Fyctia
Les geôles
Athlin se retrouvait enfermé pour la première fois de son existence. Le concept même de réclusion lui était inconnu et il en conçu un certain trouble lorsqu’il comprit enfin qu’on ne le sortirait pas de cette cage d’acier. Au bout d’une heure à forcer sur les barreaux, il se mit à crier et s’époumona tant et si bien qu’un joyeux « Mais il va fermer sa gueule l’autre andouille ? » fusa d’une cellule située plus loin dans le couloir.
Cortez était allongé sur une dalle de pierre sommaire supposée servir de couchette. Sur le dos, il avait appliqué son tricorne sur son visage et croisé ses mains sur sa poitrine. L’attitude de son compagnon lui fit lâcher un soupir. Pourquoi ne pouvait-il pas se calmer et le laisser se reposer un peu ? Il grommela et se remit sur pied en observant la pièce. Elle n’avait rien de particulier et ressemblait à n’importe quelle oubliette de sa connaissance. Exiguë, à la propreté douteuse et éclairée par une torche bien trop lointaine.
Il épousseta sa mise et s’inquiéta de l’état de sa chevelure bouclée. Il lui faudrait sans doute un bon bain pour se débarrasser des immondices de l’endroit. Il tâta ses poches et remarqua qu’ils avaient pris sa bourse, en plus de ses armes. Cortez s’offusqua de ce mauvais tour et son air charmant fit place à une mine patibulaire. Il y avait peu de choses auxquelles il tenait réellement en ce bas monde, moins encore pour lesquelles il se sentait prêt à se battre. Ses avoirs étaient l’une d’elles.
Athlin cessa de s’agiter et fixa le sol, songeur. Il examina les pierres mal agencées et le rat qui allait et venait à sa guise entres elles. Cortez s’approcha et le petit homme ne cilla pas lorsqu’il s’accroupit à ses pieds en tendant un doigt curieux en direction du rongeur, qui se saisit de son index à l’aide de ses pattes, avant pour mordiller avec gourmandise son ongle. Cortez s’esclaffa, ravi de l’attitude de l’animal. Il avait toujours aimé les rats, il en avait eu un durant une période. Loyal, rusé et d’une agilité à toute épreuve, il était pour lui le compagnon idéal.
— Il a l’air de t’apprécier, remarqua Athlin avec intérêt.
— Tous les animaux m’adorent, plaisanta Cortez en caressant le rat à la robe grise mouchetée de blanc entre les oreilles. Sauf les chiens, pour une raison que je ne m’explique pas.
Le petit animal se glissa dans sa manche bouffante et remonta au niveau de son col avant de se jucher sur son épaule en humant l’air avec intérêt.
— Il demande si tu as quelque chose à manger, déclara le guérisseur.
— Tu comprends ce qu’il raconte ?
— Bien sûr, pas toi ?
Cortez retourna ses poches et y trouva un mince lambeau de viande séchée qu’il offrit à son nouveau compère. L’animal le récompensa par un couinement joyeux et ne fit qu’une bouchée du met. Il caressa la queue nue de son protégé et avisa les besaces contentant leurs affaires non loin, le long du mur où se consumait une torche crachotant sa faible lumière. Si proche et pourtant hors d’atteinte. Il tenta de passer un bras par l’ouverture mais rien n’y fit, il n’était pas en mesure d’attraper son précieux matériel.
Il se dirigea vers la porte et testa les barreaux. Rien à faire, ils étaient solidement ancrés et seule une créature à la force herculéenne serait en mesure de les desceller et de forcer un passage. Peine perdue donc de ce côté-là. Il se pencha sur la serrure et examina son mécanisme avec attention. Il s’agissait d’un appareil simple à double pênes qui ne constituait même pas un véritable défi pour un homme de sa trempe. Si seulement il avait un crochet, il se libérerait en un tour de main.
Alors qu’il contemplait le petit animal se faufiler entre les plis de sa veste, une pensée germa dans l’esprit de l’exquis scélérat. Non, c’était bien trop insensé, l’idée était si saugrenue que lui-même ne voulait y croire.
— Athlin, te comprend-t-il lui aussi ? demanda-t-il en craignant d’être ridicule. Peux-tu lui demander d’aller chercher mon crochet dans le sac ?
Lissant sa moustache avec une expression rêveuse sur le visage, le guérisseur tendit la main et la créature y grimpa sans la moindre crainte, dardant ses grands yeux noirs dans les siens dans un contact visuel décomplexé.
D’un bond, le rat descendit le long du corps d’Athlin et se faufila sans soucis entre deux barreaux. Il trottina jusqu’au sac et s’introduisit avec vaillance dans le conteneur. Cortez observa la scène avec intérêt et retint son souffle jusqu’au moment où la petite bête s’en extirpa avec son précieux sésame. Elle revint au pas de course à l’intérieur du cul-de-basse-fosse dans lequel ils pourrissaient et se hissa avec agilité sur le brigand, qui l’accueillit d’une grattouille sur le ventre lorsqu’elle se dressa sur ses pattes arrière. Le petit mammifère ferma ses grands yeux de plaisir et laissa tomber l’outil dans la main de l’humain si bon avec lui.
Cortez se précipita sur la serrure et colla son oreille dessus. Il usa de sa dextérité légendaire et le verrou émit bien vite un son métallique. Athlin poussa la porte avec précaution et les deux compères sortirent telles des ombres dans le couloir. Ils récupérèrent leurs affaires et examinèrent chaque cellule le long du couloir. Si la plupart d’entre elles étaient vierges de tout occupant, d’autres en revanche renfermaient des individus crasseux et délaissés, de pauvres hères en haillon à peine nourris et gardés en vie plus par châtiment que par soucis de justice, de décence ou même d’humanité.
— Nous devons les sortir de là au plus vite, pressa Athlin en observant l’intérieur d’une cellule dans laquelle un homme borgne lui rendait son regard avec méfiance.
— Non mon ami, pas maintenant. Ce combat n’est pas le nôtre et nous ne pouvons rien faire pour les aider. L’endroit est sans doute gardé, que ce passera-t-il si nous sortons tous à la fois selon toi ? Le succès de notre évasion est grandement amélioré du fait de notre nombre restreint. Cherchons Mack et sortons d’ici. Nous ferons le nécessaire par la suite.
Athlin se raidit et ses épaules s’affaissèrent d’un coup. Il détestait l’avouer, mais Cortez avait raison. Il serait temps plus tard de jouer les héros.
Ils arrivèrent au bout du couloir formant un coude étroit sur la droite. Ils progressèrent à pas de loup et avisèrent une volée de marches sur leur gauche, sans doute le chemin de la liberté qui les mènerait à la surface. L’ignorant pour le moment, ils poursuivirent leurs investigations pour tomber sur une cellule où gisait un vieillard entièrement nu et d’une maigreur alarmante. Des touffes de cheveux hirsutes et éparses d’un gris fané ornaient les côtés de son visage. Le détenu les observa un moment en silence, puis sa mâchoire s’ouvrit sur une gencive inférieure généreusement édentée tandis qu’il pointait un doigt osseux dans leur direction.
Un bruit de pas résonna à ce moment-là juste dans leur dos et Athlin fonça tête baissée sur le garde. La tête de l’homme cogna le mur avec violence et celui-ci se teinta de rouge.
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Phaenna SH.
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Caro Handon
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Sissy Jil Adan'S
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Véronique Rivat
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Alec Krynn
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