Fyctia
Evasion
— Il est mort, rapporta Athlin d’une voix blanche en examinant le corps immobile. J’ai tué un homme.
Cortez s’approcha et examina la dépouille en tâtant ses poches.
— En effet, il est raide. Bien joué mon ami, ton premier ennemi occis, et avec un certain panache, il me faut bien le reconnaître. Ton style est très personnel et fort peu académique, mais pas dénué d’intérêt. Ah ! s’exclama-t-il en brandissant un trousseau sur lequel pendaient deux lourdes clefs de fer sensiblement différentes.
Athlin n’en revenait pas. Lui qui avait dédié son existence à soulager la douleur d’autrui, qui mettait un point d’honneur à annihiler toutes souffrances et s’épanouissait dans le bien-être qu’il procurait, cet homme qu’il avait été jusqu’alors venait de tuer un de ses semblables. Lui d’ordinaire si timorée avait réagi au quart de tour en réalisant le danger que représentait cet homme. Son instinct d’ordinaire pusillanime l’avait poussé malgré lui à commettre l’irréparable, à se jeter sur cet inconnu sans la moindre hésitation, avec une force telle, que son crâne s’était brisé contre le mur à l’instar d’une coquille d’œuf lancée par un enfant capricieux.
Il écarquilla les yeux lorsqu’une évidence s’imposa à lui. Il désirait s’en vouloir et il essaya sincèrement de se fustiger pour cet acte à l’opposé de sa nature. Pourtant, il n’y parvenait pas. Il ne ressentait aucune culpabilité, son acte lui paraissait bien plus que légitime, il était nécessaire. L’avait-il fait par plaisir ? Non, il ne le pensait pas, Grands Dieux, il espérait bien que tel n’était pas le cas. Recommencerait-il ? Certainement.
Tandis qu’Athlin expérimentait cette nouvelle facette de lui-même qu’il ne soupçonnait pas jusqu’alors, Cortez ouvrit la cellule et s’adressa au vieil homme prostré contre le mur.
— Vieux Mack, je suppose ? sourit-il en lui tendant une main secourable au moment où le vieil homme acquiesçait avec méfiance. Ce surnom est quelque peu exagéré pour un homme aussi vaillant que vous mon ami.
Mack pouffa de rire et sa nudité ne sembla pas l’émouvoir le moins du monde. Cortez fut catastrophé cependant par ses côtes qui saillaient bien trop sous sa peau fine et tannée. Il ressemblait presque plus à un squelette qu’à un être vivant. Il se pencha sur le corps du garde et dégrafa sa cape pourpre pour en emmailloter le doyen décharné avec compassion.
— Merci, crachota-t-il d’une voix éraillée et hésitante, comme s’il redécouvrait sa capacité à communiquer. Z’allez me sortir d’ici ?
— Nous venons de la part de Courage, il disait que vous pourriez nous aider dans notre entreprise. Nous en parlerons plus tard, pour le moment, échappons nous de ce trou infâme. Tu es avec nous ? demanda-t-il à Atlhin en faisant claquer ses doigts sous son nez.
Le guérisseur opina du chef. Oui, il allait bien, on ne peut mieux s’il devait être honnête. Passé le choc, il se sentait à présent entier, plus complet qu’il ne l’avait jamais été. Il suivit Cortez et Mack, qui se déplaçait avec aisance en dépit de sa maigreur. Le fringuant monta l’escalier en silence telle une ombre et posa un doigt malicieux sur ses lèvres avant de disparaître. Il n’y eut nul bruit durant une longue minute, puis un son mât résonna. Cortez réapparu avec un sourire triomphant, sa lourde bourse battant son flanc gauche.
— Le chemin est dégagé jusqu’au bout du couloir, les informa-t-il en s’inclinant bien bas. Veuillez me suivre en direction de notre liberté braves compagnons.
Ils gravirent la volée de marches ensemble et Athlin avisa le corps inconscient de l’homme assommé par le gredin. Mack crachat au sol et ses traits s’illuminèrent comme si l’on venait de lui faire un fabuleux cadeau. Des voix résonnèrent au loin devant eux, filtrées par une porte de bois sombre.
