Ophélie Jaëger L'albatros 20. Piscine (1/3).

20. Piscine (1/3).

Il y eut un premier éveil. Un éveil doux et confortable. Du genre de ceux dont on émerge éreinté avant de constater qu’il nous reste encore plusieurs heures avant le matin. Un éveil où planait encore la pesanteur de l’alcool et pas encore ses douloureux effets secondaires. Les paupières lestées, Joséphine peina a délasser ses cils et plus encore à dompter l’obscurité. Elle ne savait pas bien où elle se trouvait mais constatait le confort dans lequel elle était nimbée. Elle n’avait pas encore mal. Ca viendrait plus tard, lorsque l’effet anesthésiant de la bière, de la vodka et que sais-je encore, n’agirait plus. Si elle ne se rappelait plus très bien où elle était, ni même qui elle était, elle avait conscience d’y être parfaitement à son aise. À l'abri. En sécurité.


Sa tête roula, son menton se planta, et son regard envisagea ce rai de lumière sur la gauche. Un salon. Le salon. Celui de la suite. Ok. Brest, oui, ça lui revenait. Et ce torse sur lequel elle reposait ? Oh, d’accord, ça aussi ça lui revenait à peu près. Sans s’alarmer, loin de là, elle se réinstalla, plus confortablement encore, ensevelissant son corps dans l’étreinte de la couette et celle de ce parfum masculin qu’elle aimait bien. Son oreiller humain s’anima quelque peu, et un bras s’arrima pour consolider la position de la jeune femme. Ses paupières lourdes cessèrent toute résistance. Il lui restait encore quelques heures avant le réveil.


Des heures qui défilèrent trop vite au rythme du marteau piqueur contre ses tempes. Ce fut cette douleur qu’elle ressentit en premier. Puis celle de son front, de son nez, de ses membres gourds et ankylosés. La souffrance était partout. Elle irradiait ses jambes, son dos, son cou. La bouche pâteuse, les paupières scellées, elle ne parvenait à se résoudre à s’extraire de ce sommeil ouaté. Si elle sombrait à nouveau, peut-être parviendrait-elle à semer la peine.


L’élancement dans son crâne la ramena à la raison. Le rythme de son sang se répercutait contre son front. Même le son de sa propre respiration lui devenait insupportable. Dans un effort surhumain, elle chercha à se rappeler. Son prénom, déjà, puis localisation et temporalité ensuite. Joséphine remonta le fil de sa mémoire perdue, et tira quelques cartes au hasard de ces flashs qui s’imprimaient sur l’intérieur de ses paupières. Brest, ça, elle l’avait. Le conservatoire, elle s’en souvenait aussi. Puis le bar. La bière et la vodka. Pourquoi, déjà ? Oh, oui, la suite nuptiale. Oh merde, la suite nuptiale !


Elle se redressa d'un bond, fit fi du mal dans ses membres, sous ses cheveux, sur ses rétines, et chercha du regard l’autre prisonnier de ce huis-clos non désiré. Personne. La chambre était vide de tout sauf de la boule de douleur perdue au milieu d’un trop grand lit.


D’une main fiévreuse, Joséphine fouilla la zone endolorie au-dessus de son nez, et ses doigts rencontrèrent du papier. Un post-it jaune, constata-t-elle en le ramenant devant elle. “Bonjour”, y lisait-on d’une écriture penchée et élégante. Alors, seulement, elle remarqua l’autre post-it collé dans l’intérieur de sa main gauche. “Table de nuit”, disait celui-là. Et Joséphine obtempéra. Son regard bifurqua vers la dite table de nuit, et accrocha le grand verre d’eau qui s’y trouvait, ainsi que le petit cachet blanc dans une coupelle. En avalant le tout, elle remarqua le nouveau carré jaune sous le verre d’eau. L’encre d’un “salle de bain” manuscrit avait quelque peu pleuré au contact de la condensation, mais demeurait lisible. Et Joe s’exécuta encore.


