Fyctia
20. Piscine (3/3).
La salle de brunch était surpeuplée, mais les tables suffisamment espacées épargnaient un peu la migraine de Joséphine. Elle était installée sur un confortable sofa prévu pour douze, et Dorian lui faisait face, le nez dans l’écran de son téléphone portable. Il n’écrivait pas, il se contentait de lire. Quoi ? Elle n'en avait pas la moindre idée, et se retenait bien de poser la question. La jeune femme se contentait d’ingérer, sans grand appétit, le banquet qu’on lui avait déposé en offrande. Des fruits, des viennoiseries, des œufs, du bacon, et même du saumon. Cherchaient-ils à la gaver en vue de lui prélever son foie ? Ce n’était pas une bonne idée, il n’avait certainement pas achevé de se détoxifier de tout l’alcool de la veille.
Elle picorait un croissant, lorsque son regard accrocha celui d’une femme à l’autre bout de la salle. La blonde d’une cinquantaine d’années n’avait de cesse de jeter des coups d'œil dans leur direction. Dans un premier temps, Joséphine avait songé que son intérêt se portait sur Dorian. Dans leur duo mal assorti, il était celui qui attirait les regards et les convoitises. Mais cette dame ignorait le dos de l’homme et plantait son intérêt en Joséphine.
— Dorian ? appela-t-elle en étirant une main pour s’en aller tapoter la sienne. Pourquoi cette dame me regarde comme ça ?
Le danseur délaissa son écran pour suivre le regard de Joe. Si elle avait souhaité un tant soit peu de discrétion, Dorian n’en avait cure. Il se fendit même d’un sourire et d’un petit signe de main à l’attention de la quinquagénaire.
— Elle pense que tu as pris ton pied toute la nuit, répondit-il simplement.
— Et pourquoi pense-t-elle ça ? paniqua-t-elle légèrement.
— Parce que c’est ce que tu lui as dit.
Quoi ? Non. Pourquoi ? Ça n'avait aucun sens, elle ne connaissait même pas cette dame. Cette fois, le désarroi de Joséphine était total. Un bout de croissant demeura coincé au fond de sa gorge, et les quintes de toux ne parvinrent à l’en déloger qu’à grand renfort de tapes dans le dos que Dorian lui administrait. Sans jamais cesser de sourire à la dame. Crétin !
— Pourquoi j'aurais dit un truc pareil ? s’indigna-t-elle une fois souffle et parole retrouvés.
— Elle allait appeler les flics.
Son air innocent ne trompait pas Joe, il se délectait de cette situation, le fourbe. S’il semblait toujours aussi impassible, Joséphine avait appris à lire dans le frémissement d’un coin de lèvres ce sourire qu’il réprimait.
— Tu ne vas pas me dire ce qu’il s’est passé, réalisa-t-elle soudain.
— Et me priver de toute ta myriade d'expressions d’amnésique en galère ? Jamais.
Cette fois, le sourire ne se dissimulait plus. Il s’affichait, il s’élargissait, il se faisait carnassier. D’une traite, l’homme termina sa tasse de café, avant de déplier son long corps en se levant. Dorian était sur le départ, et comme à son habitude, Joséphine s’affola, précipita ses mouvements afin de lui emboîter le pas.
— Sadique, souffla-t-elle en arrivant à sa hauteur.
— C’est pas ce que tu disais cette nuit, répondit-il dans ce sourire qui ne lâchait plus ses lèvres.
Ok, fallait absolument qu’elle retrouve la mémoire. Et très vite.
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WildFlower
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Il y a un an
Ophélie Jaëger
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Il y a un an
Gottesmann Pascal
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Ines.m
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Emeline Guezel
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Laryna
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Il y a un an