Fyctia

Athlin ne parvint pas à retenir sa curiosité et se leva presque de son propre chef de sa chaise. Cortez l’observa avec intérêt mais ne fit pas le moindre geste pour retenir le guérisseur. Il lança un regard dubitatif à Delilah qui se contenta de sourire de toutes ses dents. Le petit homme moustachu s’arrêta juste devant le nouveau venu et il paru s’étonner en constatant qu’il était encore plus court sur patte que lui-même. Sans pouvoir se contrôler, il se mit au garde à vous devant le nabot et se tint raide comme un piquet.

Cortez ne pu retenir un rire, son camarade lui faisait l’impression d’être un pantin ayant pris de manière trop soudaine un balai dans le fondement. La mercenaire lui lança un regard glacial avant de lui délivrer un coup de pied sous la table afin de lui signifier son mépris et l’intimer avec discrétion de faire montre d’un peu plus de savoir-vivre. L’aigrefin lui répondit par un clin d’œil canaille avant de reporter son attention sur la scène.

Le nouveau venu observa Athlin avec grand intérêt, comme l’aurait fait un maquignon en détaillant un cheval avant l’achat. Il eut une moue appréciatrice et finit par hocher la tête avec un sourire entendu.

— Heureux de constater qu’il y a un brave ici, s’exclama-t-il d’une voix étonnamment grave au vu de sa carrure plus que réduite.

— Qui est ce jeune garçon ? chuchota Cortez à l’attention de Delilah. Il me fait curieuse impression.

La jeune femme eut un regard moqueur et désolée à son interlocuteur. Cortez n’en prit pas ombrage et lui tira la langue avant d’aviser que d’autres entraient à leur tour dans la taverne. Bientôt, une demi-douzaine d’hommes en robes de mage se pressaient derrière Athlin et le nouveau venu, puis une dernière silhouette s’engouffra, un individu au cheveux mi-long portant une chemise vert émeraude agrémentée d’une cape. Il posa ses étranges yeux pourpres sur l’assemblée et sembla s’en désintéresser presque aussitôt.

— Ce sont eux, Courage, expliqua l’un des vieux magiciens désignant la table de Delilah de son doigt décharné.

Courage ne perdit pas un instant et attrapa Athlin par l’épaule comme s’il s’agissait de son vieil ami. De fait cela n’était pas tout à fait faux. Courage et lui étaient liés à un niveau intrinsèque. L’habitant de la Forêt Blanche était une extension de Courage et son corps tout entier réagissait à la vue de la déité comme l’aurait fait un soldat devant son supérieur.

— Nul besoin d’être aussi formel, l’assura Courage avec un sourire étincelant. Nous sommes entre amis ici, détends-toi.

Athlin reprit le contrôle de son corps à ce moment précis. Il se mit à rougir avec violence sous le rire plein de chaleur de la mercenaire qui s’émerveillait de constater l’effet du Dieu sur son acolyte alors que celui-ci reprenait place d’un air penaud à coté de Cortez. Le fringuant ne le quittait plus des yeux, comme s’il tentait tant bien que mal de discerner s’il se payait leur tête à tous.

Rowena revint en salle à ce moment-là. Elle parut interloquée l’espace d’un instant en avisant les nouveaux venus avant de se reprendre.

— Il va nous falloir une très grande table, s’extasia-t-elle avec bonne humeur. Est-ce pour aujourd’hui Messire Courage ?

— Oui petite mère. Nous sommes enfin parvenus à créer l’artéfact.

Courage ne laissa pas Rowena s’atteler à sa besogne et sous sa direction il forma bien vite une tablée à même d’accueillir les compagnons et l’ensemble des nouveaux venus.

— Je t’en prie, joins-toi à nous petite mère, lui proposa Courage en tirant sur une chaise afin qu’elle prenne place. Nous devons faire un choix et ton avis m’est précieux.

Rowena s’installa avec grâce et elle remarqua qu’elle était le centre d’attention de tout le monde. Elle baissa les yeux sur son tablier et entreprit de gratter une tâche imaginaire sur le tissu impeccable.

— Bien, commença l’un des mages en découvrant son capuchon pour dévoiler un visage ridé aux cheveux blancs et à la barbe imposante. Puisque nous sommes tous là nous pouvons commencer. Courage, si vous voulez bien vous donnez la peine de faire le point…

— Oui votre excellence, affirma le Dieu avec une pointe de respect dans sa voix puissante. Comme vous le savez tous, Orgueil a vaincu Colère et s’est emparé de son essence, bien que l’on ignore comment. Ce que peu de gens savent en revanche, c’est qu’Envie l’a aidé dans cette tâche.

Delilah émit un glapissement de surprise. L’idée d’avoir à faire à deux divinités l’épouvantait, et pour cause. Courage la gratifia d’un sourire sauvage avant de reprendre.

— N’ayez crainte madame, Orgueil étant ce qu’il est, il s’est retourné contre sa sœur dès qu’une opportunité s’est présentée à lui.

— Est-elle morte ? questionna Cortez avec un désintérêt exagéré.

— Non, elle est parvenue à fuir et à se retrancher dans son propre plan. Toutefois, il y a deux jours de cela, Orgueil est parvenu à traquer et abattre Justice. D’après les traces, le combat fut âpre et j’arrivais bien trop tard, ne pouvant que constater l’enveloppe flétrie de mon camarade.

— C’est horrible, s’insurgea Athlin avec une détermination qui fit ricaner Delilah. Nous devons tout faire pour mettre fin à ses exactions !

Courage examina une fois de plus l’homme et sa petite bedaine. Il était soulagé d’avoir fait un choix si éclairé lors de sa naissance.

— C’est précisément dans ce but que j’œuvrais de concert avec les plus grands mages de notre monde, lui répondit-t-il avec bonne humeur. Maitre Edril Cidril, je vous laisse poursuivre.

Le mage ridé ayant pris la parole joignit ses mains avec fatigue devant lui. L’homme à la chemise posa sa paume par-dessus et le vieil homme sembla puiser quelque force dans ce contact.

— Nous avons fait de notre mieux, affirma-t-il d’une voix aussi forte qu’il le pu. Nous avons déversé une grande partie de notre magie dans la confection d’un objet fabriqué par Courage lui-même. L’expérience fut douloureuse à bien des égards, nous y avons tous perdu quelque chose, bien que le prix se soit révélé plus grand pour certains d’entre nous.

Son regard se perdit dans les yeux pourpre de son voisin qui lui répondit par un sourire dénué de joie. Son regard se troubla et il pinça les lèvres avant de reprendre.

— Toujours est-il que le résultat est là, nous avons mis au point un objet à même de mettre Orgueil hors d’état de nuire.

Il fouilla sa poche et en retira une chaine discrète d’une finesse inédite accrochée à un médaillon représentant une cage translucide dans laquelle luisait avec placidité un petit liquide argenté.

— Voici l’Amulette d’Isolement, le seul objet de la création capable de mettre hors-jeu n’importe quelle Divinité. Cependant un problème subsiste…

— Il nous faut l’aide du maximum d’entre nous afin d’emmagasiner assez d’énergie pour lancer le sort, déclara Courage.

— Les Dieux ne se sont-ils pas retirés du monde ? réfléchit Delilah à voix haute.

— Précisément.