Fyctia
Skunoceros et rencontre
Envie avait joué sa carte maîtresse, elle savait que la vengeance achèverait de convaincre Courage de son sérieux. De fait elle ne mentait pas. La nécessité de faire payer à Orgueil sa trahison enflait en elle depuis sa tentative d’assassinat sur sa personne. Avec l’amulette, l’aide de ces humains et le concours du petit Dieu, elle deviendrait la Déité la plus puissante de ce monde, capable de châtier son frère pour sa folie. En mesure même de faire… tout ce qui lui passerait par la tête.
Elle offrit un sourire carnassier à son interlocuteur qui parut hésiter un court instant avant de retirer la chaîne de son cou et de lui tendre l’amulette. Elle s’en saisit avec avidité et observa l’objet sous toutes ses coutures, tremblant presque sous l’excitation qu’elle ressentait dans chaque parcelle de son corps.
— Êtes-vous certain de votre choix Courage ? demanda Leonhart de sa voix flegmatique. Je n’ai pas la moindre confiance en elle.
Envie se dirigea vers le mage qui ne cilla pas lorsqu’elle se trouva dangereusement proche de sa personne. Elle posa une main insolente sur son épaule qu’elle glissa ensuite avec nonchalance le long de son cou avant de se poster dans son dos pour l’étreindre comme l’aurait fait une amante.
— Et tu fais bien de rester sur tes gardes, qui sait quel mauvais tour je pourrais vouloir te jouer…, s’amusa-t-elle en mordillant le lobe de son oreille avec sensualité avant de se détacher de lui avec un soupir.
Cortez n’avait pas manqué une seconde de l’échange et malgré lui sa main se crispa sur la crosse de son arme. Pourquoi ce mage sinistre et dénué du moindre charme se voyait octroyer un tel honneur ? Il croisa le regard étincelant d’Envie et un désir irrationnel s’empara de son esprit. Il n’avait aucune foi dans le statut de divinité, mais s’il devait n’y en avoir qu’une, c’était forcément elle.
Accompagné de l’imprévisible Déesse, le groupe fit son retour dans le monde des Hommes. Delilah n’en revenait pas, elle marchait aux coté d’Envie, l’être le plus chaotique et imprévisible de toute la création. Nul ne pouvait se targuer de pouvoir lire en elle, elle représentait à la fois le Bien et le Mal, elle pouvait dispenser à sa guise autant la salvatrice Lumière dont ils avaient si fatalement besoin que les pernicieuses Ténèbres dont l’intrigante était si friande. La mercenaire avait un profond respect pour cette force cosmique dont elle ne concevait que la surface. Cependant, au contraire de Cortez, elle se promit de la garder à l’œil et de ne jamais laisser sa gigantesque épée hors de sa portée en sa présence.
Courage et Envie les menèrent vers l’ouest au travers d’une vaste plaine giboyeuse peuplée en majorité de cervidés habillés d’une longues fourrures soyeuses et d’énormes ruminants dont la tête presque rectangulaire était ornée d’une demi-douzaine de cornes d’os formant de curieuses spirales sur leurs faces plates et glabres. Ils les observèrent passer avec une certaine curiosité, leurs larges oreilles coniques dressées sur le coté de leurs crânes. Le mage aux iris améthyste les scruta avec perplexité, jamais il n’avait vu ni même entendu parler d’un tel animal et il sortit un petit carnet pour consigner ses observations.
Athlin remarqua son manège et s’approcha de lui à pas de loup. Il le surprit en pleine exécution d’un croquis au réalisme confondant. Leonhart émit un petit grognement lorsqu’il remarqua sa présence et il lui dévoila son œuvre.
— Vous êtes doué, admit le petit homme d’un ton admiratif. Jamais je n’avais vu une telle représentation de ces mammifères.
— Vous les connaissez ? Je n’ai jamais vu créature si exotique, si l’on oublie le narvantis bien sûr.
— Oui, ils sont courants dans cette partie du monde. Nous ne sommes pas loin de la Forêt Blanche, le lieu dans lequel je suis né. Nous les appelons les skunoceros, ce sont de paisibles bêtes à l’état sauvage et de courageux compagnons ardus à la tâche une fois domestiqués.
Le mage nota le nom de la créature dans la marge. Le listage des espèces inconnues était une passion pour lui, un doux passe-temps anodin qui lui permettait de vider son esprit torturé de ses écrasantes obligations. Il révisa quelque peu son jugement sur le guérisseur et lui asséna une tape amicale sur l’épaule.
— Il faudra que vous me parliez de ces bêtes plus en détail si vous le voulez bien, déclara-t-il en avisant le reste du groupe presque hors de vue. Pour le moment rejoignons les autres avant que quelqu’un ne s’inquiète de notre disparition. Je ne fais pas confiance à Envie, je me sentirais mieux si elle restait dans mon champ de vision.
— J’ai le même sentiment que vous à son encontre, avoua Athlin avant qu’ils ne rejoignent ensemble le reste de la troupe au petit trot.
*
— Où allons-nous ? demanda Envie alors qu’ils escaladaient une pente douce et rocailleuse dont le sol friable détachait de petites pierres à chacun de leurs pas maladroits.
— Nous nous dirigeons à la Citadelle du Corbeau, déclara Courage avec bonne humeur. Il y a un vieil homme de ma connaissance très pieu là-bas. Je suis certain qu’il pourra nous fournir quelques informations à même de nous aider dans notre tâche.
— Je connais le seigneur qui dirige l’endroit, signala Delilah avec un sourire radieux. Lord Pasquino Morozini, un brave homme, quelqu’un de sage et d’éclairé. Il n’existe pas d’homme plus juste et bon dans cette partie du monde.
— Il est vrai que sa renommée est excellente et que chacun loue son équité en toute chose, admit Cortez avec ferveur. On le dit grand orateur, il me tarde de le rencontrer et de deviser avec lui.
Ils finirent par atteindre un plateau rocheux avec une vue dégagée vers le nord-ouest. En contrebas, ils aperçurent un fleuve prenant sa source dans les entrailles des Pics du Colmans dont les sommets sempiternellement enneigés offraient leur spectacle à leurs regards. Plus loin en remontant le fleuve, Fort Corbeau dévoilait ses tours d’ébènes et ses étendards noirs entourés d’or claquant au vent. D’ici, seules quelques toitures en chaume provenant des habitations nichant dans l’enceinte protectrice des lieux étaient visibles, mais Delilah savait qu’un véritable village de plusieurs centaines d’âmes dépendaient en grande majorité du Lord commandant.
Un sentiment étrange envahit l’atmosphère et tous comprirent que quelque chose de néfaste approchait. Courage invoqua sa lance tandis qu’Envie conjura sa lame d’argent, celle-là même qui avait permis de détruire le corps de Colère. Les humains jetaient des regards anxieux à la ronde, chacun d’eux recherchant avec désespoir ce qui ne manquerait pas de fondre sur eux. Quelques terribles instant passèrent durant lesquels rien ne se produisit jusqu’à ce que soudain un jeune homme s’approche avec la plus grande décontraction, les bras écartés avec un sourire réjouis.
— Ce n’est qu’un humain, souffla Cortez soulagé.
— Il ressemble beaucoup à Envie vous ne trouvez pas ? fit remarquer Athlin d’une voix rêveuse.
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Luna-Bella-Me
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