Alec Krynn La Vertu du Péché Nature imprévisible

Nature imprévisible

Leonhart quitta le ravin et ses profondes gorges pour mener le groupe par un minuscule sentier caillouteux en pente raide. Le chemin n’avait rien d’une sinécure mais il raccourcissait le voyage de deux jours et leur évitait un large détour. Ils durent jouer des pieds et des mains et l’exercice s’apparenta plus à de l’escalade qu’à de la marche par certain moment. Si Athlin s’en sortait admirablement bien, sautant avec l’agilité d’un cabri sur les pentes traîtresses, Delilah et Cortez ne s’en tiraient pas à si bon compte. La mercenaire pestait, plantant son espadon dans le sol afin de profiter d’un appui stable.

Cortez ne s’en sortait pas mieux que sa camarade. En outre, il ne disposait pas d’une longue arme pour garder l’équilibre. Il dégringola lamentablement à plusieurs reprises, râlant après ce chemin impraticable. Il se cramponnait à tout ce qui passait à sa portée. Il écorcha sa main sur plusieurs arêtes rocheuses et supplicia plusieurs arbustes en se retenant à leurs branches souples afin de se hisser vers le sommet. Seule Envie se tenait derrière lui, suivant le chemin escarpé et abrupt avec lenteur et décontraction, comme si elle se promenait dans un jardin. Elle lui adressa un sourire enjoué lorsqu’il se retourna avec angoisse pour suivre le trajet d’un caillou, dérangé par son pied, qui dévalait la pente rocailleuse avec grand bruit. Il émit un signe de tête goguenard à la Déesse et se retourna pour continuer son ascension. Il devait se concentrer, mettre un pied devant l’autre avec lenteur, faire attention à ne surtout pas chuter. Il continua avec intrépidité, puis se saisit d’une branche située un peu plus haut. Il voulut se retourner pour lancer un clin d’œil canaille à sa suivante mais son regard fut happé par le vide en contrebas. Ils évoluaient à plus de trente mètres de haut et la perspective de profondeur qui s’imposa à lui le fit trébucher et sa main parut s’ouvrir de son propre chef. Cortez maudit son vertige et sa folie tandis qu’il perdait l’équilibre et chutait dans un formidable cri.

— Cortez ! hurla Delilah avec effroi.

Atlhin observa avec impuissance son compagnon tomber en arrière. Leonhart ne possédait aucun sort pour ce genre de situation. Il en conçut autant de frustration que de regret en observant la scène. Jamais il ne parviendrait à se le pardonner si cet imbécile s’écrasait en contrebas.

Cortez hurla mais sa seule préoccupation était de retenir avec fermeté son tricorne sur son crâne. Son petit animal était lové dedans, s’il venait à s’envoler, s’en serait finit du pauvre rongeur. S’il devait périr de façon si misérable, il espérait qu’au moins il lui survivrait.

Envie ne manqua rien de la scène et elle vit la silhouette de l’humain tomber comme au ralentit. Elle leva sa main une première fois à l’approche d’un objet gris et s’en saisit avant de le fourrer dans sa poche avec nonchalance. Son autre main lui permit de dévier la chute du gaillard et de ralentir sa vitesse. La déesse se précipita avec grâce dans sa direction et accueillit son corps au creux de ses bras. Elle avisa ses muscles tétanisés et utilisa son aura pour lui faire perdre connaissance. Elle sauta elle aussi dans le vide et à la place dégringoler comme une pierre, son corps s’éleva avec lenteur jusqu’à rejoindre le haut de la falaise pour se poser face aux compagnons.

Elle déposa le corps de Cortez à ses pieds et Delilah se rua sur lui avec inquiétude. Elle avisa sa respiration lente mais régulière et sentit un profond soulagement l’envahir.

— Merci Déesse d’avoir sauvé sa vie ! la remercia-t-elle avec dévotion. Je ne saurais jamais suffisamment vous témoigner ma gratitude pour ce noble geste. Je n’oublierais pas votre aide, pas plus que la vie que vous venez de sauver avec générosité, je puis vous le promettre.

Envie se contenta de hocher la tête, radieuse. Les louanges de cette humaine lui procuraient une curieuse chaleur au creux de l’estomac. L’idée même de laisser Cortez s’écraser au sol lui paraissait absurde. Il était de loin son préféré dans ce qu’elle aimait à considérer comme son escorte personnelle. Jamais elle n’aurait pu laisser une telle chose se produire. Elle observa Athlin se diriger vers elle et s’incliner avec raideur. Leonhart resta au loin. Sous son air suspicieux, elle décela un soupçon de soulagement.

