Alec Krynn La Vertu du Péché Marcus Celinarys

Marcus Celinarys

Assis en silence autour d’une table en acacia, les compagnons repus contemplaient à présent l’immense salle les entourant avec intérêt. Le plafond en forme de dôme retranscrivait avec fidélité la voûte céleste et c’était comme s’ils observaient une nuit claire et dégagée, un milliard d’étoiles surplombant leurs têtes. Athlin émit un hoquet de surprise lorsqu’une comète traversa le ciel magique, laissant dans son sillage une traînée bleutée d’une beauté à couper le souffle. Delilah et Envie ne parvenaient pas à détacher leurs regards des étranges étagères bâties dans un matériaux qui leur était inconnu et supportaient des objets de curiosités plus abscons les uns que les autres.

En ce qui le concernait, Cortez ne goûtait pas à l’allégresse générale et ne faisait que peu cas des merveilles l’entourant. Son rat posé sur la table, il caressait son petit crâne sans y prêter grande attention et ne décrocha un mince sourire que lorsque l’animal grignota son doigt avec un peu plus de force que d’ordinaire, pinçant sa peau avec colère pour réclamer l’attention dont il était habituellement la cible. Le forban fit la moue et lui offrit un morceau de biscuit sec, tout en caressant sa longue queue avec la plus grande délicatesse, se moquant gentiment de son allure de vers de terre. Monsieur Jingles ne trouva cependant pas la comparaison à son goût, et c’est immobile, ses grands yeux noir brillant de reproches, qu’il lui asséna un regard peiné et abandonna sa pitance pour trottiner avec hâte en direction du maître des lieux. Il tendit son bras au rongeur, qui l’escalada et se jucha sur son épaule, sa petite tête pointée vers Cortez comme pour estimer sa réaction.

— Un compagnon des plus intelligent, commenta l’homme d’âge mûr de sa voix douce et maîtrisée, qui ne reflétait en rien les rides marquant son visage. Il semble très attaché à vous Cortez, c’est un grand honneur que d’être ainsi choisi.

En réponse à ses paroles, le rongeur émit un couinement strident d’approbation. Le magicien retroussa les manches de sa longue robe d’un noir d’encre et psalmodia un simple mot. Le petit animal se retrouva instantanément sur l’épaule de son propriétaire qui ouvrit de grands yeux ronds.

— Merci de nous accueillir Marcus, exprima Leonhart en dévisageant l’homme avec attention. Je suis heureux de voir que tu te portes bien, tu sembles t’être bien remis de ta convalescence.

Marcus Celinarys contempla le visage souriant de son homologue. Il sentait la sincérité dans sa voix, mais la pointe de suspicion qu’il y décela le rendit méfiant. Il choisit néanmoins de sourire avec la plus exquise politesse à son assertion, ne parvenant pas à retenir le tic nerveux qui fit tressauter la paupière de son œil gauche.

— C’est tout naturel d’accueillir un ancien camarade et le reste de sa fine équipe parmi les murs de ma demeure. Je sais pour Courage, un petit oiseau est venu pépier à mon oreille. C’est là une bien triste nouvelle. Cependant, vous avez gagné une alliée des plus inattendue, déclara-t-il en hochant la tête en direction d’Envie. Déesse, c’est pour moi un honneur de vous recevoir en ce lieu.

Envie effectua une petite révérence et se garda de prononcer le moindre mot. L’aura de cet homme lui rappelait Leonhart par certains côtés, mais il y avait quelque chose de plus dans l’infinité qui semblait la constituer, un certain désordre inexplicable, un chaos dévorant qui la glaça au plus profond d’elle-même.

— Je vous en prie mes chers hôtes, claironna-t-il avec entrain, sentez-vous libres de vous promener dans mes jardins ou d’explorer le Pilier à votre convenance. Il n’y a aucun danger pour vous en ma demeure et je n’ai rien à dissimuler. Allez donc assouvir votre soif de curiosité pendant que ce cher Leonhart et moi nous entretenons sur des sujets plus graves, tout en évoquant le bon vieux temps.

