Fyctia
Chapitre 3.2 - Héloïse
Une dizaine de minutes plus tard, je suis prête. J’ai attaché mes cheveux en une queue de cheval un peu désordonnée, avant d’enfiler un pull crème et un jeans, sans oublier la sous-couche thermique pour survivre aux températures négatives. Quand je descends, Pauline discute avec ses amis. Maël ne fait pas partie du voyage. Un micro-soupir de soulagement quitte mes lèvres alors que je fais rapidement le tour de la bande pour me présenter.
— Salut ! Agathe, flûtiste, m’accueille une femme brune.
— Et moi, c’est Gabin !
Son clin d’œil me fait rougir.
— Salut, je réponds du bout des lèvres.
Nous nous dirigeons vers la porte, mais une voix masculine nous arrête dans notre élan.
— Attendez !
Un jeune homme aux boucles blondes s’approche, essoufflé. Je crois qu’il s’appelle Léo. Je l’ai vu discuter avec Maël hier.
— Regardez qui j’ai trouvé pour nous accompagner, lance-t-il fièrement.
Derrière lui, Maël et une fille que je ne connais pas s’approchent doucement.
Super. Ce qui devait être un moment agréable se transforme en cauchemar éveillé. Père-Noël, si tu existes, donne-moi la force d’affronter ce qui m’attend.
❄️ ❄️ ❄️
Nous marchons depuis quelques dizaines de minutes dans la ville enneigée. Les guirlandes scintillent comme des milliers d’étoiles tombées du ciel, projetant des reflets dorés sur la neige immaculée. L’air sent le pin et la cannelle, et la nuit polaire est fascinante. Il est midi, et l’univers semble avoir revêtu un manteau bleuté qui plonge le monde dans une ambiance à la fois chaleureuse et glacée. Autour de nous, la ville vit. Les touristes flânent en riant, des enfants courent en poursuivant leurs traînées de neige, et les commerçants s’activent derrière leurs étals colorés, vendant souvenirs et douceurs locales. Dans ce tourbillon, je me sens étrangement apaisée, portée par ce flot de vie qui m’entoure.
— C’est magnifique, je murmure pour moi-même.
Gabin, qui marche à mes côtés depuis quelques minutes, approuve d’un signe tête suivi d’un mince « Oh oui ». Je sais qu’il s’agit d’une invitation à démarrer une discussion, mais me faire des amis n’a jamais été ma spécialité.
Et le denier en date m’a planté un couteau dans le dos.
La vision du Maël insouciant de nos études s’impose à mon esprit, provoquant une tension dans mon estomac.
— Tu es déjà venu ici ? je demande à Gabin pour échapper à mes sombres pensées.
— Non, me répond-il. Mais ça a toujours été un rêve. Je suis content de pouvoir le réaliser en exerçant ma passion. Je suis violoncelliste, d’ailleurs, je sais pas si je te l’avais dit.
Il enchaîne sans me laisser le temps de répondre.
— Si tu veux le solo, on pourrait s’entraîner ensemble de temps en temps ? poursuit-il. C’est toujours sympa de pouvoir être accompagné, surtout dans un orchestre.
Je le scrute à la recherche de malveillance, mais ses yeux marron n’inspirent que douceur et gentillesse.
Comme ceux de Maël à l’époque.
Je ravale mes peurs puis lui adresse un sourire sincère :
— Ce serait avec plaisir.
Il enchaine sur des sujets plus légers. Il me raconte une anecdote sur un chef d’orchestre qui avait failli renverser son violoncelle en plein concert, et malgré moi, je m’esclaffe spontanément. Ça fait longtemps que je ne me suis pas laissée aller de la sorte.
Lorsque mon rire résonne, Maël se fige pour m’observer, son sourire en coin disparu. Son regard glisse sur moi, hésitant. Pendant un battement de cils, je jurerais y voir autre chose que de la moquerie. Mais il détourne la tête rapidement pour se recentrer sur Floriane. Pourtant, pendant les minutes qui suivent, je le surprends souvent en train de me fixer. Je finis par exploser :
— Tu veux un autographe ou tu comptes me dévorer du regard toute la journée ?
Léo pouffe à ses côtés, et Floriane me dévisage comme si j’étais une extraterrestre, une lueur inconnue dans les yeux. Les joues rouges de colère et de honte, je ne me laisse pas démonter.
— Sérieux, Maël, si t’as un problème, dis-le.
Il fronce les sourcils une seconde, comme s’il hésitait, puis son sourire en coin refait surface.
— Peut-être que je devrais te demander un autographe, t’aurais enfin l’impression d’être importante et d’avoir réussi quelque chose.
Touchée.
Autour de nous, les autres membres du groupe rigolent de nos taquineries, sans même se rendre compte de la plaie béante que Maël vient d’ouvrir. Et étant donné son air narquois, je suis persuadée qu’il l’a fait exprès. À cause de lui, j’ai dû changer de conservatoire, tout quitter en catastrophe alors que j’étais l’une des meilleures. Une humiliation dont je ne me suis jamais remise. Il m’a volé mon avenir en souriant comme s’il en était fier.
Incapable de répondre, je me concentre sur la neige qui vient de se mettre à tomber et l’inspire à pleine poumons pour reprendre contenance et effacer les larmes qui menacent de couler.
— Tout va bien ? me demande Pauline en s’approchant.
Gabin et elle sont les seuls à ne pas avoir ri de l’échange entre Maël et moi.
— Oui, ça va.
Elle murmure pour que je sois la seule à l’entendre :
— Désolée. Je sais pas pourquoi il est comme ça.
Je ne comprends pas. Après tout, c’est lui qui m’a fait vivre un enfer sans raison apparente lors de nos études, pas moi. Je rassure mon amie du regard. Elle me scrute, comme si elle essayait de lire en moi, puis une fois rassurée, lance à la cantonade :
— Un chocolat chaud, ça vous tente ?
Tout le monde répond par l’affirmative. Nous nous approchons d’un petit commerçant, dont la vitrine est décorée de sapins miniatures. Il nous accueille à bras ouverts, son visage illuminé d’un sourire bienveillant. Avant même que nous ayons le temps de dire un mot, il nous offre les boissons, nous souhaitant la bienvenue dans la ville avec un enthousiasme contagieux.
Nous repartons, les tasses fumantes entre les mains, respirant profondément les effluves douces et sucrées du chocolat. Mais même cette chaleur réconfortante ne parvient pas à m’apaiser, ni à ignorer l’attention que Maël me porte. Quand je tourne les yeux vers lui, je m’attends à découvrir de la haine. Mais curieusement, il ne soutient pas mon regard.
Son sourire en coin a disparu. Ses doigts, posés sur sa tasse, jouent distraitement avec le gobelet, comme s’il cherchait à occuper ses mains.
Comme s’il ressentait… du regret ?
86 commentaires
Soäl
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Il y a 10 heures
Aline Puricelli
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Il y a 9 heures
Scriptosunny
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Il y a 6 jours
Aline Puricelli
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Il y a 3 jours
J.K.Fournier
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Il y a 8 jours
Aline Puricelli
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Il y a 3 jours
Emilie Hamler
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Il y a 9 jours
Aline Puricelli
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Il y a 3 jours
Zebuline
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Il y a 9 jours
Aline Puricelli
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Il y a 9 jours