*

Une pluie battante s’acharnait sur le groupe et de véritables trombes d’eau les assaillaient avec une stupéfiante fureur alors qu’ils galopaient tels des déments dans la vallée de Bourcourt. Coincée au milieu des Pics de la Narmasse et subissant les affres d’un climat septentrionale, les pluies diluviennes étaient fréquentes en cette période de l’année. S’ils avaient emprunté ce chemin un mois plus tard, ils se seraient frottés à un épais manteau de neige qui aurait coupé toute visibilité en ne manquant pas de geler leurs os.

Leonhart avisa une grotte non loin et fit signe aux compagnons de le suivre. Ils s’engouffrèrent dans le refuge, soulagés, puis observèrent le ciel couvert par les épais nuages d’un gris menaçant au-dessus de leur tête.

— Le temps va tourner à l’orage, remarqua Cortez, bien remis de sa mauvaise aventure à présent.

Comme pour appuyer ses dires, un coup de tonnerre assourdissant résonna, faisant sursauter Envie qui lâcha un rire nerveux sous le regard compatissant d’Athlin. Un éclair zébra le ciel quelques secondes plus tard et illumina l’intérieur de l’abri naturel, révélant une cavité étroite mais profonde.

Leonhart psalmodia à voix basse et claqua des doigts. Une demi-douzaine d’insectes ressemblant à s’y méprendre au mélange entre un scarabée et une luciole se collèrent sur les parois de la cavité, leurs larges abdomens rougeoyants procurant une douce lumière éclairant le sol et les murs.

Cortez était assis au fond de l’abri, la mine défaite, le regard rivé sur le sol. Envie s’approcha de lui et s’installa juste à côté en observant ses traits. Ses yeux étaient rougis et il lui offrit une moue contrite.

— Je l’ai perdu, avoua-t-il à regret en triturant ses mains. Je pensais qu’il s’était réfugié dans mes vêtements mais non, il est introuvable. Je sais que je n’ai pas le droit de me plaindre, tu as sauvé ma vie, mais ce petit rat me manque.

Envie l’observa avec attention et sa peine lui fit un pincement au cœur. Elle n’aimait pas le voir subir les affres de la tristesse. Elle plongea sa main dans sa tunique et en ressortit le petit rongeur qui darda son museau vers le roublard.

— Monsieur Jingles ! s’extasia Cortez en caressant son compagnon qui grimpait déjà sur son bras pour se nicher dans son cou et lui laper la peau avec affection, ses petites moustaches tremblantes de joie.

Cortez voulu la remercier mais Envie posa son index contre ses lèvres en plongeant son regard dans le sien. Ce soir-là, alors que tous les autres dormaient à poings fermés, les rires de l’humains et de la Déesse résonnèrent jusqu’au petit matin.

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25 commentaires

Véronique Rivat

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Il y a 5 ans

Je savais que le petit objet gris rattrapé par Envie était M. Jingles! Ouf !

Caro Handon

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Il y a 5 ans

Je m’arrête ici pour ce soir et je terminerai demain 😇

Jo Mack

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Il y a 5 ans

tu as une belle plume, agréable et élégante!

Alec Krynn

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Il y a 5 ans

Merci beaucoup, je suis ravi que mon récit te plaise 😊

Sissy Jil Adan'S

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Il y a 5 ans

J ai beaucoup aimé ! Heureusement que Monsieur Jingles a été sauvé ! ❤

Alec Krynn

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Il y a 5 ans

Je ne pouvais pas le laisser tomber ! 😱

Sand Canavaggia

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Il y a 5 ans

Encore un très beau chapitre, ma sensibilité capte les émotions et jusqu'à un petit rongeur et des éclates de rire tu égrènes tout du long ce sentiment ce cœur qui donne à ton écriture cette force qui sous ma lecture donne du corps aux personnes que tu fais vivre, ils s'animent et Déesse, humain sont un instant deux êtres à égalité, sans différences avec la tendresse de ce petit rongeur qui marque l'affection pour son protecteur...Je continue ma lecture, j'ai de la chance un autre chapitre est là...

Mr Marc Desne

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Il y a 5 ans

Mr jingles ? Tu as vue le ligne verte récemment 😁

Claire Guilvaillant

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Il y a 5 ans

Petit coup de main pour ton prochain chapitre ;) je suis trèèèès en retard chez toi :o Je viens lire tout ça dès que j'ai le temps ;)

Alec Krynn

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Il y a 5 ans

Merci 😘 t'inquiètes pas prends ton temps 😊
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