluait encore dans ses veines et lui ravageait le cœur ? Une bête. Impérieuse et volontaire. Une bête indisciplinée qui bientôt fit taire Joséphine et récupéra le contrôle sur son corps. Une bête qui crocheta la serviette éponge, et tira dessus pour faire ployer l’homme.
— D’accord, murmura-t-elle en contrebas des lèvres masculines.
C’était sa voix, c’était ses mots, mais elle ne reconnaissait pas cette audace qui l'assujettissait. Ni cette complète légitimité qu’elle éprouva en se hissant sur la pointe des pieds. Son souffle contre ses lèvres, est-ce qu’un retour en arrière était possible ? La paume masculine qui se posa contre sa nuque lui fit dire que non. Et pourtant rien. Rien d’autre que deux souffles erratiques qui se mêlaient pour n’en former plus qu’un dans cet instant suspendu. Elle allait le lui montrer. Elle devait lui montrer. C’était à elle de le faire. A elle seule. Qu’attendait-elle au juste ?
Plus rien.
Dans un geste d’une touchante hésitation, elle combla la faible distance et déposa ses lèvres contre les siennes en un baiser qui tarda à se former. Elle ne faisait que toquer timidement à une porte en priant pour qu’on lui entrouvre. Et voilà qu’elle reculait déjà. Pas suffisamment pour interrompre la communion des souffles. Juste assez pour implorer sa pitié. S’il devait la repousser, c'était maintenant. Mais il n’en fit rien. N’avait-il donc rien entendu ? Dans le doute, elle y revint, et s’attarda quelque peu. Une seconde ou deux. Une heure peut-être, avant de baiser cette bouche avec adoration. Une bouche entrouverte, une bouche offerte. Une bouche qui exhibait ses lèvres à la tentation.
Cette fois, il ne la laissa pas s’évaporer. La paume dans sa nuque se fit caresse, et la bouche masculine douce morsure contre sa lèvre inférieure. Dorian soulagea la frustration en même temps qu'il la cultivait. Il ne força pas le barrage, il n'eut pas à le faire. Elle s'ouvrit d'elle-même, naturellement, comme rodée. C'était grisant. Galvanisant. Les doigts féminins quittèrent la serviette pour s’en venir accaparer ses joues. Ils glissèrent jusqu’à ses tempes, s’emmêlèrent dans ses cheveux, anéantissant toutes éventualités de fuite.
D’un geste vif et précis, Dorian dénoua la ceinture du manteau de la jeune femme, et toujours armé de cette même précision, contourna un pan pour venir s’établir dans son dos, tout contre cette chute de rein qu’il ne devait que trop bien connaître désormais. Sous son crâne anéanti par l’assaut, Joséphine l’en félicita en silence. Ses jambes, fourbes, s'entêtaient à se dérober sous elle. Le danseur la maintenait d’aplomb.
Il l'embrassait avec déférence et vénération, comme un objet de culte qu'on regrette de profaner. Sa douceur n'avait d'égale que sa langueur. Une langueur qu'elle ne savait volontaire ou fortuite. L'extrême lenteur de chacune de ses caresses ne faisait qu'exacerber son propre désir frustré, que nourrir cet incendie qui n'en finissait plus de se propager. Pas un feu de paille ridicule, mais une véritable catastrophe naturelle.
Son bas-ventre irradiait. Et lorsque les mains masculines s'introduisirent sous le tissu de son chemisier, glissèrent sur sa peau sans la moindre hésitation, et colonisèrent son épiderme en se l’appropriant, elle... Oh bordel ! Et bientôt la bouche de Joséphine se fit plus avide, ses lèvres plus voraces. Ses mains se firent exploratrices à leur tour. Elles quittèrent les hauteurs pour rejoindre une cambrure de rein à l’épiderme offert, puis remontèrent, à plat tout le long de sa colonne vertébrale. Elle n'avait pas le sentiment de s'approprier quoique ce soit, mais bel et bien de récupérer son dû.
Lorsque son dos heurta le mur, elle réalisa qu'il l'avait faite reculer sans qu'elle n'en conserve le moindre souvenir. À mesure que l'étreinte partagée gagnait en intensité, elle perdait de vue la réalité. Plus rien n'existait passé la frontière de ce corps masculin.
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Mikazolinar
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Il y a un an
Ophélie Jaëger
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Marion_B
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