Sautant sur l’occasion, Cortez s’éclipsa avec un salut respectueux. Delilah et Envie s’entre-regardèrent et décidèrent d’un commun accord d’explorer les étages. La mercenaire désirait voir tout ce que ce lieu unique avait à offrir et elle se faisait une joie de pouvoir partager ce moment d’espièglerie avec l’unique autre femme de la compagnie. Pour sa part, Athlin choisit de se rendre dans les jardins. Avec la permission de Marcus, il souhaitait récupérer certaines essences de plantes rares pour ses remèdes.

Seul avec son ancien mentor, Leonhart ne pu s’empêcher de ressentir une certaine culpabilité à son égard. Marcus ne parut pas s’en émouvoir et l’invita à le suivre dans un petit salon. Lorsqu’ils en eurent franchi le seuil, la porte se referma de son propre chef et un claquement retentit. Ils étaient à présent isolés du monde, hors de vue et d’écoute du plan des mortels grâce à un sort d’isolement complexe. Le vieil homme s’installa dans un fauteuil vert sombre et fit signe à son invité de prendre place dans celui disposé juste à côté. S’il avait été son mentor jadis, Leonhart était dorénavant son égal, fait qu’il avait du mal à digérer.

*

Athlin déambulait au milieu des végétaux depuis plus de deux heures lorsqu’il décida enfin de rentrer se mettre à l’abri de l’ardeur du soleil dans la douce fraîcheur des murs du Pilier. Suant à grosses gouttes, il appela Leonhart, puis Delilah, sans succès, seul un silence obstiné lui répondant. Il erra quelques minutes dans la grande salle et constata avec déception que le ciel magique était d’un enténébré. L’absence de bruit le mit mal à l’aise et il chercha une quelconque présence afin de se rasséréner. Il avisa les marches ascendantes et faillit entamer leur ascension lorsqu’il remarqua à l’arrière, un escalier dérobé à peine visible et s’enfonçant dans les profondeurs de la construction. Il hésita une seconde avant de s’y aventurer avec précaution.

À sa grande surprise, les murs d’abord nus, se parèrent de torches de bronze abritant une flamme émeraude, diffusant une lueur spectrale sur les pierres taillées avec grande minutie. Il descendit durant de longues minutes et déboucha dans un sous-sol empli de fûts de chêne et d’étagères renfermant pléthore de bouteilles poussiéreuses. Un bruit des plus étranges lui fit dresser l’oreille. Une sorte de grognement rauque à mi-chemin entre une plainte douloureuse et un halètement animal. Il se faufila avec difficulté au milieu des spiritueux et se tétanisa lorsque le bruit s’intensifia. S’armant de courage, il louvoya entre un tonneau et un mur, puis après une ultime contorsion, il aperçu la silhouette de Cortez, identifiable à son sempiternel tricorne, allongée sur le sol, ronflant tel un bienheureux. Il émanait de lui une forte senteur amère et alors qu’il se penchait sur lui, il avisa une bouteille vide et l’odeur bien nette qui s’en échappa ne lui laissa aucune hésitation sur son contenu. Pourquoi cet imbécile s’était-il enivré d’absinthe ?

Athlin s’appuya contre la paroi pour ramasser le récipient. Un clic sonore se fit entendre et un pan de mur s’abaissa dans le sol.

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12 commentaires

Véronique Rivat

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Il y a 5 ans

C'est quoi ce passage secret ? Je tourne la page !

Sissy Jil Adan'S

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Il y a 5 ans

Wouhou un passage secret !!!

Caro Handon

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Il y a 5 ans

P’tit coup de main 😇

Alec Krynn

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Il y a 5 ans

Merci beaucoup 😚

Lyaminh

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Il y a 5 ans

Que peut-il bien se cacher derrière cet accès dissimulé ??? Tu laisses le lecteur dans une attente insupportable ! Finement joué !👍😀

Alec Krynn

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Il y a 5 ans

Il faut bien mettre un peu de suspense 😋
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