La douche était réglée à la parfaite température, et l’eau tiède détendit un à un chaque muscle, chaque nerf et l’intégralité du squelette malmené de la jeune femme. Lorsqu’elle récupéra l’épaisse et douillette serviette blanche, un nouveau post-it s’échappa de l’éponge de qualité. “Café dans le salon” Merci les korrigans, merci petits êtres si prévenants pour ce parfait escape game de la gueule de bois. Sur la table basse, un mug géant l’attendait, et un post-it lui indiquait la direction de la machine à café. On avait même pensé à lui indiquer sur quels boutons appuyer.


Le breuvage eut le mérite de reconnecter quelques neurones entre eux, et bientôt Joséphine dû se rendre à l’évidence. Non, il ne s’agissait pas de fées domestiques qui avaient balisé son réveil dans le but indubitable de le lui adoucir. Le danseur avait fait tout cela. Et elle n’était pas très sûre de comprendre pourquoi. A moins que… Est-ce qu’ils avaient ? Non, impossible… Quoique… Non, absolument pas ! Elle s’était réveillée tout habillée. Elle avait son jean, son tee-shirt au réveil. Joséphine avait des lubies étranges, mais pas celle de se rhabiller intégralement après le sexe. Alors quoi ? Que s’était-il passé dans la nuit pour que l’imbuvable Jézéquel se transforme en post-it-man ? Et, il était passé où, d’ailleurs ?


Si la chambre et la salle de bain avaient été utilisées, le salon était aussi immaculé qu’au moment de leur arrivée. Il y avait bien le sac de voyage de Dorian ouvert à côté d’un fauteuil, mais hormis sa propre tasse de café sur la table basse, aucune autre trace de vie. Est-ce que le danseur dormait debout, façon girafe ? Cette interrogation épuisa les maigres capacités cognitives de Joséphine, qui décida qu'elle aurait bien le temps d’y songer plus tard. La priorité de l’instant était de mettre la main sur l’accro aux post-it, et s’assurer qu’il ne s’était pas carapaté sans elle.


Ses lunettes de soleil sur le nez, Joséphine décida de rejoindre le hall, et c’est là qu’elle l'aperçut. L’ultime carré jaune plaqué sur la porte d’entrée. “Je suis à la piscine”. Il y avait une piscine dans l’hôtel ? Classe. Elle froissa le post-it, le fourra dans sa poche et s’exfiltra de la suite.


Si elle avait été un peu plus attentive, elle aurait prêté attention à la petite flèche qui l’invitait à retourner le post-it. Mais la gueule de bois était bien trop violente.


— Bonjour Marie, salua-t-elle la jeune femme au comptoir.

— Madame Jézéq…


La dernière syllabe s’étrangla en une déglutition sonore sous le regard incendiaire d’une Joséphine qui avait baissé ses verres opaques pour l’occasion.


— Mademoiselle Orsini, se corrigea l’hôtesse en un sourire contrit. Oh, j’ai une bonne nouvelle ! Une chambre va se libérer, vous pourrez l’investir après que le service de nettoyage y ait opéré sa magie.

— Excellent, répondit spontanément Joséphine.


Mais l’était-ce réellement ? Oui, sans l’ombre d’un doute. Alors pourquoi ne parvenait-elle pas à s’en réjouir ?

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27 commentaires

Marion_B

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Il y a un an

bon 3 chapitres de piscine...est-ce que Joe va se mettre en maillot? Mais qu'y a t-il sous ce post it? Dorian est quand même super mignon!

lea.morel

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Il y a un an

à jour <3

Emeline Guezel

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Il y a un an

Petit like de chez moi <3

Gottesmann Pascal

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Il y a un an

Il est parfait Dorian. Franchement super attentionné, rien à dire.

Marigolotte

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Il y a un an

En sécurité dans ses bras...hâte d'en savoir plus sur elle...!
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