— Combien sont-ils ? demanda Athlin en serrant le poing.
Bien qu’il ne sache trop pourquoi, il espérait en découdre.
— Au moins une dizaine, comme toujours, leur apprit Mack avec désespoir. Le Seigneur Pasquino à fait tripler la garde il y a quelques mois et a commencé à entasser les gens dans les geôles, puis à les pendre à tour de bras lorsque le cœur lui en dit. Il m’a enfermé car, selon lui, mes élucubrations farcissent la tête des jeunes gens d’inepties.
Cortez fronça les sourcils. Delilah était-elle réellement en sécurité avec cet homme ? Un pressentiment l’envahit et le besoin de la retrouver enfla en lui. Il fit signe aux autres de le suivre et le trio s’approcha de la porte lorsqu’une voix prononça quelque chose qu’il ne comprit pas. S’ensuivit une exclamation à demi étouffée, un claquement sec, une lumière vive et pour finir, un grand nombre de bruits évoquant une chute.
Cortez et Mack restèrent interdits, ne sachant comment interpréter la chose. Athlin s’avança et poussa la porte, qui s’ouvrit sur un tapis de corps inanimés, surplombés par Leonhart et Envie.
— Joli coup, reconnu Envie avec une moue appréciatrice. Regarde, nos compagnons sont déjà là.
Cortez voulut aider Mack à enjamber les gardes, mais celui-ci prit un plaisir tout particulier à les écraser de ses pieds crasseux et ne sembla pas se formaliser le moins du monde des quelques craquements sinistres qui résonnèrent. Envie l’apprécia immédiatement.
— Qu’est-ce qui vous a pris autant de temps ? demanda le mage en haussant un sourcil interrogateur.
— Cortez s’est octroyé une petite sieste avant de s’enticher d’un rongeur, s’amusa Athlin avec un sourire indulgent.
Comme pour confirmer ses dires, le rat fit émerger sa tête curieuse du tricorne et huma l’air avec intérêt, dévoilant ses dents orange.
— Tu l’as emmené ? s’étouffa Leonhart avec indignation.
— Ce petit gars nous est venu en aide, hors de question de le laisser là-dedans. C’est à la vie à la mort entre nous ! déclara Cortez avec un sérieux désarmant.
Ils sortirent tous ensemble de la prison en prenant bien soin de refermer la porte derrière eux afin de cacher leurs méfaits. Le sort ne durerait pas plus d’une douzaine heures, après cela, les gardes se réveilleraient avec un mal de crane de tous les diables et une amnésie totale.
Envie s’approcha du vieux Mack et lui murmura un mot à l’oreille. L’aïeul eut un rire franc et répondit par l’affirmative.
— Comme vous l’avez deviné, voici notre homme. Cependant, nous n’avons pas le temps de l’interroger pour le moment, je crains que Delilah ne soit en danger avec le maître des lieux, leur indiqua Cortez.
Envie réprima son désir de rire à grand peine. Evidemment qu’elle l’était, ce Pasquino Morozini était un monstre, un humain mutilé et incomplet maintenant que sa divinité tutélaire n’était plus. Si la disparition d’un Dieu pouvait passer inaperçu, elle avait cependant créé un gouffre abyssal dans l’âme de cet homme. Justice vaincue, il n’était plus que l’ombre de lui-même.
Une clameur monta de la place et les compagnons s’y rendirent au pas de course. Le commandant, entouré d’une vingtaine de gardes, exhibait Delilah, en haillons et entravée, à une foule déchaînée.
19 commentaires
Caro Handon
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Il y a 5 ans
Herrade_Riard
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Il y a 5 ans
dreamybookaddict
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Il y a 5 ans
Véronique Rivat
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Il y a 5 ans
Sand Canavaggia
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Il y a 5 ans
Michbonj
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Alec Krynn
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Caro Handon
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Alec Krynn
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Il y a 5 ans