Fyctia
Chapitre 1.1 - Héloïse
L’air sent le pain d’épices et le cuir des valises usées.
Je ferme les yeux quelques secondes, laissant ce mélange étrangement réconfortant s’infiltrer en moi. Dans l’aéroport, des sapins rouges et or trônent un peu partout en prévision des fêtes. Les yeux rivés sur le panneau des départs, je resserre mon écharpe autour de mon cou avant de me diriger vers les comptoirs d’enregistrement d’un pas pressé.
Ce voyage va être magique.
— Pièce d’identité, s’il vous plaît, me demande l’hôtesse avec un sourire aimable.
Trépignant d’impatience, je lui tends mon passeport. En quelques gestes, elle enregistre mon bagage et me rend mon billet. Je me dirige vers les derniers contrôles, l’esprit déjà tourné vers les musiciens qui m’attendent. J’ai été sélectionnée parmi des milliers de candidatures pour intégrer L’Ensemble Équinoxe, l’un des orchestres français les plus réputés du monde. Rien que d’y penser, une chaleur douce m’envahit, comme si une étoile venait de s’allumer dans ma poitrine.
Dans quelques heures, je foulerai la neige d’un pays où les aurores boréales dansent dans le ciel. Je repense au programme de ce mois de décembre : des concerts sur les marchés de Noël dans les villes enneigées de Laponie. Nous jouerons pour Les Etoiles de Noël, une association qui offre des cadeaux aux enfants défavorisés et fait briller un peu de magie dans leurs yeux. Performer pour une cause aussi noble fait naître un doux sourire sur mes lèvres.
Autour de moi, l’agitation de l’aéroport continue. Des enfants rient en se courant après, un couple s’étreint longuement avant de se séparer. Moi, je suis là, toujours figée, à deux doigts d’embarquer pour le plus grand défi de ma vie. Mon enthousiasme ne doit pas me faire oublier les enjeux. Cette tournée, bien plus qu’une simple expérience musicale, est peut-être le début d’un rêve qui prend enfin forme. Si je réussis, je pourrais intégrer l’orchestre de façon permanente. Finis les remplacements, finis les récitals dans des petites salles anonymes, sombres et miteuses.
Je laisse mon regard effleurer les guirlandes scintillantes accrochées aux guichets de l’aéroport et les passagers emmitouflés dans leurs manteaux. Ma main se resserre sur l’étui de mon violon. Je suis prête. Cette fois, je vais écrire ma propre mélodie. Il est temps de montrer au monde de quoi Héloïse Delacroix est capable.
Tout va bien se passer.
Je me répète ce mantra alors que je me dirige vers les contrôles de sécurité, portée par la douceur insufflée par Noël.
— Bonjour, je lance poliment à l’homme derrière le tapis roulant.
— Les sacs dans un bac, les manteaux à part, les produits liquides à l’extérieur ! crie-t-il à la cantonade sans me prêter la moindre attention.
L’euphorie du voyage me gagne et je me laisse entrainer dans le flot de passagers qui attendent tous la même chose : quitter Paris pour une durée plus ou moins déterminée. Je m’engouffre sous le portique, impatiente de découvrir mes partenaires de voyage.
BIP, BIP, BIP.
Évidemment, je sonne. Un soupir de frustration s’échappe de mes lèvres. Un jour, j’apprendrai à enlever ma ceinture.
— Madame, veuillez-vous placer ici, me demande l’agent blasé en me désignant le mur derrière moi.
Je m’exécute à contrecœur, me tordant dans tous les sens pour atteindre la position souhaitée. Il me scanne, me passe au peigne fin pendant ce qui me semble durer une éternité. J’espère seulement que cette mésaventure ne me mettra pas en retard.
— C’est bon, vous pouvez y aller. La prochaine fois, pensez à enlever votre ceinture, grogne l’homme sans même un sourire.
— Pardon, je rétorque en grimaçant. Bonne journée.
Je récupère mon sac puis traverse le Duty Free. Lorsque j’arrive à proximité de la salle d’embarquement, je balaie la cohue du regard à la recherche du chef d’orchestre, Tom, qui m’a fait passer mes différentes auditions. Un nœud se forme au creux de mon estomac.
J’ai intégré l’ensemble à la dernière minute, et cette tournée particulièrement importante m’angoisse plus que je ne veux bien l’admettre. Suis-je vraiment prête ? Je sais que j’ai été choisie, mais… est-ce que je le mérite ? Et si je me trompais ? Si les musiciens me trouvaient totalement incompétente et me jugeaient, ruinant mes chances d’intégrer un orchestre prestigieux ?
La sonnerie de mon téléphone me tire de mes pensées négatives.
— Allô ?
— Hélo, c’est maman. Comment tu vas ?
— Maman, je suis partie il y a à peine deux heures, je rigole.
— Et alors ? Je voulais être sûre que tout se passait bien.
— Tu exagères, je la taquine. J’ai 26 ans, je peux survivre dans un aéroport toute seule, tu sais.
Je l’entends marmonner dans sa barbe au bout du fil sans comprendre le sens de ses paroles.
« Les passagers du vol à destination de Tromsø sont invités à embarquer porte B12 dès maintenant. »
— Je suis désolée maman, je peux pas rester, mon vol va bientôt partir et je n’ai pas encore trouvé l’orchestre.
— D’accord. Bon voyage, fais-nous signe quand tu as le temps. On est super fiers de toi.
Je raccroche, un sourire aux lèvres avant de me diriger doucement vers la porte concernée. Je n’ai pas envie de rater mon vol.
— Héloïse ?
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Sofia77
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Il y a 10 heures
Aline Puricelli
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Il y a 9 heures
J.K.Fournier
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Aline Puricelli
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Zebuline
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M.B.Auzil
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Beryl L
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Aline Puricelli
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Il y a 10 jours