Fyctia
13. Inoui (2/2).
Lorsque Joséphine eut achevé l’ascension et la redescente, il l’observa s’emparer de son propre sac, et eut juste le temps de fermer un œil d’appréhension avant de se le recevoir dans les parties. Dans un souci de virilité déplacée, il masqua sa douleur en un grognement sourd, avant de se relever, tant bien que mal, pour ranger l’arme du crime dans le compartiment au-dessus de sa tête. Il en profita pour chercher une place libre qui lui épargnerait la compagnie de la pseudo autrice, mais dut se rendre à l’évidence : il allait devoir se la farcir quatre longues heures durant.
Il ne se faisait aucune illusion, le projet de Joséphine était de poursuivre sa traque bien au-delà de la gare de Brest, mais Dorian avait pour lui la connaissance du terrain. Il lui suffirait de la semer. Voilà, excellent plan. Satisfait, il se réinstalla et commanda la fermeture centralisée de ses sens. Un écouteur vissé dans chaque oreille, les paupières closes, Joséphine n’existait plus. Et puisqu’il ne comptait ni la goûter, ni la toucher… Voilà, c’était réglé pour les cinq sens. Enfin quatre. Le cinquième, il n’y prêta pas attention, jusqu’à…
Verveine ? Non, chèvrefeuille… Non plus. C’était définitivement végétal, mais plus subtil, plus délicat. C’était comme un sous-bois après une pluie d’été, comme la fougère perlée de rosée. Pourquoi fallait-il qu’elle sente comme un foutu farfadet ? Elle ne pouvait pas se shampooiner à la noix de coco ou au miel comme les autres. Mais elle ne faisait jamais rien comme le commun des mortels. Lui tenir tête à lui, par exemple. Qui faisait cela ? Personne. Maxence parfois, mais c’était son métier. Alors que chez elle cela semblait inné.
À l’ombre de ses cils, il l’observa à la dérobée. Tablette baissée, elle fouilla son sac qui dégueula son contenu sur l’imitation bois de mauvaise qualité. Dorian s’étonna qu’un simple tote bag puisse contenir autant de bordel. En plus de son ordinateur, elle y avait entassé un boîtier de lunettes, un trousseau de clefs à faire blêmir Passepartout, trois livres, un portefeuille, un baume à lèvres, des écouteurs, encore un baume à lèvres, un carnet de notes, et… encore un baume à lèvres ? Cette fille devait avoir les lèvres les plus douces de la Création, à ce rythme-là. Lorsqu’elle eut mis la main sur le chargeur qu’elle cherchait, et branché son téléphone portable, l’écran s’illumina révélant… une marmotte armée d’une batte de baseball en fond d’écran ? Ok, cette fille était complètement tarée, et lui avait besoin d’un énième café.
Tant pis pour le repos, adieu le sommeil réparateur. Le danseur déplia son long corps et décida de battre en retraite. Il n’attendrait pas l’hôtesse et son petit chariot de collation, le wagon bar serait son salut.
Lorsqu’il revint, presque une heure plus tard, Joséphine dormait profondément. Bouche entrouverte, tête en arrière, genoux repliés, la position ne paraissait en rien confortable. Cependant, elle se tenait tranquille, et c’était bien là la seule préoccupation de Dorian.
Précautionneusement, il réintégra sa place. En silence, il réajusta ses écouteurs. Et enfin, déposa sa tempe contre la boursouflure de l’appui-tête. Il était sur le point de s’enfoncer dans les méandres du sommeil, lorsqu’un assaillant prit possession de son épaule droite. Nul doute concernant l’identité du colonisateur, elle était la seule de ce côté-ci de son siège. Du talon de sa main, il chercha à repousser ce visage inerte à deux doigts de baver contre son sweat-shirt. Mais tel un insupportable culbuto, la joue revenait toujours s’enfoncer contre l’os de son épaule.
Avec beaucoup moins de précaution cette fois, il l’écarta à nouveau pour l’abandonner contre la vitre. Sa respiration bloquée, il attendit un instant, comme suspendu à cette buée que les expirations de Joséphine faisaient naître contre la fenêtre. Elle ne bougeait plus. Satisfait, il se réinstalla à son tour.
Et la tête revint se loger dans son cou.
— Putain, laissa-t-il échappa avant de renoncer.
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WildFlower
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Il y a un an
Marion_B
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Il y a un an
Ophélie Jaëger
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Raëlfar
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Céline Carberge
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Gottesmann Pascal
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